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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2005-10-31 | |
Rabbi
Peut-être suis-je venue vers toi en vain peut-être le siège de la grâce divine est-il occupé par l’odeur de femme en lambeaux restée depuis la création du monde à la douane et je ne comprends toujours rien en cette fin des temps pourquoi le peuple me pourchasse en ce temps où je me languis de la perfection qu’exige ta pensée, Rabbi toi qui m’aimes comme dans un éclat de ciel et me retiens dans la lumière de tes yeux comme une camisole de force par-dessus le véritable aspect des choses. Et je me trouve dans la main du dieu illustre et vivant, contenant entièrement la confusion cosmogonique, surgie depuis l’ascension tel un point de mire au milieu des insultes dans ce projectile du mot hypnagogue et je parle avec ta voix, Rabbi, songeant aussi comme tâtonnent les alvéoles du silence dans cette plaque flottante telles des noix pulvérisées et gâtées alors que nous attendons tous frère Timothée pour qu’il change la tectonique du rêve en texte de cendre, je te supplie encore une fois, Rabbi de me montrer comment nous devons tenir aux choses que nous avons entendues pour ne pas nous retrouver loin d’elles telle une musique qui ne nous écoute plus car je me suis réveillée dans un espace discontinu qui n’unit plus les mondes aux mondes mais au sens de la parole quand hier n’existait pas, comme aujourd’hui n’existe pas, et comme demain existera encore moins. je suis un enfant vieux né d’une mère enchaînée je ne fais que passer dans cette poussière sémantique d’où me parviennent les frais regards des otages pendant qu’augmente la communauté des anges Abelé me soustrait à la perfection originelle (tikun) avec le tranchant des angles sur lesquels nous nous coupons l’articulation du poignet dans la jeunesse de l’illusion et de cette blessure nous suçons alors l’un l’autre la sève amère que nous crachons ensuite après l’ascension d’Adumin remplissant les vallées de forêts d’orangers. Toi, Rabbi, tu as aimé l’immaculé, et tu as enlaidi l’infâme tu as bien visé et tu as mis en joue le loup dont la chair sentait la brume, nous avons dégusté ensemble les discours et les images et tu m’as laissé m’emplir de symboles mais tu as ensuite pointé le doigt sur moi, expliquant aux passants surpris par cette nouvelle vague au croisement qu’une telle créature n’espère pas recevoir quelque chose de Dieu, car il s’agit d’un être indécis et inconstant dans tous ses choix, oui, la nature endimanchée de l’homme est agile, et les fleurs de cendres recouvrent le monde de leurs faces chaque jour je vois comme le soleil s’élève de la source et se couche au creux d’une joue de femme créée par l’homme au goût de cendre Eva Adam Set Enos Cainan Mahalaleel Iared Enoh Metusala Lameh Noe Sem Ham Iafet Canaan Gomer Magog Madai Iavan Tubal Meşec Tiras Aşchenaz Rifat Togarma Elişa Tarşiş Chitim Dodanim Cuş Mițraim Put Seba Havila Sabta Raema Sabteca Şeba Dedan Nimrod Ludimi Anamimi Lehabimi Naftuhimi Patrusimi Casluhimi Caftorimi Sidon Het Iebusiți Archiți Siniți Arvadiți Temariți Hamatiți Elam Asur Arpacşad Lud Aram Uț Hul Gheter Maş Şelah Eber Peleg Ioctan Almodad Şelef Ațarmaved Ierah Adoram Uzal Dicla Obal Abimael Seva Ofir Havila Iobab Avram Nahor Lot Sarai Milca Haran Terah Reu Serug Lya Elam Maş Amada Agnita Iurin Zamir et leur lignage littéraire. Par amour du tout premier kaddish et de son sacrement, tu restes encore avec moi, Rabbi, sinon telle une fleur parmi les herbes je passerai d’un dieu à l’autre même si je m’empresse pour écouter et ralentis pour parler, je retarde ma colère, mais le vendredi soir, lorsque nous polirons mélancoliquement le toit du temple, Aaron viendra à nouveau avec son char rempli de fruits et nous ricanerons ensemble dans nos gorges isolées sur les statues nues en face du Palais de la Culture, et Aaron me saisira par les cheveux et m’entraînera parmi les fleurs de cendre m’exhibant aux consommateurs de symboles et de lettres, en criant : persévérez dans l’amour fraternel et n’oubliez pas d’accueillir vos hôtes, car certains de ceux que vous avez hébergés sans le savoir, étaient des anges et ne considérez pas avec indulgence cette femme qui actuellement et depuis tant de temps porte en son sein le prélude des nuits qui a recommencé en cette fin de siècle pour ne plus se terminer je serai l’horloger des amnésies, comme toujours, Rabbi, et je dirai résolument à l’auditoire qu’il est à peine quatre heures moins cinq et que quiconque est libre de me connaître tel que je suis, en dehors d’une forme et d’une tendance aux hallucinations, de la plus petite à la plus grande d’entre elles, mais vous ne comprendrez pas encore que mon testament puisse être un poème où Aaron allume l’ultime chandelle je regarde dans les yeux la fleur de cendre, chaque jour elle m’enseigne le visage d’un autre juif qui me choisit comme lieu de sacrifice j’entends le bruit des corps qui brûlent dans la mémoire du lendemain et dans mon chant de captive à peine revenue du commencement, fleur de centre parmi fleur de cendre, shoah parmi shoah, pesah parmi pesah et fleur de cendre éparpillée dans la shoah montre-toi à moi dans la fleur de shoah, Rabbi, car je n’ai pas encore laissé la perfection dans ce geste où le corps quitte l’enveloppe du concept de culpabilité pour avoir manqué de compassion, et les coqs chanteront l’entrée dans la cendre de l’être imaginaire tout d’un coup nous saurons tous, tant les vivants que les morts tant les souffrants que les bien-portants, tant les chétifs que les nantis qu’il s’agit là de l’odeur de fleur de cendre et de shoah qu’il s’agit là du goût de sang d’un veau ou d’un bouc ou d’un serment oublié, et tu nous diras, Rabbi, pourquoi tu éclabousses de sang les tentures et les vases de messe inaugurant un vague centre de réconfort qui ne console pas peut-être suis-je venue vers toi en vain mais je ne fais pas encore mon lit dans la fleur de cendre et dissimulant l’état de paix de mon âme („isihia”) je cache mon véritable aspect, loin de l’affabulation j’attends celui qui est dans le monde mais qui n’arrive de nulle part pour commencer tandis que toi, Rabbi, tu cueilleras la fleur de shoah sachant que selon la Loi presque tout se purifie dans le sang; car il n’existe pas de rémission sans verser de sang, ni de réceptacle pour une thérapie des maux mais qui veut faire sa place dans ma mort comme dans un sac de couchage pour deux; et qui a mis en scène pour moi l’accident qui ressuscite la partie hémorragique du mot ? Qui me portera dans ses bras à travers le lit gelé des fleurs de cendre dont est parsemée l’avenue qui mène de Noël à la Résurrection dans la shoah ? la fin de semaine passera rapidement tout comme cet ultime millénaire où toi, Rabbi, tu as purifié ma pensée des actions glacées et tu as mené mon esprit au point le plus significatif de tous ceux évoqués et tu m’as encore montré qu’Aaron n’existe pas pour moi, comme il n’existait pas hier il n’existe pas aujourd’hui, sans parler qu’il n’existera pas demain, il n’a de pouvoir que sur les oiseaux entrant dans le calme de l’obéissance tandis que tu me nourris de la chair brumeuse du loup et de la parole vivante et laborieuse, plus acérée que n’importe quelle épée à double tranchant, tu m’a ravi le repos et tu m’as revêtue de la peau ardente du cri, je cueille maintenant les raisins, je les place dans des paniers ventrus, et seul le vin se met à mugir dans mes artères dans la voix de l’insomnie, mais tu viens soir après soir te régaler de mon esprit, Rabbi, et tu me séduis dans l’onction du pardon où tu exprimes le sang hypermnésique versé à la naissance de l’utopie puisque la face des choses célestes a dû être purifiée, à son instar, nous devons nous aussi, les sots, feindre d’entrer aux cieux sans hâte, comme suit: Aaron en premier, son vieux chapeau dans la main droite froissant timidement le bord piqué de déjections de colombes, et moi à la fin, bossue, nouant dans un mouchoir mes lois qui inscrivent sur les coeurs des anges les numéros des détenus , avançant jusqu’à l’icône où tu te cachais, Rabbi, tel un mot qui pénètre jusqu’à séparer l’âme de l’esprit, les attaches de la moelle, juge les perceptions et les pensées du coeur et ce fut l’instant où, suscitant l’embryon de verset de la matrice amniotique, te ressemblant au centuple ainsi qu’à la création de celui qui se nourrit de toi, tu t’es enfin révélé à nous, Rabbi, vide et nu, dans ta blanche peau d’évangéliste, avec les yeux rouges, peut-être à cause du néon, peut-être à cause de la chambre à gaz, tes os dessinent à la souffrance un corps amoebiodal parce qu’aucune créature n’est cachée en Lui pas davantage que ton coeur n’est contenu dans Sa parole, et tu nous as dit, à moi et à Aaron, amoindris, de prendre place et d’attendre en épiant l’invisible d’après un signe car nous ne sommes venus ni trop tard, ni trop tôt, pour naître à nous-mêmes. (traduction : Nicole Pottier) |
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