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■ Magnolia
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2008-11-29 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt
Comme un fleuve s'est mis
À aimer son voyage Un jour tu t'es trouvée Dévêtue dans mes bras Et je n'ai plus songé Qu'à te couvrir de feuilles De mains nues et de feuilles Pour que tu n'aies point froid Car t'aimais-je autrement Qu'à travers tes eaux vives Corps de femme un instant Suspendu à mes doigts Et pouvais-je poser Sur tant de pierres chaudes Un regard qui n'aurait Été que du désir ? Vierge tu réponds mieux À l'obscure sentence Que mon coeur fait peser Doucement sur ton coeur Et si j’ai le tourment De ta métamorphose C’est qu’il me faut aimer Ton amour avant toi. * Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires Dans les années de sécheresse quand le blé Ne monte pas plus haut qu'une oreille dans l'herbe Qui écoute apeurée la grande voix du temps Je t'attendais et tous les quais toutes les routes Ont retenti du pas brûlant qui s'en allait Vers toi que je portais déjà sur mes épaules Comme une douce pluie qui ne sèche jamais Tu ne remuais encor que par quelques paupières Quelques pattes d'oiseaux dans les vitres gelées Je ne voyais en toi que cette solitude Qui posait ses deux mains de feuille sur mon cou Et pourtant c'était toi dans le clair de ma vie Ce grand tapage matinal qui m'éveillait Tous mes oiseaux tous mes vaisseaux tous mes pays Ces astres ces millions d'astres qui se levaient Ah que tu parlais bien quand toutes les fenêtres Pétillaient dans le soir ainsi qu'un vin nouveau Quand les portes s'ouvraient sur des villes légères Où nous allions tous deux enlacés par les rues Tu venais de si loin derrière ton visage Que je ne savais plus à chaque battement Si mon cœur durerait jusqu'au temps de toi-même Où tu serais en moi plus forte que mon sang. * Les chevaux de l'amour me parlent de rencontres Qu'ils font en revenant par des chemins déserts Une femme inconnue les arrête et les baigne D'un regard douloureux tout chargé de forêts Méfie-toi disent-ils sa tristesse est la nôtre Et pour avoir aimé une telle douleur Tu ne marcheras plus tête nue sous les branches Sans savoir que le poids de la vie est sur toi Mais je marche et je sais que tes mains me répondent Ô femme dans le clair prétexte des bourgeons Et que tu n'attends pas que les fibres se soudent Pour amoureusement y graver nos prénoms Tu roules sous tes doigts comme des pommes vertes De soleil en soleil les joues grises du temps Et poses sur les yeux fatigués des villages La bonne taie d’un long sommeil de bois dormant Montre tes seins que je voie vivre en pleine neige La bête des glaciers qui porte sur le front Le double anneau du jour et la douceur de n'être Qu'une bête aux yeux doux dont on touche le fond Telle tu m'apparais que mon amour figure Un arbre descendu dans le chaud de l’été Comme une tentation adorable qui dure Le temps d’une seconde et d’une éternité. * Derrière les rideaux et l'épaisseur du temps Sans toi comme les nuits sont froides mon enfant Le sommeil et la rue sont pleins de gens d'hôtel Qui parlent haut et brisent tout quand je t'appelle Et je t'appelle malgré tout et je sais bien Que dans ces battements de cœur tu me reviens Que tu recrées de douces mains à ton usage Et que le vent léger rallume ton visage Afin que je le voie dans l'épaisseur du temps Comme une flamme toujours vive mon enfant. (René-Guy CADOU, Quatre poèmes d'amour à Hélène, Les Bibliophiles alésiens, 1948)
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