"Père du photojournalisme", "phare", "référence" pour la profession... Les qualificatifs élogieux abondent pour évoquer le photographe de l'"instant décisif", Henri Cartier-Bresson, familièrement appelé HCB, décédé mardi dans sa maison du Lubéron à l'âge de 95 ans.

"Nous nous sentons tous orphelins, même ceux qui avaient presque son âge". Le grand photographe Willy Ronis, 94 ans, a livré jeudi à l'AFP cette réflexion qui résume le sentiment général pour celui qui a marié le photojournalisme et l'art.

Yann Arthus-Bertrand, auteur du best-seller "La Terre vue du ciel", avoue un "complexe d'admiration" pour Cartier-Bresson, lui qui se considère comme un photographe "grand public". "Il avait fait une croix sur sa vie de photographe depuis trente ans et il était resté le photographe le plus connu. Un peu comme James Dean, il était devenu une espèce d'idole".

La photographe Jane Evelyn Atwood confiait en 2003 à Libération lors de la rétrospective sur HCB à la Bibliothèque nationale de France : "Pour ma génération, il était la +référence+, comme un terreau dans lequel nous avons grandi. Ses photographies nous ont tous imprégnés", évoquant le "noir et le blanc, une certaine conception du voyage, du temps, une acuité de la vision, une exigence, l'indépendance d'esprit qui nous est aujourd'hui enlevée".

Photographe à l'AFP, Thomas Coex estime qu'il était "le premier grand photographe français qui a déclenché un style de photo humaniste". L'agence Magnum, dont HCB a été le co-fondateur en 1947, "a été une Bible pour tous les jeunes journalistes. Je dévorais ses livres".

"Il a en plus eu toujours beaucoup de chance, poursuit-il. Dans ses reportages, il était là où il se passait quelque chose, parfois par hasard. Son instinct l'a poussé à être là aux moments forts de l'histoire".

Pour Eric Feferberg, 49 ans, autre photographe à l'AFP, HCB "a franchi brillamment le siècle dernier et a eu énormément d'influence sur tout le photoreportage de ma génération et d'autres bien avant. Cela va jusqu'à mes enfants qui, dans leurs études, ont fait de l'histoire de l'art et ont fait des dossiers sur Cartier-Bresson. Il a fait école. C'est un oeil extraordinaire".

Pour l'ANJRC-FreeLens, association qui défend et regroupe les photojournalistes actifs en presse, dont Cartier-Bresson était membre depuis l'origine, il était un "militant aux côtés des plus faibles".

Pour l'association, Henri Cartier-Bresson restera "un phare pour nombre d'entre nous, et un modèle quand le +Droit d'ingérence de l'oeil+ cher à son ami le poète André Laude devait prévaloir vis-à-vis de ceux qui aujourd'hui contestent la légitimité de la photographie dans la sphère de l'information".

Cartier-Bresson est mort discrètement. Très peu de monde a assisté à son enterrement gardé soigneusement secret et pour lequel il n'y aura peut-être pas de photos.

Le festival Visa pour l'image, rendez-vous du photojournalisme, qui s'ouvre fin août à Perpignan, lui rendra certainement hommage. Son directeur, Jean-François Leroy, envisage de faire "un clin d'oeil, mais Visa n'est pas spécialiste des hommages posthumes".

Il rappelle comment HCB avait légendé les photos d'un numéro de Photo qui lui était consacré. Cartier-Bresson avait terminé le journal en disant +circulez, y a rien à voir+.

jeudi 5 aout 2004, PARIS (AFP)