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Sous le signe de la Mandorle
essai [ ]

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par [Reumond ]

2013-01-12  |     | 











Dans quelle « Mandorle » vous inscrivez-vous ? Quelle cosmogonie mythique est-elle la vôtre ? Avec quelle mise en scène, pour quelle mise au monde? Quel est votre schéma corporel, et quelle architecture (névrotique, imaginaire…) est-elle l’hôte et vous-même ? Quel est votre voyage intérieur et pour quelle grande aventure ? Aux méandres de votre mandala personnel, quel est votre scénario et votre chemin de vie, et de quels labyrinthes êtes-vous l’otage ? De quel chemin votre écriture se fait-elle la route ? Quel tracé pour quelle hiérographie ? (...) Entre l’intériorité et l’extériorité, le corps, l’âme et l’esprit; entre la culture et la nature, c’est-à-dire dans tous les aspects et les dimensions de notre "incarnation" (physiologique, psychologique, spirituelle et sociale), Sous le Signe de la Mandorle se veut être une sorte de survol de nos continents et de nos incontinences humaines. Dans une approche résolument "poétique", Sous le Signe de la Mandorle tente d’aborder ces différentes questions de topologies (ontologique, existentielle et sémantique).

Quoi qu’il fasse, quoi qu’il épouse, l’homme reste en plan !
Quoi qu’il cause, il reste un vague projet, une virtualité inscrite dans le continuum espace-temps. Concrète, symbolique, onirique ou mythique, sa vie s’y inscrit comme un grand « graphe relationnel », parce que tout en lui comme tout en nous est un monde de relation à l’univers, une arithmétique et un logos de relations au Monde.

D’après le célèbre tympan de Chartres. Sur ce tympan central de la façade occidentale de la cathédrale ont peut contempler ce « Christ en gloire » qui est représenté dans "une Mandorle". C’est Le Verbe créateur, dans l’Amande Sacrée, entouré des « Quatre vivants », symboles (évangéliques) représentant l’Homme, le Bœuf, l’Aigle et le Lion.

De l'animal à l'homme, Dame Nature a plus d’un tour dans sa Mandorle, plus d’une porte sur sa surface épaisse et bien plus d’un volume dans ses voluptés. Dam ! C’est une incommensurable œuvre plastique, tout en sphères ou tout en cubes, en forme naturaliste, hyperréalisme et parfois même surréaliste, elle sait y faire la belle ! C’est un milieu divin, un lieu de création par excellence, c'est-à-dire « un juste milieu », un « Bon Lieu » ou la vie se déploie depuis toujours en éventail céleste, comme un schème sans fin, dans toute la diversité et sa complexité.

Nos enluminures et fioritures existentielles s’inscrivent sous le signe du lien, nos parchemins enluminés ne sont-ils pas des chemins plus ou moins lumineux, parcourus au rythme d’un pas, au tracé d’un stylo ou au trait d’un pinceau ? Rythme, tempo, mouvement, recherche d’équilibre…, pas-à-pas, que ce soit à travers le dessin, la musique ou la sculpture, un poème ou une aquarelle... l’homme se trace et se déplace dans un espace bien planifié par un soi-disant hasard que d’autres nomment providence.

Le trouillomètre de géomètre à zéro, il géométrise sans trop maîtriser, il pose sans trop se poser, démontre, résout très peu, cherche et cause beaucoup, il va, d’axiome en illusion, de théorème en contradiction, tout est là, énoncé de A à Z, c’est l’inquiétude qui se géométrise, l’angoisse d’être qui se dispose en problèmes ou en problématiques plus complexes, en symptômes géométriques ou en formes malignes.

Il déduit de son existence, il énonce, il synthétise…, de figures imaginaires en plans rêvés, en diagrammes, avec l’équerre de ses sens il brosse le tableau ; de son tire-ligne osseux, il programme ; avec son rapporteur et son mètre ruban, il fait des liens, des angles morts, des lignes brisées et des cercles infernaux…. C’est là vie qui s’étire en lui, entre les marges biseautées d’un cache-misère qu’il dore à la feuille comme il le peut, il est sans cesse lui-même bizuté.

Qu’à travers lui, la graphie se fasse mouvement (chorégraphie) sur la scène des jours (scénographie), ou écriture (calligraphie) au fil des pages (livres) et des murs (tags) ; qu’elle soit sculptée ou peinte, dessinée ou photographiée, la graphie s’y fait toujours « graphe » pour exprimer une même géométrie qui est celle de l’infini, une même quête, celle de la vie. Ainsi, comme le sacrement inscrit une parole sur une matière vivante, les sentiments s’inscrivent dans la chair même et les sensations se font de mêmes réalités tangibles. (…)

La vie s’étire, elle me tire ou me pousse parfois, elle m’enveloppe de toute part, me tisse de nerfs et de nervures, naturellement, elle m’inscrit en elle pour que je l’inscrive en moi comme une vérité à part entière… En mathématique on définit cette inscription comme l’action d'inscrire un corps ou une figure plus ou moins complexe dans une surface donnée.

Dans ma maison, mon bureau, je suis le maître de quelques mètres carrés et cubiques d’un espace renfermé que je pense être le mien. J’ai autour de moi quelques bibliothèques aux rayons trop encombrés qui appellent la poussière et l’œil autant que les mains ; et sous mes yeux j’ai justement quelques livres dispersés sur la surface plane de mon bureau de verre transparent, entre autres, Notre continent intérieur, un superbe atlas imaginaire de Louise Van Swaaij et Jean Klareh ; le Dictionnaire des symboles de Chevalier et Gheerbrant que je viens de fermer ; un Atlas d’anatomie et une carte du ciel, et un petit essai de mathématique que j’ouvre à l’instant même, l’Archipel des isométries.

Dedans comme dehors, la vie s’écoule comme un fleuve aux mille ramifications noueuses. Mon bureau est un champ de bataille sur lequel les feuilles pleines de notes et les carnets saturés de croquis s’accumulent au fil des semaines, formant des frontières de papiers et des murs de vieilles reliures, épaisses comme une brume sur la mer du Nord.

Avec nos maisons bien isolées et nos bureaux silencieux, sommes-nous les otages de nos demeures, de nos pièces transformées en pièges, de nos livres changés en appeaux ; tout comme nous sommes prisonniers de nos croyances, de nos loisirs ou de relations que l’on pensait sans danger ?

Certainement que nous le sommes en somme ! Otages de nos sarcophages les plus divers, de nos bières confortables, de nos protections les plus fermes, otage de nos convictions et de nos certitudes, comme nous le sommes de nos carapaces de muscles, de graisse ou de raison. En ce monde déraisonnable où le non-sens ferme les portes automatiques, mêmes les sans domicile fixe, les sans-papiers et les exclus du monde sont les otages d’eux-mêmes ou de quelques systèmes symétriques.

(…)

Tope là ! Quel est votre propre topo ? Votre endroit ou votre lieu de prédilection ? Quel est votre plan de survie ou votre projet de vie ?

Matérialiste ou spiritualiste, quel est votre causer sur les causes ou votre discours sur la vie ?

Par les courbes géométriques de vos d’état d’âme, par l’arithmétique de vos états de conscience ou la trigonométrie émoussée de vos états d’esprit, en guise de carte d'État-Major, faites-nous ici une description détaillée ou amusante detoutes vos cartes états majeurs. Ne me dessinez pas de mouton, c’est inutile, mais dessinez-moi plutôt votre schéma corporel et votre corps énergétique en relation au monde ; ou mieux encore faites-nous une description poétique de vos représentations du monde, un plan en trois dimensions de votre univers en rapport avec nous-mêmes, vos lecteurs.

Oui, frères et sœurs de traits de caractère, racontez-nous votre itinéraire avec vos encres et vos larmes personnelle, montrez-nous votre monde inconnu, projetez ici même vos scénarios de vie, en chansons, en images ou en poème ; exprimez-vous comme « lieu » à explorer ou même à contempler... Inscrivez-vous de toutes vos lignes courbes ou de vos lignes brisées, faites-nous ici la topographie illustrée de votre conversion mathématique...

(...)

Sur la carte-mère de notre langue maternelle, les mots et les images avec lesquels nous pensons le monde et modélisons notre existence, sont comme les volumineux contenus des circuits à puces informatiques ; ils gardent précieusement en mémoire nos clichés d’antan, les yeux croisés un jour et les lieux visités, les jeux et les enjeux réalisés en nos circuits neuronaux par ceux que nous étions.

En des milliers de Rams de mémoire ancestrale et personnelle, nos souvenirs s’additionnent, se mélangent, nos scénarios de vie y sont comme des chemins faits de milliards de circuits neuronaux, des allées ou autoroutes de synapses sensibles s’y croisent. Nos circuits complexes sont comme des villes survolées par des satellites voyeurs !

Selon ce que nous voyons, ce que nous décrivons avec des images, des émotions, des lettres ou des idéogrammes, de topo en topo, nous cadastrons de manières variées les mémoires de la famille, du quartier, celles de l’école ou de l’armée… comme si nous les avions écrits quelque part en nous à l’encre pilote ; non pas avec des encres de pigments joliment colorés, mais à l’aide d’encres conductrices composées de particules métalliques aimantées comme l’amour en suspension dans l’espace psychique, et dispersées aux quatre vents de nous-mêmes par le flux du temps qui passe.

Avant d’inscrire les lieux et les faits aux canevas de nos neurones, on ouvre les sens, on observe avec attention, on écoute et on discerne les bruits et les sons, on mesure, on pèse, on compare, on cadastre, ainsi de suite on écrit, et ce qui n’est pas cadastré laisse « un blanc » laiteux tel un nuage sur la carte du ciel de l’oubli.

Ces lieux où nous sommes nés, qui nous ont accueillis, hébergés, identifié, reconnus…, ces lieux que nous avons fréquentés durant des décennies, là où nous avons vécus, pensés, imaginés, agis, parlés, réfléchis, luttés…, sont comme des lieux sacrés, des endroits qui nous appartiennent encore un peu, quelque part sur nos disques durs saturés de milliards d'octets et débordants de chansons des Sixties, de représentations diverses, de films d’aventure ou de guerre

(...)

Aux méandres des tracés d’immenses tentacules relationnels, poulpes de tête, les souvenirs et les lieux se déploient sous nos méninges comme se déplient les cartes d’état-major et les labyrinthes des hautes mégapoles. J’ai dans le cerveau une imprimante à jet d'encre, ce sont les mictions noires des pieuvres de mémoire qui crachent avec nostalgie les images du passé.

Ces lieux sont munis de ventouses que l’on nomme « mémoire associative », à grands poulpes de souvenirs insatiables d’images, la mémoire des enfants que nous étions ne lâche jamais sa proie, tentaculaire et gluant, le passé antérieur se conjugue toujours avec des langues humides.

Mélancoliques et collants, tentaculaires ou incrustés, « ça » reste là, comme des implants dentaires, comme des prothèses mnésiques avec leur tracé usé ou effacé, leur plan parcellaire, éclaté, leurs visages et leurs paysages connus ou reconnus, avec, en début de disque leurs registres et leur table des matières, des colonnes et des alignements de prénoms et de noms, des planches de faits, des sommaires et des tableaux récapitulatifs…, ce sont de véritables matrices cadastrales qui portent gravée en elles toute notre vie passée, et qui, comme un pacemaker fou, suscite de grands frissons, nous font transpirer et palpiter quand on y pense encore.

(…)

Sous le signe de la Mandorle (extraits)

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