Il y avait une fois un enfant sur la rive d’une rivière.
Il luttait contre tout le monde.

Son monde était dominé par ceux qui « savaient toujours ce qui était le mieux pour lui ».
Seulement il ne savait pas pourquoi « ce qui était bon pour lui » ne le rendait pas heureux.

Et comme rien de ce qui lui était demandé par les autres ne lui faisait ressentir chaleur, amour, plaisir, paix, l’enfant a commencé à lutter contre lui-même, contre les autres, contre ce qu’on lui avait dit que lui apportera « le bonheur aux Cieux».

Il luttait contre tout et tous.
Pris dans cette avalanche d`émotions et d`adrenaline il pensait être heureux...

L`enfant devenu homme a compris pourtant que le combat lui a donné une bonne raison pour se manifester mais ne pouvait pas le rendre heureux. Et l`homme a commencé à chercher ce qu’il avait perdu quand il était enfant: son unicité, son individualité, son Moi.
Sa lutte est devenue recherche. Recherche de soi. Recherche de soi à travers les autres.

Il était triste.
Les jours passaient et l`enfant d`autrefois lui hantait les rêves, les espoirs, la vie.
Il se cherchait partout, en tout, en tous, étrangement, intensément, à la limite de l’être, là-haut, plus haut, dans les montagnes.

Mais il continuait à s'égarer dans son passé
seul avec lui-même.
Et il a recommencé la lutte contre tout le monde.

...il était fatigué...
…Le combat le plus dur fut avec Lui …un Il vers qui l’avaient poussé les autres … un homme devenu Dieu qu’il avait été forcé d’aimer et qu’il haïssait maintenant.

Et un jour, sorti de la neige, une tasse de thé à la main, il comprit comment tout cela a commencé: « Il y avait une fois un enfant sur la rive d’une rivière qui luttait contre tout le monde. »

Au-dessus de sa tête le ciel déployait ses rideaux de nuages et une douce lumière caressait son visage rougi par le gel. Un homme avec un enfant souffrant dans son cœur a bu un thé sur les crêtes de l’hiver et a demandé à l`enfant caché dans les coffres de son esprit deux petites pièces de monnaie.

Souriant doucement, il comprit enfin qu’il avait lutté pendant toute sa vie contre une allégorie.
Les nuages se déployaient encore en bandes blanches au-dessus des arbres courbés par les orages.
Une cloche annonçait le midi dans la vallé, loin, dans un vieux monastère.
Le ciel sourit.