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CNSAD : Vers le lac j'entends des pas
article [ ]
Une création de théâtre dansé, pleine de souffle et de fougue, inspirée par La Mouette de Tchékov

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par [triton ]

2015-03-28  |     | 




Saisir au vol le chant de l’oiseau, porter les yeux vers l’éclat de la lune, et puis le matin, ramasser dans l’herbe tendre les trèfles à quatre feuilles… et dévaler le sentier jusqu’à la plaine étincelante… la campagne grande ouverte… ou bien là-bas, sur l’autre versant, à la nuit tombante atteindre le lac profond… et cueillir les pages du livre, les mots du poète, ses virgules, ses points de suspension et d’interrogation, les saisir, les toucher… et les corps, les peaux, les visages, les dessiner, les tracer, les caresser…

La Mouette, un fil rouge, une trace, une larme, un état, un horizon, un travail… et faire vibrer la mémoire, non pas raconter l’histoire ni jouer la pièce, non, danser sur le chemin en faisant glisser nos pieds… Les acteurs sont les oiseaux… Une mouette… Qui tue l’oiseau ?... Qui tait le long cri ?...

Le peuple des acteurs-dansants est en pleine migration, il voyage… Tchekhov murmure des souffles, Nina est ombre et soleil, Treplev est Icare… Dansez, dansez encore… Les élèves-comédiens s’envolent, et nous, leurs aînés, dansons jusqu’à la rive lointaine où… Vers le lac j’entends des pas…

[texte de présentation par Caroline Marcadé, chorégraphe et metteur en scène de la pièce]




Le spectacle « Vers le lac j’entends des pas » donné la semaine dernière au CNSAD était bien davantage qu’une adaptation dansée de « La mouette » de Tchékov. Il s’agissait d’une véritable création, parfaitement maîtrisée dans ses moindres détails, où les échos de la pièce de théâtre résonnaient comme des réminiscences lointaines et presque secondaires. En effet, les références à la pièce, qui relate les souffrances de deux jeunes gens (Constantin et Nina) dont l’amour mutuel et les aspirations artistiques sont étouffés puis détruits, donnaient une ossature à l’enchaînement des tableaux mais n’étaient pas essentielles au plaisir du spectateur, qui n’avait nul besoin de connaître la pièce de Tchékov pour pleinement apprécier la mise en scène.

Je n’avais, jusqu’alors, jamais assisté à un spectacle dansé au Conservatoire et j’avoue que l’engagement, la fougue et la maîtrise des élèves, dont je ne connaissais que les talents d’acteur, m’ont estomaqué. Ils ont suscité l’enthousiasme du public et déchaîné des applaudissements mérités quand, au final, la scène fut plongée dans le silence et l'obscurité. Même si les élèves ne sont pas des danseurs, leur maîtrise technique des fondamentaux de la danse contemporaine (portés, équilibre, coordination, souffle, etc.) a permis à Caroline Marcadé de créer une chorégraphie riche et complexe, jamais répétitive et toujours riche d’émotions et de nuances, parfaitement soutenue par la musique et les jeux de lumière.

Au début, la scène baigne dans la pénombre d’une lumière tamisée, comme filtrée par un épais feuillage dont les reflets glissent sur de grands panneaux verticaux suspendus au plafond. Des silhouettes aux poses hiératiques semblent s’éveiller d’un long sommeil puis soudain, tour à tour, se convulsent et s’effondrent puis se relèvent ; la foule des danseurs, animée d’un double mouvement à la fois individuel et d’ensemble, esquisse une mer agitée de remous et de vagues violentes. Cette atmosphère de mer tempétueuse, suscitée par la houle saccadée des corps, renvoie à l’image de la mouette, en même temps qu’elle augure le drame à venir.

Il serait vain et fastidieux de chercher à décrire les différents tableaux qui s’enchaînent rapidement sans que jamais le rideau ne tombe. Je me contenterai donc d’évoquer la tonalité généralité de la représentation, en soulignant quelques moments qui m’ont plus particulièrement impressionné. J’ai été, comme je pense tous les spectateurs, pris aux tripes par la violence sourde qui imprègne de nombreux mouvements dansés, pleins de gestes convulsifs, de trépignements et de course jusqu’à la limite de l’essoufflement comme si les danseurs cherchaient à échapper à un danger qui se faisait plus menaçant au fur et à mesure de la progression de la pièce. Ce sentiment était exacerbé par ma proximité avec la scène (j’avais une place en léger surplomb), qui rendait presque palpable la tension du jeu des acteurs et les signes physiques de leur présence charnelle (battements de cœur, sueur, éclat des regards, contraction des muscles, afflux du sang pendant un effort prolongé, etc.).
Après une proclamation d’amour au théâtre, qui est la raison de vivre des protagonistes, les premières phrases parlées, dont le motif central « je ne suis pas en retard ? » est repris par plusieurs actrices pour former une sorte de chœur polyphonique, révèlent toutes les nuances d’un sentiment d’urgence qui est omniprésent tout au long de la représentation. La tension culmine avec la représentation directe du suicide de Constantin, figuré par un danseur agonisant devant un panneau qui se macule peu à peu de rouge, et l’évocation de la mouette assassinée, découverte sur le bord d’une plage, qui symbolise l’innocence massacrée de Nina, jeune fille qui vouait au lac le même amour que les mouettes dont le vol incarnait la liberté… La fièvre créatrice, qui s’empare des dramaturges jetant sur le papier des lignes d’écriture qu’ils renient aussitôt en jetant loin d’eux une feuille rageusement froissée, est habilement suggérée par une sorte de ballet tragi-comique où plusieurs personnages tour à tour méditatifs, frénétiques, déçus, s’épient mutuellement avec jalousie. Mais la bonne société du théâtre russe, où Nina se débat vainement dans une foule festive de femmes élégamment habillées (les costumes de scène étaient également très réussis !), apparaît comme le cimetière des illusions romantiques de la jeunesse…

Il doit être étrange, peut-être émouvant, pour de jeunes acteurs, d’épouser, dans une sorte de mise en abîme abolissant les frontières entre l’acteur et le personnage, les espoirs similaires d’autres jeunes gens amoureux du théâtre dont les rêves de reconnaissance se brisent sur les conservatismes qui consacrent les gloires établies et briment l’éclosion et l’ascension des jeunes talents. « La mouette » est aussi une pièce propre à susciter la réflexion sur le statut de l’artiste dans une société comme la nôtre, qui conçoit l’art comme un secteur du marché de la culture et du divertissement et les œuvres comme un investissement ou un placement financier…

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