Où sont les terres vierges, les terra incognita ?
Où sont les derniers hommes affranchis ?
Que sont devenus les arbres fiers, les goélands fous ?
Les chevaux sages et toute l’humanité ?
J’apprends à compter sur des bûchettes,
Je rêve des heures au fond de l’encrier,
J’y vois défiler des lettres de couleurs
Que j’allonge ensuite sur le papier.
Aussi je tire la langue bien fort
Pour coller les gommettes d’or.
Je compte les secondes en attendant les heures
Je fuis sur les rivières, les fleuves annonciateurs,
De bleu coloriés
Sur les cartes accrochées.
Je compte les crayons dans le plumier
Les verts les rouges, les pas taillés.
C'est sur l'ardoise grise
Que je trace les lettres qui crissent
A la craie

Je rêve de turbulences, d’ouragans, de typhons
Au fond de cette salle froide et sombre où je me morfond
Je rêve des orages et tous les pièges que la vie tend,
Je rêve à ce monde infini et étrange qui m’attend.
Sur l'estrade de bois sale
Où se sont usés des souliers
Je récite des Heu... des Et...
Le nez au vent
Un doigt dedans,
J’explore des grottes profondes,
Des océans que je sonde,
Des villes enfouies, des civilisations perdues,
Des montagnes éternelles, des cités défendues.
J’écoute des musiques taboues,
Je lis des livres fous
Assis sur ce banc de bois
Je suis un prince, je suis un roi.
Dans la cour gelée,
Annonent mes congénères
Des comptines imagées
Dont je retiens les airs.
Sur ma blouse d'écolier
En petites lettres de couleur
Pour "si des fois" je l'oubliais
Mon nom est brodé en fleur.
Puis à l'heure du goûter,
L'heure des rondes enchantées,
A l'heure du 4 heures
C'est : tartines confitures et beurre.
Puis demain à nouveau,
je compterai sur mes doigts
Le débit de l'eau
Et la règle de trois