Parfois je me demande comment fut ma vie. Plutôt que de l’envisager comme elle est maintenant, je fais des bilans. Rien de plus nuisible pour un cœur pas encore pleinement mûr. C’est comme si je me préparais pour un départ lointain et ne voudrais rien laisser inachevé.
Je fais un rêve: je suis sur le lit dans la chambre dont les portes et les fenêtres sont fermées. Les souvenirs se mettent en ligne sans que je les ais appelés. La conversation commence: moi, hôte, émue par le nombre et la conduite inattendue des invités.
La file est longue du côté « bon »: menus gestes tels que sourires, touchers timides,sérénité des yeux où on lit aisément la surprise, tonalité de la parole, plaisir des découvertes.
Ils sautent et s’amusent comme ils l’ont fait pendant toute ma vie, rien de nouveau pour moi ; en fait ils me vont très bien même aujourd’hui.
A la fin de la queue, se blottissant les uns contre les autres,je remarque une poignée de souvenirs moins agréables que j’avais marqués d’un « moins ».J’ai brusquement le sentiment que la proportion est injuste, que – tout au long des années – l’équilibre s'est perdu.
Les situations désagréables créent d’habitude le besoin de rattrapage, d'une quelconque récupération. Alors ? Comment purent-ils rester là?
J’éprouve de la pitié pour ceux-ci, les derniers, et m’éfforce de comprendre. Aurai-je le temps d’entreprendre quelque chose?
Sont-ils vraiment bien placés ou devrai-je les classifier comme équivoques?