Mouillée, sa chevelure noire est un petit torrent d'eaux sombres. Je parcours ses berges et me penche parfois pour me désaltérer.

Plus en aval, je cueille à l'arbre ses fruits confits glacés tout chauds. Je les touche d'abord d'une langue pointue puis plus douce et qui s'enroule, j'ai envie de les croquer d'une dent lente pour mieux sentir la pulpe.

J'aime aussi effleurer ses hautes herbes, ses graminées couchées, me griffer aux petites épines de ses joues.

Dans la paume de ma main, je fais glisser les grains de son épiderme ; il y a le mil, l'orge, le blé et je veux les moudre à mes cuisses pour ensuite les mêler à son eau et les pétrir en pâte sablée salée et par moi levurée. Je veux façonner des brioches et des petits pains levés, les cuire à mon feu furieux pour m'en nourrir et me faire ronde et douce, les joues pleines de santé.

Et puis il y a aussi le lait perlé bu à la source chaude mais je n'en dirai pas plus.

Je n'en dirai pas plus, cette contrée, ce Pays de cocagne où tout me nourrit et me donne à boire n'est pas un blanc sur la Carte, une Terra Incognita, mais je désire quand même me le garder un peu comme secret.