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Les Cathédrales Végétales
article [ ]
extrait de Veilleurs de Dhuis

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par [Reumond ]

2024-11-05  |     | 






Illustration : Les trempolines de la transcendance.




Avant-propos


Ce chapitre de Veilleurs de Dhuis, brosse un tableau saisissant d’un départ et d’une transition vers une vie religieuse.

La nostalgie des terrains d’enfance et des forêts sauvages de Clichy-sous-Bois, symbolisée par une "cathédrale végétale", s’y mêle à un regret mêlé d'une forme de résignation. Ce extrait dépeint un attachement profond à la Nature et un deuil douloureux des multiples expériences vécue dans ces sous-bois.

La « forêt de Bondy », y est représentée symboliquement comme un sanctuaire quasi sacré, un sanctuaire abandonné pour un autre, où la spiritualité prend une forme encadrée par des dogmes et les dictats de l’institution.

Un extrait des Veilleurs où l’auteur juxtapose la vie foisonnante des sous-bois avec la réalité austère de la vie religieuse. Là où les arbres et la rivière de la Dhuis permettent à l'âme de s'épanouir, les institutions dessèchent les âmes, ratatinent les esprits et mettent un frein à l’épanouissement naturel.

Par le biais d'un regard à la fois mélancolique et lucide, le narrateur évoque des vies spirituelles contrariées, des individus qui se referment ou se fanent, à l’inverse d’êtres qui, dans un espace plus naturel et plus ouvert, scintilleraient comme des étoiles dans le ciel ou fleuriraient pleinement comme des fleurs au jardin.

Cependant, il y a toujours une note d'espérance, en reconnaissant la grâce omniprésente qui peut transcender même les expériences les plus sombres. En rendant hommage à la puissance de la nature et posant un regard critique sur les effets des structures rigides, tout en offrant une réflexion sur la capacité de résilience et de transformation intérieure, le narrateur, en vieux Veilleurs éveillé, souligne que, l'amour et la tendresse peuvent malgré tout trouver leur chemin, et se déployer dans cet univers nécessaire pour les uns et contraint pour les autres, comme un signe d'espoir pour une humanité qui, au-delà de tous les systèmes et institutions, cherche toujours à renouer avec son être profond, la Nature, le naturel et une forme d'amour universel et de fraternité.


Les cathédrales végétales

En septembre 1967, avec un certain serrement de cœur, je quittais définitivement le numéro 8 de l’allée Angel Testa, le quartier des 7 Îles et Clichy-sous-Bois, pour « entrer en religion », comme on « Antre » dans l’inconnu. Abandonnant là, aux promoteurs et bâtisseurs d’utopies, mes anciens terrains vagues, mes sous-bois, et toutes mes aventures et jeux d’enfance.


Partir, c’est mourir un peu, disent les mélancoliques, les poètes et les nostalgiques qui s’y connaissent en sentiments profonds.

Partir, c’est effectivement mourir à ce l’on aime ou à ce que l’on a aimé jadis. Et bien souvent, par nécessité, partir, c’est laisser-là, derrière soi, avec un certain déchirement, un peu ou beaucoup d’une grande partie de nous-mêmes , en arrière, comme derrière le tain de la mémoire ou celui d’un miroir de l’espace et du temps.

« Partir, c’est mourir un peu…
Et l’on part, et c’est un jeu »

Écrivait Edmond Haraucourt dans son Rondel de l’adieu.

Triste « jeu » que celui de partir, de quitter un lieu, un quartier, ses histoires particulières et ses occupants particuliers; triste « jeu » que de devoir faire son deuil, ici en l’occurrence celui de ladite « forêt de Bondy » ou de ce qu’il en restait à l’époque. Laissant là la Dhuis et son cours, ses promeneurs et son environnement ; elle qui fut durant toutes ces années ma compagne herbeuse, le trampoline de mon corps d’enfant, l’émulateur de mon âme d’adolescent et le catalyseur de tout mon être et de mon parcours et vécu clichois.

À l’heure actuelle, c’est avec un certain recul que je prends conscience, avec malgré tout un zeste de culpabilité et quelques mètres cubes de nostalgie, que dans un autre scénario existentiel , ou dans une autre dimension Clichy ou de moi-même, je n’aurais peut-être pas, ou probablement pas quitté ma « Cathédrale végétale », son Rouaillier agonisant, sa population composite et haute en couleur, ses aulnaies perdues, ses étangs asséchés et ses sous-bois broussailleux comme des cheveux de gamins sauvages…

Et tout ça, tous ces renoncements et ces abandons, pour des institutions du monde où « les esprits de la forêt » étaient condamnés et exclus d’office ; et pour suivre un seul appel, m’y rallier et me plier comme un ascète à sa structure, comme le sujet d’un système ou l’objet d’un origami social… Afin de m’installer quelques années durant, dans de tristes bâtiments où la Nature et le Naturel, celui qui revient sans cesse au galop, comme une réalité que ce récit confirme, n’avaient guère de place et d’espace où se déployer, c’est-à-dire d’éclore, de s’ouvrir, de fleurir et de fructifier avec toute l’abondance et l’exubérance d’un éternel jardin d’Éden.

Là-bas, de l’autre côté de la Nature, parmi certains condisciples ouverts à la lumière, comme s’ils étaient pleins de grâce et de chlorophylles du meilleur cru, j’ai effectivement vu des êtres et une vie spirituelle s’épanouir, naitre et porter du fruit ; j’ai vu et côtoyé de tout près, des êtres qui s’ouvraient à l’amour et à la vraie vie intérieurs ; et avec une certaine admiration, je les ai observés comme un enfant ravi ou un naturaliste, en train de s’ouvrir progressivement, de fleurir peu à peu et enfin, je les ai vus fructifier pour le bien de tous et le meilleur d’eux-mêmes.

Mais attristé, j’en ai vu aussi bien d’autres ! D’autres qui vivotaient ou végétaient carrément ; et vivoter ou végéter, ce n’est pas vivre réellement ; vivoter, ce n’est pas être florissant, et ne pas fructifier de toute part comme un jardin en fleur et un verger en fruits.

C’est avec affliction que de visu, j’ai vu mourir de belles âmes et croupir des sources miraculeuses, comme j’ai regardé la vie s’éteindre en eux pour s’adapter à l’institution ou suivre les sentiers délétères, ceux d’un monde où l’on se contente d’exister, de fonctionner et de survivre.

Quand il faut laisser toute la place aux dictats des vœux, des dogmes et de dits sur – naturel, il n’est pas facile d’être ou de devenir ce que l’on est naturellement et vraiment appelé à être. C’est probablement pourquoi j’ai vu des corps se dessécher et des caractères se ratatiner, des esprits ouverts se fermer comme des huitres ou comme des cloîtres austères, et des dysfonctionnements institutionnels se répandre et se gonfler comme des goitres.

En frère affligé et en biologiste, j’ai pu observer des individus se recroqueviller comme des enfants insatisfaits, se repliant sur eux-mêmes comme des autistes ; j’y ai discerné de réels enthousiasmes se changer en tiédeur, et des intelligences se murer dans la passivité ou dans l’indifférence ; et même des cœurs meurtris et déçus, se perdre en égoïsme, dans l’insensibilité ou la religiosité la plus stérile.

En frère charitable, sans pouvoir les aider, j’ai regardé avec tristesse de grands esprits s’encroûter ; des yeux et des lèvres se fermer sur la réalité ou sur la vérité ; comme j’ai pu voir et entendre des portes claquer de part et d’autre, comme pour les déverrouiller à tout jamais.

En ces lieux clos, j’ai distingué comme de tristes fantômes rebelles, et des ombres d’amertume envahir les couloirs, les classes et les oratoires ; là même où j’ai entendu de mes oreilles stupéfaites, toute sorte de chose, les idées les plus obsolètes, les croyances les plus erronées et les discernements les plus abscons.

C’est avec patience, que j’ai persévéré jusqu’en 1975, observant en frère compatissant et en entomologiste solidaire et miséricordieux, des ailes se dessécher comme des fleurs au désert, et des cœurs s’endurcir comme ces marbres froids dont on fait les autels.

Et en ces lieux où tout est possible, du meilleur au pire, comme dans le reste du monde et des diverses institutions, j’y ai vu de mes propres yeux, et constaté de mes propres vœux, nombre de jeux de pouvoir, d’abus spirituel et de dérives sectaires.

Mais c’est aussi là que bienheureux et plein d’espérance, j’y ai aussi vu et entendu tout le contraire, comme partout dans la vie et dans le monde, parce que c’est connu et reconnu, tout est grâce, et que les pires causes, les pires conséquences peuvent toujours se transformer ou se métamorphoser en cadeaux comme en bénédiction.

Ne voyons donc pas les choses en noir comme des soutanes de corbeaux au col blanc, car, comme je le soulignais plus tôt, j’y ai aussi vu et entendu la vraie vie se déployer dans tous les sens et dans tous les états.


La métamorphose des papillons


Avec leur floraison très parfumée et attractive comme la vie spirituelle peut l’être, certaines chapelles sont de vrais « arbres à papillons » ; comme quoi les bulles papales et les buddleia de David peuvent faire bon ménage, tout comme la Parole se fait nectar, et comme les corolles se disposent en auréoles végétales.

Certaines institutions comme l’Eglise sont aussi des papillonnières et d’excellents lieu de mutation comme des lieux d’étonnantes métamorphoses.

Car il en existe de nombreux points communs, entre les « Cathédrales végétales » et les Églises les plus humaines, comme entre la vie intérieure et la Nature composée à plus de 90 % de vide.

Les arbres à papillons poussent partout, je suppose même qu’il en existe sur d’autre planètes et dans d’autres galaxies. Comme la sainteté qui pousse sur les sols les plus secs et les plus caillouteux. Tout comme les chemins de pèlerinage qui sont eux-mêmes parsemé d’arbres à papillons.

il se fait que tout simplement, que tout ça est possible ; parce que certaines Institution comme certaines personnes laissent passer humblement la lumière, même quand ils affirmeraient ex cathedra qu’ils laissent passer l’Esprit.

Je le conçois très bien ! D’ailleurs, les Veilleurs eux-mêmes le percevaient déjà en ne faisant pas de différence entre les propriétés de l’eau de la Dhuis, l’affabilité des esprits de la forêt, et la chaleur quasiment humaine de la lumière du soleil. Tout étant pour eux comme un sacrement de vie.

La forêt comme l’Eglise, d’une certaine manière sont « Une », tout est dans la Nature et certaines chapelles sont comme ces buddleias colorés qui colonisaient les terrains vagues de mon enfances, les châteaux en ruine et toutes ces friches urbaines où nous avions nos quartiers généraux et nos aires de jeux, quand il existait encore des terrains vagues à l’Est de Paris.

En frère des jardins comme en botaniste en herbe , tel un moinillon cultivant ses simples, j’ai bien souvent vu, admiré, respiré et humer des odeurs dites de sainteté dans les espaces consacrés à la charité, à la prière comme à la méditation ou à la contemplation. Raison pour laquelle je proposerais dorénavant, de remplacer dans la très sainte liturgie, le buis, le saule, le laurier ou l’olivier par de simples rameaux d’arbre à papillon. Et de faire de même ailleurs, pour les feuilles de palmier ou de cocotier.
Le survol des Anges et les vols de lepidoptera en témoigne, « l’arbre à papillon » et « l’Arbre de vie » des récits bibliques ne sont qu’une et même âme, un seul et même arbre.

C’est là, au plus creux comme au plus sec du jardin d’Eden que poussaient déjà ces fourrés arbustifs tout plein de lépidoptères assoiffés de nectar. C’est là, au plus creux de leur nid douillet, qu’Eve et Adam comparaient les papillons aux Anges et les Anges aux papillons, et que le successeur de Saint Pierre se nomme « Père » et que pour moi, l’arbre à papillon est lui-même comme « le père des arbres ».


C’est depuis ce temps-là que tous les contemplatifs du monde sont des « Monarques blancs », des êtres butinants la grâce ; comme-quoi les sacrements de l’Eglise peuvent sécréter la grâce, à l’image de la Nature, à celles des sources miraculeuses, des érables au délicieux sirop et des subtiles sèves de bouleaux.

« Monarques blancs », cela est aussi vrai pour tous les êtres en quête d’amour inconditionnel, c’est-à-dire, aussi vrai, pour tous les visiteurs de l’Arbre ou du milieu divin ; pour tous les êtres uniques, éphémères et éternels qui sont tout à la fois, dans l’Amour comme dans la foi.

Ce sont tous de grand migrateurs aux ailes lumineuses comme des pales angéliques ; des êtres disponibles et particulièrement sujets aux conversions les plus grandes et autres métamorphoses les plus surprenantes.

Ils sont comme des créatures surnaturelles envoyé par Dieu pour entretenir notre grand jardin, ce grand livre de la nature, unique et indivisible comme le soulignait Benoit XVI, ou comme le réaffirme le pape François dans son encyclique Laudato Si’ (Loué soit-tu) sur la sauvegarde de notre maison commune.

C’est encore pourquoi les buddleias ou arbre à papillon arborent des couleurs quasi liturgiques. Violet, mauve, bleu ou roses … Tel des feux d’artifice, qui ce sont des couleurs spirituelles et symboliques qui font des arbres à papillon de véritables buissons ardents.

Rien d’étonnant à ce que cet arbustes nectarifère se disposent généreusement pour offrir aux papillons et autres créatures, ses long panicules de fleurs colorées, comme le pain béni s’offre généreusement à nous à chaque eucharistie.

Enfant admiratif, j’ai mille fois assisté à la grand-messe des papillons et à l’office butinant des abeilles, comme un nuage virevoltant, telle une aura pleine de promesse au-dessus de chacun de ces généreux buissons.

Héliophile, comme tous les amis de la lumière, avec leurs inflorescences en grappes, tout à la fois, grappes de pain et de raisin, l’arbre à papillon ne se couvre-t-il pas de véritables couleurs sacrées, comme le violet des temps d’avent et de carême ? Et ce rose, n’est-il pas celui de l’incarnation de Notre-Dame, messagère de l’amour ? Et ses mauves, ne sont-ils pas comme les symboles d’une médiation ou d’une transition, ou le signe coloré d’un parfait équilibre entre le sang de la Terre et tous les bleus des Cieux ?

Sainte Sophie d’Istamboul, Notre-Dame de Paris ou la cathédrale de Canterbury, la Sagrada Familia de Barcelone ou l’Hallgrímskirkja de Reykjavik… Pour n’en citer que quelques-unes, toutes témoignent autant de l’Amour que du génie, de la concordance parfaite entre l’ingéniosité de la Nature et les aspirations des hommes.

Et c’est encore là que j’ai contemplé la pesanteur de la grâce en mouvement, le poids de l’élévation, la symétrisation architecturale et l’art de construire des ponts de pierre et d’intériorité entre le Ciel et la Terre ; de structurer les formes pour les élever en de justes proportions, et les faire converger vers plus de transcendance.

Et il en est de même entre l’art de se jouer du nombre d’or et de proportions harmonieuses, et de celui qui consiste à harmoniser le corps, l’âme et l’esprit, pour tendre pareillement à plus de transcendance, à plus de convergence et à plus d’unité. Pour illustrer ce propos, je peux dire que j’ai pu voir dans toutes ces constructions humaines, et observer avec émerveillement et une certaine allégresse dans ces chapelles de pierre allégées par la grâce, l’amour éclore, sortir de sa coquille d’œuf pour étendre ses ailes, les déployer afin de s’ouvrir toujours davantage, et manifester de la sorte, de la tendresse tous azimuts et de l’ amour fraternel, dans le plus profond respect de soi et des autres.

Oui, comme si ces lieux et ces hommes et femmes étaient pleinement ouverts à la lumière, tous pleins de cette grâce dont on fait les sages et les saints et les saintes, et de cette chlorophylle qui engendre la vraie vie au-delà de toute existence .

De visu, j’y ai contemplé des priants qui étaient eux-mêmes prière et joie, et des religieux qui étaient eux-mêmes silence et paix.

J’ai vu des corps et des âmes s’ouvrir et se relever de leurs sinistres grabats pour ressusciter dans la lumière comme des souches d’arbre renaissantes.

Au son des orgues et des harmoniums, j’ai entendu le grondement des esprits, les palpitations de cœur joyeux, et le vrombissement d’une vraie vie qui ne demandait qu’à s’étendre davantage et à s’épandre sans fin comme un tapis de fleurs des champs.

J’y ai aussi bu l’amour, presque inconditionnel, comme à des sources miraculeuses, en m’abreuvant au contact de ces êtres qui vivaient Dieu plutôt que d’en parler en sermonnant en grands moralistes.

En Veilleurs éveillés, j’y ai vu pareillement, des enthousiasmes à déplacer les montagnes ; des compassions sans aucun prosélytisme, des ministères et des vocations naître pour servir avec une intelligence affable et s’ouvrir avec tendresse aux autres et au monde ; J’ai vu l’amour, la patience, le dévouement… Faire de grands miracles et la petitesse et l’humilité se faire ponts et porteuses d’espoir.

Dans la proximité des âmes, j’y ai fréquenté des êtres aussi engagés et actifs que sensibles ; de grands esprits aussi humbles qu’ouverts à toutes les dimensions et mystères de la vie.

Et entre frères de sang christique, comme entre frères de plein sens, c’est-à-dire en Homme pleinement « Humain », j’y ai vu et entendu avec admiration des yeux et des lèvres s’ouvrir en grand sur la réalité et sur la vérité ; comme j’y ai vu et entendu s’ouvrir des portes définitivement ouvertes, en faisant de grands courants d’air, comme s’il s’agissait de célestes portails gardés par des Anges bienveillants comme ceux de Notre-Dame-des-Anges.

C’est là même, comme dans les forêts les plus épaisses ou les jungles les plus topicales (cf. Freud) que j’ai appris à distinguer et à discerner dans tous cette multitude de jeux d’ombres et de lumières, la grande complexité de la vraie vie, dans toute son unité, autant intérieure qu’extérieure.
Et comme j’étais patient et que j’avais encore beaucoup de chemin à faire, durant toutes ces années, j’ai pu observer et bénéficier moi-même des bienfaits de ses ailes et de ses cœurs déployés dans l’Infini et l’Éternité.

Et comme il n’est jamais trop tard pour lancer un grand MERCI, c’est avec reconnaissance comme une « Action de grâce » que j’écris avec tout ça l’encre sympathique de la compassion.

Il me semblait nécessaire de rendre hommage à ces monuments (cathédrales, humbles chapelles ou séminaires) qui témoignent tout à la fois de construction spirituelle, esthétique et intellectuelle, et d’appel, de vocation, de chemins ou de quêtes personnelles.

Non seulement du génie humain, mais aussi de sa capacité à toucher à quelque chose de transcendant, à la fois à travers la matière la plus naturelle comme la pierre, et surtout par-delà la pierre de l’édifice. Des édifices qui semblent s'élever bien au-delà de la simple architecture, devenant des lieux privilégiés où l'Amour et la Grâce prennent forme dans les matériaux, les jeux de la lumière, et les espaces immenses où les âmes se rassemblent comme un seul être pour s'élever ensemble.

Au-delà des métaphores et des analogies, les images dépeintes, comme celle de l’amour en éclosion, des priants devenant prière, ou des hommes et femmes s'élevant de leurs « grabats » pour renaître à la lumière , sont là comme des pierres juxtaposées pour évoquer cette grande communion des âmes avec l’éternité et l’infini, comme une harmonie entre les cieux de dedans et la Terre des apparences.

Chacune de ces constructions est une invitation à la transformation intérieure, comme un miroir tendu aux âmes en quête de transcendance. Un jeu de cube et d’élévation, qui semblent appeler hommes et femmes à retrouver cette unité première avec la nature et cet accord fondamental et profond avec le Principe créateur, comme une harmonisation nécessaire entre le corps des choses, son âme et son esprit.
La métaphore du nombre d’or, ce lien secret entre beauté naturelle et perfection humaine, étendue à l’harmonisation intérieure, montre bien cette aspiration à la bonté et à la bonté, comme à l'équilibre, à l'unité et à la grâce. Une aptitude des ailes déployées dans cette ouverture immense aux autres et à soi-même comme si c’était là le cœur même de la sagesse véritable, celle des « Anges », des « Sages » et des « Saints » — une sagesse ou une sainteté qui n’enseignent pas, mais qui se contentent d’être et de rayonner, de vivre, et d’aimer « naturellement ».

Enfin, ces portes définitivement ouvertes qui laissent entrer le vent et la lumière (ou l’Esprit) comme des courants d’air vivifiants et quasi divins, et cette notion de « frères de sang christique » en chemin vers toujours plus de vérité, rappellent cette dimension initiatique qui est propre au récit des Veilleurs de Dhuis.

Récit dans lequel chacun de nous, n’est pas seulement lecteur et observateur, mais aussi témoin et participant de cette vie intérieure qui se déploie à l’instar des Cathédrales végétales, pour nous inviter à aller plus loin, non seulement en partageant cette expérience d’unité et de gratitude vis-à-vis de la Vie ; mais encore en vivant nous-mêmes cette expérience de Veilleur éveillé, dans lequel chaque regard, chaque mot sont eux-mêmes portés par une profonde gratitude.


Les Cathédrale Végétales, chapitre extrait de Veilleurs de Dhuis.






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