quand la journée dissipe le jaune des nénuphars
le soleil sort de sa peau sur les queues des lézards
le matin glisse du fard à joues dans le bois de l`armoire
et une boîte à musique fait chanter en rose les tiroirs
en coquelicots le champ s`éveille au-delà des rideaux
le jardin de Monet me fait signe du doigt d`un tableau
l`Epte me prend dans ses bras avec tous les pommiers
gardant en moi la Normandie et la blancheur d`un papier
le vieux moulin salue le vent de son petit coin fleuri
les giroflées s`allongent rêveuses devant l`épicerie
comme une goutte de pluie à travers les ruisseaux
vêtu de son gilet le maître part au marché aux oiseaux
chercher sereinement des plumes en soie avec l`odeur
du ciel qui se cache tendrement dans sa boîte à couleurs
pour creuser dans le coeur d`un saule pleureur son pays
et habiller de vert miroir l`étrange étang de Giverny
au creux de ses mains il fait pousser la danse des fées
qui tournent leurs jupons en écume sur le pont japonais
le rêve sommeille encore dans la laine d`un mouton
quand Claude peint souriant l`air qui entoure sa maison
j`aime son béret comme un vol effleuré d`hirondelles
les chapeaux de ses dames et surtout leurs ombrelles
ses pivoines ses glycines son printemps aux lilas
ses iris qui gardent dans leur son le parfum de ta voix
qui chuchottent à ma porte avec les vergers du village
dissipant la musique des nuages au milieu de ma cage
le temps passe jetant dans ma fenêtre des cailloux
avec les touches célestes de ton piano qui est partout
comme l`eau entre les doigts le matin glisse de sa fraîcheur
le soleil reste telle une orange à la ligne étendue des pêcheurs
quand la journée vient élargir de son pinceau le grand mystère
et laisse sur nos lèvres les traces fleuries d`une douce lumière