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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2011-02-23 | | Inscrit à la bibliotèque par Ionuţ Caragea
Tout droit d’un conte de fées surgie
Aux confins du grand jamais, D’une royale souche, une fille naquit Resplendissante de beauté. Elle était unique, ce beau brin De fille, vraiment un régal, Pareille à la Vierge entre les saints, A la Lune entre les étoiles. De l’ombre des voûtes elle se dépêtre Et se dirige d’un pas lent Vers un coin, de la fenêtre Là , où Hypérion l’attend. L’horizon elle scrute à la ronde Et l’océan où il lève, luit, Guidant sur les sentiers de l’onde Nefs par le noir engloutis. A force de l’y voir toutes les nuits, Son désir se fait ardent. Il l’observe à chaque fois, l’épie Et brûle pour elle en amant. Comme éperdue, d’un air songeur, A la vitre elle s’accoudait. Ce grand amour remplit son cœur – Jusqu’à son âme est comblée. Et il arrive plus vif, plus beau, Sans omettre une seule nuitée, Du côté de ce noir château Où, à son tour, elle l’épiait. * Il lui emboite furtif le pas Et s’insinue dans sa pièce, Tout en tissant d’un froid éclat Pour elle une robe de princesse. Et lorsqu’elle veut se mettre au lit Et s’étend comme pour dormir, Sur sa poitrine, ses mains il plie Ferme ses paupières, se retire Et depuis l’écran du miroir, Comme un torrent il déferle Sur ses yeux, sur son corps d’ivoire Et sur son collier de perles. Malgré son sommeil, elle souriait A l’image dans le miroir Qui, dans son rêve, la retrouvait Toute son âme pour émouvoir. Et lui parlant toute endormie, Encore soupire et presque geint : - Oh, doux Seigneur de mes nuits, Tu n’es pas là … Allez, viens ! Veux-tu déchoir de ta grandeur Tout en gardant maint rayon… Dans ma maison arrive sauveur, Apporte-moi ta perfection ! A ces paroles, il palpitait, S’enflammait plus et encore – Tout fulgurant, il s’élançait Dans la mer, vrai météore. Au point où il fit sa culbute, Des limbes étranges se procréent Et, du gouffre où il eut sa chute, Un beau jeune homme apparaît. A la légère franchit le seuil Des fenêtres de la maison, Tel un sceptre, sa main se recueille Sur un bâton fait de jonc. Il avait l’air d’un tout jeune prince D’une blonde chevelure pourvu, Livide, un linceul par trop mince Recouvre ses épaules toutes nues Et son pâle visage, aux ombres blêmes Tire sur le jaune, comme la cire – Un si beau mort, aux yeux suprêmes, Scintille comme un point de mire. - Je laissai avec peine mes sphères Pour répondre à ton invite – Car c’est le ciel qui est mon père, De la mer je ressuscite. Pour y venir et te rejoindre, Me repaître de ton image – Du serein j’ai dû me disjoindre Et naquis depuis le large. Viens vers moi, ô, mon rare trésor, Ton monde tu devrais quitter – Je suis Hypérion et t’adore, Tu seras ma belle mariée. Là , dans les palais de corail, Pour toujours on va s’unir ; Dans l’océan, véritable sérail, Tout ce qui est va t’obéir. - Tu es plus beau que ces rêves où Les anges parfois se laissent voir, Mais à tes projets tellement fous Jamais ne veux m’abreuvoir ! Tu n’es pour moi qu’un étranger – Ton éclat n’a guère de vie, Je suis vivante, tu ne l’es point Et ton froid œil me transit. Force lui fut, malgré son sommeil, Pendant qu’il s’y insinuait, Revoir le prince des flots qui veille Et règne sur son cœur brisé. - Veux-tu déchoir de ta grandeur Tout en gardant maint rayon, Dans ma maison arrive sauveur - Apporte-moi ta perfection ! A l’entendre encore dire ceci, Il s’éteignit de douleur ; Un vrai tourbillon sa place prit Là où il se fit malheur. Soudain, il sévit un fléau Sur le monde dont l’air s’embrase, Et des profondeurs du chaos Un bien noble faciès s’évase. Sur sa belle et riche chevelure, Sa couronne paraît brûler, Ses ailes ont une grande envergure, Par un solaire feu baignées. Ses longs bras, comme le marbre, dépassent De son linceul tellement noir ; Il arrive pensif, de guerre lasse, Plutôt pâle, d’un air hagard. Mais ses grands yeux, un vrai miracle, Brillent moult chimériquement, Tout comme deux passions insatiables Poussées par un noir ferment. - Je laissai avec peine mes sphères Pour t’entendre, seulement voici : C’est le Soleil qui mon père, Et ma mère, c’est bien la Nuit. Viens vers moi, ô, mon rare trésor, Ton monde, tu devrais quitter. Je suis Hypérion, et d’adore – Tu seras ma belle mariée. Viens donc, dans ta belle chevelure Je vais mettre guirlandes d’étoiles, Dans mes hauteurs, n’en aie point cure, Tu feras la plus belle toile. - Tu es plus beau que ces rêves où Les anges parfois se laissent voir, Mais à tes projets tellement fous Jamais ne veux m’abreuvoir. Ton cruel amour fait déjà mal Aux fibres de l’âme, aux cordes, Tes yeux me brûlent dès leur dédale, Ton lourd regard me déborde. - Puis-je, crois-tu, choir à ton appel ? Est-ce pour toi si étonnant Que moi, je sois bien immortel, Que tu ne le sois nullement ? - Jamais je n’ai cherché mes mots - Par où devrais-je commencer ? Ton parler est très clair et haut, Mais je ne peux l’expliquer. Et si tu désires tout à fait Que mon cœur ne soit qu’à toi, Descendre sur cette terre tu devrais Devenir mortel, comme moi. - Tu brigues mon immortalité Et m’offres ton baiser au change. Cependant, toi aussi, tu devrais Savoir que j’en chante les louanges. Soit, je m’en vais naître du péché, Ce monde régi par d’autres lois ; J’avais reçu l’éternité – Je lui préfère l’immédiat. Et de s’en aller… à vau-l’eau Pour les beaux yeux d’une jeune fille… Abandonnant sa place là -haut, Pendant des jours se gaspille. * Sur ces entrefaites, Catalin, Beau page à la cour, damnable, Qui n’a cesse de verser du vin Aux nobles invités à table, Un page qui porte partout la traîne Des robes de l’impératrice, Bavard sans aveu et sans gêne Dont les yeux partout se hissent, La bouche vermeille, haut en couleurs, L’expression plutôt câline, Il glisse un regard fureteur Du côté de Cataline : « Mon Dieu, comme son port est léger ! De plus, elle est diablement belle ! Va, c’est le moment ou jamais : Tente donc ta chance, demi-sel ! » Il l’attire tout doux par la taille Et la repousse dans un coin. - Qu’est-ce que me veux, petite caille ? Allez-va-t-en à tes soins ! - Ce que je veux ? Ne plus te voir Si plongée dans tes pensées ; Souris plutôt et laisse-moi boire Au moins un de tes baisers ! - Qu’est-ce que tu peux bien me vouloir A la fin ?! Laisse-moi, va-t-en ! Je m’ennuie de mon Astre du soir, Après lui, je languis tant… - Si tu ignores vraiment l’amour, Je sais en quoi il consiste ; Si tu en as envie, j’accours – Ne pense pas à mal, j’insiste. Tout comme l’oiseleur tend ses filets Aux oiseaux, dans le taillis, Quand mon bras gauche je te tendrai, Ma taille alors tu saisis Et ton regard devra rester Comme submergé par le mien… Si j’essaie de te relever, Tu devras y mettre du tien Lorsque mes yeux cherchent après toi, Tu te dois de leur faire face ; Mirons-nous toujours avec joie Sans être jamais de guerre lasses. Et pour que tu connaisses à fond Ce dont tout amour est fait, Quand je t’embrasse, tu me réponds De même – me donnes un baiser. Tous ses propos elle écoutait Etonnée et comme distraite Et très gentiment, quoique gênée, Finalement, elle lui jette Tout bas : - Dès ma plus tendre enfance Je te connais, il me semble, Bavard, lutin, et je pense Qu’on est faits pour être ensemble… Mais une étoile jaillit, s’élance, Survole ces silences d’oubli Et rend tout horizon immense Aux marines superficies. Et en cachette je baisse le front Alors que je fonds en larmes A la vue de tous ces moutons, Comme aimantés par un charme, Très amoureusement il luit Pour apaiser ma douleur ; Survole toujours plus loin la vie – Jamais suis à son hauteur. De rares rayons arrivent, bien froids, Depuis son monde, la distance… Je l’aime toujours, mais à chaque fois Il ne me sera qu’absence. C’est pourquoi mes journées toutes sont Désertes, pareilles aux prairies, Seuls mes nuits, quel charme elles ont Dont le sens reste incompris. - Tu es restée enfant, vois-tu… Allons fuir au bout du monde ; Là , toutes nos traces seront perdues, La solitude, bien profonde. On sera bien sages tous les deux – A nous la joie et la gloire ; De nos parents seront oublieux Et même de l’Etoile du soir. * Hypérion s’en fut… Déployées, Ses ailes assaillent la lumière. Des milliers d’années dépassaient A la vitesse de l’éclair. Il survolait ciels étoilés Surplombés par d’autres étoiles. Tout l’air d’un éclair il avait – Révélation sidérale. Et comme au Jour Premier, il voit Jaillir des gouffres du Chaos Avant, après, autour de soi De bien fulgurants flambeaux. Comme des mers l’assaillent, cupides – Il les traverse à la nage Et le survole, l’esprit languide Et point n’accepte leur servage Car sa course est illimitée, Tout œil s’y tait, fût-il béant Et le Temps a beau essayer De conjurer le néant. Tout autour il y a le vide Comme une soif qui l’envahit : Autant de profondeurs perfides, Pareilles à l’aveugle oubli. - Ô, Père, ôte-moi le noir fardeau De toute cette éternité ; Par les mondes d’en bas et d’en haut, A jamais tu seras loué. Demande-moi, ô, Père, n’importe quoi Je veux une autre destinée. La source de toute vie sourd en moi, Par toi la mort est donnée. Enlève-moi ce nimbe immortel Et toutes les foudres du regard. Allume, en échange, la chandelle D’une heure d’amour, même blafard. C’est le Chaos qui m’engendra, J’ai envie d’y retourner… C’est le repos qui m’enfanta, J’ai soif de me reposer. - Hypérion, des gouffres abyssaux Tu lèves, rends la vie aux mondes. N’exige donc ni signes, ni idéaux A quoi rien ne corresponde. Tiens-tu à passer pour un homme Et devenir leur pareil ? S’ils périssent tous au Capharnaüm, D’autres à leur place se réveillent. Tout ce qu’ils bâtissent, point ne dure – Hélas, tant de vains idéaux – Un flot inonde une sépulture, Vite sera suivi d’autres flots. Hantés par bonnes étoiles, ils sont Eprouvés par un triste sort. Nos temps et lieux restent inféconds Et nous ignorons la mort. Tout ce qui aujourd’hui existe Naquit de l’éternel hier. Soleil s’éteint à l’improviste ? Arrive un autre, bien plus fier. Ils ont l’air de ne plus finir Mais la mort est là , qui rôde, Car tous sont nés comme pour mourir, Mais chaque mort une autre vie brode, Alors que, Hypérion, tu restes, Persistes, et n’as point de cesse ; Exige-moi donc le mot céleste – Veux-tu donc le don de sagesse ? Veux-tu bien écouter cette voix ? Après l’avoir laissée faire, Hautes montagnes épouseraient les bois, Îlots épouseraient les mers. Est-ce que tu veux donner des preuves De ta force, de ta justice ? Je te donne la terre et ses fleuves – Ton règne sera moult propice. Je t’offrirai navires de guerre, Des armées pour parcourir La terre dans tous les sens, les mers – Mais pas la mort, c’est le pire… Et pour qui assumes-tu la mort ? Retourne-toi, si tu te rends Sur ce globe-là , bien peu accort, Tu verras ce qui t’attend. * Hypérion regagna sa place Que le ciel lui avait vouée. Aujourd’hui comme hier, comme de glace, Il prend sur lui pour briller. Voilà déjà le crépuscule, Bientôt la nuit va tomber. La Lune se lève en préambule Et entreprend de monter. Le clair de Lune, tel un linceul, Jonche les sentiers des taillis. Sous une rangée de beaux tilleuls, Deux jeunes gens discutent assis. - Oh, laisse que ma tête sur ton sein Se détende, ma bien-aimée, Sous mes regards pleins de serein, Sous nos yeux si adorés. Jette un sort, fais que ton esprit Pénètre, déchiffre mes pensées Et qu’il mette un baume infini Au cœur de mes nuits troublées. Reste donc là , au-dessus de moi, Pour mettre une fin à mes peines ; Mon premier amour et émoi C’est toi, de mes rêves la Reine. Hypérion observait d’en haut Cet étonnement en cascade : A peine prononcés ces propos, Elle lui donna l’accolade. Les fleurs sentent bon ; comme gouttes d’argent Elles tombent en une légère pluie Sur les cheveux des deux enfants – Si longs et jaunes, vrais épis. Enivrée par ce sentiment, Elle lève les yeux, aperçoit Hypérion. Et, tout doucement, Ses désirs, elle lui envoie : - Veux-tu déchoir de ta grandeur Tout en gardant maint rayon, Viens dans ce bois, dans ma torpeur, Donne-moi toute ta perfection ! Comme autrefois il tremble dans les airs, Frémit par monts et par vaux, Tout en guidant des solitaires Sur les crêtes blanchies des flots. Mais ne retombe plus, comme naguère, De ses hauteurs dans l’océan. - Bien peu te chaut, d’argile pauvre hère, Si c’est moi ou un chenapan. De vivre dans vos limbes, à l’étroit, Le seul hasard joue pour vous ; Dans les hauteurs de l’air, chez moi, Immortel suis-je, froid et flou. traduction – Constantin Frosin |
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