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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-05-09 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt
Habillée au goût du bonheur
Elle traversa mes années Sans jamais parler du bonheur. Et le soir cheminant l’allée, Cheminant les sentiers des lièvres, Elle disait de petits mots Qui s’en allaient hors de ses lèvres Comme l’eau frisée du ruisseau Qui coupait en deux nos journées. Passant le pont, penchée vers l’eau, Penchée vers l’eau que disait-elle ? « Tous les oiseaux battent de l’aile Quand le courant tire le ciel. Chaque poisson est un oiseau Tombé d’amour, tombé à l’eau Pendant les messes de Noël. » Habillée au goût du bonheur Elle traversait la prairie En berçant un bouquet de fleurs, Un bouquet de Vierge Marie Qui était lourd comme un enfant. Enfant fleuri en ses bras blancs, Petites filles endormies Qu’elle apportait à la maison, Amour en chapeau de prairie Aux couleurs de chaque saison. En traversant notre prairie Elle disait, berçant les fleurs : « Les moutons de la bergerie Ont fui les armes du malheur Et moutonnent au ciel d’orage. Dès que s’annonce le danger Chaque mouton devient nuage, Nuages de moutons légers Partis au vent, haut sur la côte, Lorsque s’éloigne le berger Pour la messe de Pentecôte. » Habillée au goût du bonheur, Elle s’en fut de mes années Chantant les vêpres sur mon cœur. Vêpres par l’amour encensées, Cantique traversé d’oiseaux, Moutons en sa tête envolée, Poissons des cieux tombés à l’eau Naviguaient le ruisseau des pleurs Quand s’en allait ma bien-aimée, Un baiser en sa main fermée, Sans m’avoir parlé du bonheur. Chantant vêpres à petits mots, Elle disait, quittant ma vie : « Les étoiles des étés chauds Sont des demoiselles pâlies Qui désertèrent leur pâleur. Amantes en lueur parties, En étoiles filant ailleurs Dès que l’amour clôt leurs paupières Et va surprendre les prières Aux vêpres de la Chandeleur. » (Louise de Vilmorin, Fiançailles pour rire, 1939)
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