Je suspends des oranges au plafond
Je plante des aiguilles à coudre dans le fruit
Et je glisse dans le trou des aiguilles un fil de soie
J’attache ce fil à un clou fiché dans le plafond

Je peints les murs en bleu
Bleu pâle comme le ciel de mer matinale

J’y mets la lumière du soleil réfléchie sur le lac
En lui permettant d’entrer dans la pièce par deux immenses
Fenêtres ouvertes.

La rumeur du vent et l’odeur du boisé humide entrent dans la pièce
En flots harmonieusement mêlés à ceux du lac

Et la brise agite mollement les oranges qui semblent
De petits soleils juteux dans une grande pièce bleue

Je fais entrer les invités dans la pièce
-«Les oranges ici vous ressemblent.
«Regardez comme elles sont belles
«Leur rondeur irrégulière et l’éclat de leur pelure
«Fascinent.
«Mais vous quand vous pensez à une orange,
«Pensez-vous à son apparence
«Ou au goût de sa chair nourrissante ?
Peut-être que la première fois que vous avez vu une orange
Vous vous êtes émerveillés de son apparence
Mais il est certain que dès que vous en avez eu le goût
À la bouche
Vous avez perdu cet éclat premier pour en découvrir un nouveau
Plus intense et plus éphémère

Il est bien que les oranges soient belles et goûteuses.

Pour les goûter il faut
Enlever leur pelure.»

J’incite les invités à retirer la pelure de leurs oranges suspendues.
Pendant qu'ils épluchent
-«Ainsi sommes-nous fais humains avec notre propre pelure
Et notre propre chair et notre propre esprit
Et le sexe mélange les chairs et les esprits
Comme le contact mélange l’esprit puis la chair
Mais pour qu’il y ait sexe ou contact
Il faut que les pelures humaines tombent.»