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Poezii Rom�nesti - Romanian Poetry

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Roland Reumond, un Stalker entre mers et cieux.
article [ ]
Une présentation de l'oeuvre poétique de ROLAND REUMOND Par Hayley SOULED

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par [cometehayley ]

2014-01-17  |     | 



Entre ses premiers vers dans les années 1960 et ses derniers textes en prose des années 2010, Stalker, le passeur de Ciel ou La nébuleuse du trou de serrure , l' auteur se « monstre et se démonstre » (selon sa propre expression) à l’image et à la ressemblance de son Stalker (1).

Entre les Cieux et les Mers, en ses diverses qualités de psychothérapeute, d’accompagnateur spirituel ou en pur poète, à travers ce demi-siècle d’écriture, il reste un « Être du Passage » ou mieux encore, un être de compromis, « Un être de l’entre-deux » comme il le dit lui-même à qui veut le lire.

Il s'impose donc entièrement à nous, comme « Un passeur »

En ses monstrations et multiples démonstrations, en ses « Confluences » (2) et en ses liens holistiques, où les métaphores fusent pour faire office de clés, « Il (l’enfant) ouvre des portes closes, des tiroirs fermés et des chemins inconnus. »

De nos trous de mémoire à de nos trous de serrure, il fait surgir la parabole et le paradoxe, comme « l’illusionniste qui se joue de lapin blanc dans le chapeau du rêve… »

Il sait y faire l’éloge du trou, de ce vide qui favorise une parole authentique, et fait l’apologie de ce « Manque qui suscite l’écriture ».

C’est vital, le poète tient de l’alchimiste cette capacité de distiller les choses sous un angle nouveau, avec « Un autre point de vue, plus large et plus profond, plus limite , un regard qui transcende le voir et les plumes qui s'écrivent… »

Il transforme la réalité en son laboratoire et travaille le réel dans son oratoire, il le "triture d'encres noires" et le prie d’être ce qu'il est vraiment, de manière dynamique et complexe (holistique). Pareillement« Au moine scribouillard courbé surson parchemin », il reste de manière intemporelle et non locale, cet « enfant si fragile qu'il voulait voir les cieux »

A travers ces deux articles, vous aurez ainsi l’occasion de survoler et de découvrir 50 années de poésie, à travers deux périodes bien distinctes : la première qui reprend sa poésie versifiée jusque dans les années 80 ; et la seconde qui parcoure ses essais et diverses tentatives d’œuvres en prose (scénarios – articles divers - romans et essais) à partir des années 80 jusqu'à aujourd’hui. Mais Reumond est peut-être et avant tout un artiste interdisciplinaire, " un voyant voyeur " et j'aimerai aussi dans un autre article vous faire pénétrer son oeuvre plastique (dessins, peinture et scupture et projets cybernétiques), mais cela est une autre histoire !!!



1ère Partie : De la poésie versifiée ( 1962 - 1990)


REUMOND, un passeur de Mèr ...


Être et s'écrire, “À l’image et à la ressemblance"

Voici une expression biblique chère à l’auteur, comme si toute la vie se jouait de ces jeux de miroirs !

En 75, lors d’un échange épistolaire avec le poète Albert Ayguesparse, autour du poème « Les armes de la guérison » (1973, Bruxelles, André De Rache), Roland Reumond exprimait toute sa

« Difficulté de poète, pour aller de l’imaginaire vers plus de Réel »

Afin de « Passer de la plage de nos petites réalités personnelles et égoïstes,
Pour fendre le vent et tendre,
De toute la tension des eaux et de la vie,
Vers le Grand Large où siège la Réalité tout entière … »

Et toute « … La souffrance des chercheurs de mots,
Et la quête de Sens pour s’abreuver à la Source de
L’Essentiel »

« Dire, en amont
La Source de l’Essentiel.
Et en aval, le flux,
Pour aller vers plus de Réalité.

« Je ne suis qu’un pauvre mousse affamé de Grand Large »,

Aujourd’hui encore, loin des rives de la réalité et de ses « bords de mer et de ma Normandie natale »,

« Le poème appelle « Le Grand Large »Mèr…

Un océan de symboles

« Qui ne peut s’écrire qu’avec des mots salés … »

Avec le temps, rien n’a changé pour lui, la faim qui guidait sa main il y trente ans est toujours là, doublée d’une soif inapaisable !

En remontant encore plus loin dans le temps, en pleine adolescence, durant ces vacances annuelles à Luc-sur-Mer, il écrivait déjà,

‘Les plages sont pleines de questions »


LE CHEMIN DU POETE

Pour sa communion solennelle, sa grande tante Marcelle Golinvaux, épouse d’un notaire de Bastia, en visite dans la famille, lui offrira comme cadeau sans prix, une édition rare de « l’Origine des espèces » de Charles Darwin. Ce fut là pour l’enfant l’origine livresque de questionnements sans réponse, comme une véritable révélation : entre la bête et l’ange, qui suis-je vraiment – qui est ce Dieu que l’on dit « créateur » et cet être qui se dit lui-même « homme », en cette somptueuse création !

À l’aube de l’adolescence, en pleine recherche d’identité et déjà de vocation, cette lecture allait changer radicalement sa vision de l’homme et de Dieu, et réconcilier en lui, un double appel : celui de sa recherche spirituelle, avec un profond désir d’entrer au plus vite au petit séminaire, et cette autre quête pour les sciences et les arts. L’une et l’autre seront toujours présentes chez l’auteur de ces poèmes.

Là où ces différentes disciplines peuvent sembler discordantes et inconciliables pour beaucoup, chez Reumond, elles se lient pour faire plus de réalité, elles s’épousent pour s’engendrer dans une parfaite unité :

« Dans le nid douillet des grandes marées,
L’horizon à bercé la nuit avec le jour,
Pourquoi suis-je balancé entre l’un et l’autre ?

Par les idées de Monsieur Darwin,
Et pour la belle et grande aventure de la vie,
Mes ancêtres s’adaptent aux flux et aux reflux,
De l’océan originel.

Pourquoi les mères accouchent-t-elles de vagues mouillées ?
Pourquoi enfantent-t-elles de telles grandes marées ?
Pourquoi les baleines meurent-elles au coucher de soleil ?
Et pourquoi engendrent-t-elles des enfants
Qui ont le goût du miel ?

Tous les textes de cette époque ne sont pas de ‘la même trempe», mais quelle sublime poésie, quel questionnement métaphysique, quelle réflexion chez ce gamin des zones limites, un

« Gamin des bords de Mèr » !

En 1958, suite à une NDE vécue lors d’un accident de baignade, il gardera de cette ‘expérience limite» une vision presque dantesque de ce

« No mans land humide entre le Ciel et la Terre.»

En septembre de cette même année, il vient d’avoir douze ans, l’auteur de ces poèmes, entre à l’école Notre-Dame du Raincy. Il écrira quelques années plus tard,

« On entre à l’école par obligation comme on entre en religion par vocation, mais toutes les vraies questions sur la vie et la mort restent toujours là en suspens »

Épée de Damoclès, « les vraies questions relèvent du vrai manque »

« Humide de sels», les questions sont comme des poèmes tout cristallins de

« Ces sels qui vous révèlent la vie, et vous réveillent l’âme,après l’évanouissement »

De cet accident, il restera toujours comme imbibé, profondément imprégné de ce sel qui donne son goût et tout son intérêt à la vie et à son corolaire en littérature et en particulier à ses poèmes à forte teneur métaphysiques :

tout dédiés

« Aux ouvrages des vagues. »

Car,

« … C’est en Pleine Mer
Qu’elles font le plein d’Energies
Spirituelles. »

« Nul ne va au Grand Large,
Que par la vague,
Ainsi va le mouvement de la vie,
Et l’espérance qui nous mène à sa suite »

De cette expérience limite au seuil de la mort ou de la vie, et de sa réanimation, vécue comme une seconde naissance, un nouveau baptême, il ramènera de ces zones frontières

" Des images croustillantes qui ont la persistance des cristaux de sels. "



De Darwin à Teilhard

Avec « l’évolution créatrice » d’Henri Bergson, qu’il découvrira peu après Darwin, la lecture de ces deux ouvrages mènera l’auteur à faire un BTS en biologie médicale et à travailler dans les différents services d’un laboratoire de biochimie jusqu’à son entrée à l’école supérieure de théologie en 1967 pour y entamer la philosophie.

C’est dans une chemise intitulée « correspondance », datant des années 70, que l’on peut trouver un texte avec un en-tête au nom de ‘Robert G.»

Robert, la vague a le vent en poupe,
Poulpes des épreuves, obstination des eaux et des dieux
En ces jeux fous de vases communiquant leur mélancolie à la Terre tout entière.

Puis un texte :

(…) Je vous écrie sous les plis de la vague,
Aux creux des mots d’amour.
Je vous écrie toutes mes questions,
Comme évidées de sens.

Vous seul pouvez y répondre
Du haut de votre phare
Là où le vent se gite
Et où la lumière semble plus vraie.

J’ai trouvé votre grotte au pied des falaises.

Votre caverne est pleine de rupestres beautés,
Comme taillées dans la pierre des mots,
Falaises à même la grotte des idées.

Platon y perdrait ses petits,
À l’ombre des ailes de la vie.

Votre repaire de poète m’agrée,
Fauvistes et bêtes fauves s’y côtoient
Là où la création tout entière,
Lie l’homme et la bête,
L’ange et le démon.

Et j’aime m’y retirer pour y travailler
En silence, me réfugier dans l’antre du Verbe
En écoutant le son mêlé
De la vague et de la plume.
La vague nous aide à entrer dans le quotidien
Il faut s’approprier la vague pour vaguer avec elle. »


C’est de cette époque, que date l’usage presque généralisé chez l’auteur, de Majuscules et de Pluriels, pour dire quelque chose d’autre, de tout autre, à l’instar des métaphores de plus en plus redondantes, là où les mots deviennent comme des ‘Noms Propres ’, des noms d’amis ou de divinités, des attributs transcendantaux, des Absolus, porteurs d’une signification multiple ou d’une multitude de sens déployés à l’infini du Verbe.

Ainsi cette excursion sur la digue de Luc :


(…) Promenade des vents,
Sur La Brèche Marais
Aux Quilhoc
Et aux Rochers
Les vents parlent du Large.

Aux Falaises et aux Brises
Aux mouettes et aux Jetées
Les vents disent le Large.

Rues des Flots et des Goulets
Sur les dunes du Petit Enfer,
Les vents murmurent les flots,

En bordure d'une longue digue,
Comme pèlerinage,
À la rétine des mers,
Comme surplombant l’horizon.

(…)


Quand Roland Reumond ferme les yeux, il voit et il entend à travers les images ; il semble y percevoir comme l’infini des mots et l’éternité des objets ; quand il ouvre les yeux sur le monde et les gens, alors le voyant croit d’une profonde croyance en la vie.

Un don rare, celui de la double vision, des doubles et triples sens, le cadeau d’une vie donnée, d’une vraie poésie, doublée d’une grâce, celle de la contemplation pure. Il y a de très belles images dans ce déferlement de vagues et de mots.

Biographe de Reumond, je me suis perdue au milieu de ces flots abondants, pour venir m'échouer, dénudée, au pied des falaises crayeuses, là où se trouve un vrai chemin d'écritures :

« Empreintes de la nostalgie des eaux,
Le sable de la plage à de multiples grains,
Qui brillent au soleil,
Comme des myriades de miroirs brisés,
Ceux de nos blessures, plaies offertes aux vents du large
Hologrammes abîmés de nous-mêmes.

La plage dit la place de chacun dans les pas de l’autre,
Regards sculptés aux falaises crayeuses,
Cerf volant et place au soleil,
Pour le meilleur et pour le pire de la Création …»

C’est un don chez l’auteur, doublé d’une surprenante disposition ou « capacité » à faire (des) liens avec les concepts, les choses et les gens ; à les voir « partout et en tout », telle une « invisible filiation » entre « le Ciel intérieur et la Terre des apparences vives, nues et crues » comme une fixation, ou plutôt un encrage entre terre et ciel qui l’amènent à tisser des liens pour les réaliser ou les réactiver, c’est-à-dire pour les « rendre plus réel», là où le commun des mortels n’en voit aucun, c’est à 360 degrés qu’il perçoit ou comme il le répète « perce-le voir ».

Il y a chez l’auteur, dans sa vie quotidienne et professionnelle, trois lieux pour dire le Verbe et (ou) le faire entendre :

- L’écriture, et en particulier avec la poésie ;
- La cure de parole, dans son travail de psychothérapeute et d’analyste,
et enfin
- Dans sa vie d’accompagnateur spirituel, La Révélation, à travers les « textes sacrés » des différents courants philosophiques et religieux, cent pour cent parole d’homme, et cent pour cent Parole inspirée.

C’est en 1965, dans l’aviation où il faisait son service militaire comme permanent d’aumônerie, qu’il comprit qu’il devait apprendre à voir le Monde de plus haut , avec davantage de recul en relativisant les croyances et représentations du monde ! Il aurait pu devenir marin-poète, mais sa rencontre avec l’œuvre de Teilhard de Chardin, cette année-là, en a décidé tout autrement, le confirmant dans une démarche plus aérienne ou plus spirituelle, découvrant par là même que les grands fonds marins pouvaient sans difficulté rejoindre les Cieux en la profondeur le l’Être.

À moins de marcher sur les eaux ou les encres, ce que semble parfois faire l’auteur de ces poèmes, on ne sort pas indemne de ce genre de lecture ! Comme je l’ai fait à maintes reprises, je vous invite, vous aussi, à mouiller vos socquettes de sport, pour suivre la vague en zone de No man’s land.

Comme l’évangéliste Luc, le poète nous invite à descendre à sa suite, pour

« Avancer en eaux profondes »,

Afin de nous

« Laisser mouler, mouiller et submerger par l’abondance des mots,
Et toutes les richesses de ses grands fonds marins... »

« (…) À contrecœur la vague reflue,
Il suffit d’un simple mot, d’une intuition, d’un regard,
Pour qu’elles déferlent leurs perles d’écumes.
Il suffit d’une vague de rien, pour qu’elles déversent leur tout
Sur nous tous, comme flots de gros mots salés … »

Alors, cordiale convocation à vous laisser aussi imprégner, de ce « Grand Bleu » version Reumond, un autre récit de la traversée de la mer. Là où, effectivement, mais au péril d’une lecture avec le cœur, l’on risque de manquer d’oxygène,

« (…) Pour une vision des choses et des mots,
Qui en vaut vraiment la peine et le spectacle
Avec, comme qui dirait, une contemplation … »

Si sa plume laisse des traces de sel sur le papier et sur nos rétines, et comme

« Une curieuse odeur de varechs autour de nous »,

C’est que les mots viennent de la mer et y retournent, tout comme nos ancêtres amphibiens.

Comme le baptisé plonge dans l’eau, pour en ressortir renouvelé, laissons-nous immerger et submerger nous aussi dans ces mots là, laissons nous introduire dans ce bain de mots, au fil des épaves, comme dans une authentique expédition de plongée sous-marine.

Même à Liège où ses :

« Plongées poétiques en bord de Meuse,
entre l’Ourthe et l’Amblève,
disent encore les fleuves sortant du jardin d’Éden»

Ces plongées valent bien celles de Corse ou de Taormina. Dans son espace littéraire, le poète s’oppose au vide :

« Si le vide ne dit mot… »

Car le silence des grands fonds n’est pas néant, il est :

« Toccata et fugues d’eaux,
Fuites dans l’espace fluide des mots,
En apnée totale, le poète,
Ne manque ni d’air,
Ni d’aplomb … »

Comme dans le film de Chris Kentis « Open Water : En eaux profondes », Reumond nous livre autant aux vents et aux marées qu’aux mots, nous laissant parfois seuls et perplexes :

« En ce sacrifice de sel, au beau milieu de son océan. »

Reumond, tiendrait-il quelques facéties de ces Lutins de Luc-sur-Mer, petits démons espiègles et malicieux qui se manifestent dans nos rêves pendant la nuit ?

En tout cas, l’esprit des eaux l’habite, tout comme ces « farfadets vêtus de varech », pour se cacher des touristes et des photographes.

Né après guerre sur les plages du débarquement, à Luc-sur-Mer, entre Ouistreham et Courseules où sa propre mère tenait un salon de coiffure donnant sur la digue, c’est là que se déroula sa petite enfance,

Chez lui, « mère et mer se confondent au rythme des mots et des vagues »

Sur ces plages où tout raconte des débarquements successifs, cette côte de nacre, où

« Tout nomme le déferlement des eaux,
Porteuses comme des Mères,
De varechs et de Bonnes Nouvelles … »

« Quand l’iode se fait varech,
Mon œil se fait lunette,
Et mes pupilles,
Épave pleine de secrets … »

Sur ces plages où se font et se défont des générations de grands-parents vikings, débarquant de leurs drakkars, avec leurs expériences de la mer, leurs légendes et leurs croyances.

« Esprit-de-sel, esprit viking,
Esprit-de-bois, Esprit-de-vin, Esprit des vagues,
Esprit des eaux et des sources.

Dans la nature nouée de souvenirs,
Le chant des arbres,
En raconte aux forêts
Dans le cercle magique
Des eaux …»

Toutes ces générations de pêcheurs et navigateurs dont descend le poète, ces marins et dentelières, tisserands et cultivateurs, installés le long de la Douvette, près d'une forêt aujourd’hui disparue, parlent encore à travers le poète, de ces temps anciens où

« L’eau se nommait « étrange »

« … où farfadets
Et lutins vêtus de Varech,
Festoyaient autour des grands menhirs
Et de pierres runiques.

Où les prêtres-poètes d’antan,
Dessinaient avec le sang des vents,
Les fantômes de la Mèr. »



Extraits de poèmes et commentaires


(2) CONFLUENCE

Marée basse,
Je plonge dans la vague,
Je rentre chez moi.

Mon entrée est pleine de sable chaud,
Encore tout doré des rêves de la nuit.
Au porte-manteau, du varech toujours humide
Des saillies de l’aurore.

Au salon, la vague déroule son tapis,
Coquillages des chairs qui se donnent
À voir.

Entre le lit des golfes,
Aux fonds de galets blancs, et
la table de mes chevets enchevêtrée,
gisent, les reliquats des nausées nocturnes.

Sur mon bureau, un sang d’encre
Attend la confluence,
Pour écrire toute la nuit,
Les fluxions océanes.
Le Cosmos tout entier,
Est un océan de vagues et de symboles.

Sur le parquet,
Les restes des nuits blanches,
Toutes perturbées des étreintes,
Des marins et des chercheurs de Sens.

Dans un silence, meublé de mots pleins
Un horizon au-delà de la cuisine,
Oratoire des grands contemplatifs.

Derrière, à l’ombre des rideaux,
Le laboratoire des poètes et des alchimistes,
Pour écrire, à fendre les feuilles blanches,
Et tout récapituler, mot à mot,
Par, avec et dans le Verbe.

Les vagues de la vie, successives, dépressives,
Excessives, répressives, irrésistibles … fluent
Et réalisent le projet de nos rêves,
Soutiennent à fleur d’eau, arc de
La Parole tendue, comme érection.

Et moi, je pleure le grand large,
Les yeux, pétulance des sels,
Comme pleins d’exubérantes ardeurs,
Zèle des noyés, vivacité des grands nageurs.
Le vent souffle fort dans la salle à manger,
Il y a de gros nuages au plafond.

Je sors sur la terrasse pour prendre l’air
Un peu, à pleines vagues, illumination, bruine,
Chez moi, comme dehors, il pleut comme des retombées
Marines.

Retour violent des vagues sur elles-mêmes,
Lorsque les pensées sont frappées,
Contre l’obstacle des rétines.

Les ressacs de la pleine mer, fluent,
Dans les anfractuosités de mon appartement.
Ils écrivent par le déferlement des mots,
Comme des vagues nues, qui montent jusqu’à mon lit.

La baignoire n’est pas pleine, du sang salé des poètes
Aux grandes saignées des grandes marées,
La plume n’est pas là pour écouler les veines.



ROULEAUX D’ECUMES

Connaissez-vous les saillies de la nuit,
Ces cauchemars humides qui vous trempent le lit ?
Rouleaux d’écumes comme des compresseurs,
Qui angoissent l’oreiller au bord des draps mouillés,
Roulé-boulé des vagues qui ne cessent de tomber,
En se roulant sur nous, en boule comme de peur,
Connaissez-vous bien, ces grands rouleaux d’écumes,
Qui, bobines bavantes, nous roulent
Sur nous-mêmes, et rouillent nos regards ?

Si vous ne savez pas, les saillies de la nuit,
Alors, nagez, bougez, sortez, et puis vaguez
Et vaquez sans fin…
Aérez-vous de balades mouillées.

Cocooning de flots bleus, de silence, de présence
Pour être là, au bon endroit, quand la marée remonte.
La vague roule des pelles aux corniches crayeuses,
Aux saillies naturelles surplombant nos regards.

Escarpement des sens et chemins de traverse,
Que le poète prend pour monter aux à-pic,
D’une écriture lourde en sel,
Et en intuitions moites.

Chemins d’écritures, qui surplombent les feuilles
Où s’écrivent l’impossible et l’inconnaissance.

Comme aux confluents de plusieurs inconnues,
Là où deux cours d’eaux, se mélangent en nos bouches,
Pour parler de la vie, et nous dire la mort ;
Là où deux sources s’originent et se finissent ;
Là où ciel et terre, enfer et paradis se rejoignent,
Au seuil des purgatoires.

Comme à la fine pointe, au sud d’une lointaine Sicile,
Flux, reflux, fluxions des eaux entre passions et mixions
D’un Verbe qui se meurt et se meut pour nous tous.

Souffrance à même la plage, où les croix poussent
Droites, comme poussent les arbres.

Pointes de terres et de chairs au confluent de deux cours d'eau, qui jaillissent du jardin d’Éden,
qui sorte de dessous le trône, et
de dessous le Temple, s’éclaboussent de vie.

365 jours de flux, la mer va porter plainte,
Pour le jour de trop, qui fait déborder la vague,
Elle va porter nos plaintes,
Au-delà des lointains horizons.

365 jours de marées bissextiles
Portées tous les quatre ans,
Aux biceps des vents.

Rouleaux d’écumes à bobines savantes,
Au style austère, comme rouleaux de pierres
Romanes, au seuil des couvents.

Les ondes des bénédictions marines,
Hostiles au feu de Saint-Elme,
Oscillent comme berce mon cœur,
Nausée, au grand mal de la mer.

Nauséeuse, pissantes, jutantes, purifiantes
Et mutantes surtout, car tout change.

Lourdes et coulantes aux gargouilles des falaises,
Toutes fouettées de lames violentes.

Comme saignantes des fluxions de la nuit,
Grandes menstrues au sommet des flots.

Suppurantes, fluantes et refluantes,
Du flot de nos humeurs,
S’égouttant aux replis de l’espérance,
Dégouttant aux saillies de la foi
Filtrant l’Amour de toute part.

Bandes enroulées d’eau de formes vivantes,
Comme sirène des parchemins écrits à l’encre de la vague,
Sirène de papiers, Sirène de tissus, comme s’ouvrent
Les voiles pour dévoiler le jour et dérouler la nuit
à bout du rouleau, la vague se défait,
Ne n'avoir rien à dire, elle se nourrit d’échos
À la fin de sa vie, elle repart de plus belle.

Comme cheveux enroulés aux bigoudis des eaux,
L’Esprit de la vague déferle sur les plages,
À rechercher la cause première, on trouve La Grâce
De se vêtir de vents...


PAROLES FÊTE DE CHAIR

Collusion des vagues qui flux et reflux, Des mots qui se disent pour mieux Nous dire ou parfois même
Nous contredire …

Entre l’Adriatique et la Méditerranée, Comme l’eau se mêle au vin, Le Verbe se mêle à l’homme, Douloureuse incarnation de la Parole, fête des chairs.

Mailles d’eaux aux fils des vignes, En terre de Cana, lieu des roseaux.

Canaan, terre basse, terre promise, Des poètes et des prophètes, Tes eaux se mêlent aux sels.

Collusion des mots comme mêlés d’émaux, Complicité à même l’éclat de la voix, Des poètes aux radeaux des Méduses.

Les mots s’accolent, se déclinent, se déclament, Les mots se disent, se conjuguent sans fin, Pour dire le Logos en pleine expansion.

Collés mot à mot en pleine expression, Comme art-ti-culés aux tonalités et Aux consonances des vents et des échos.

Accord sur la portée du langage, Mers Égée, d'Oman, bleue et Noire d’encre

Mer casse-pied et Caspienne, Mer Rouge des sangs.

Mers Ionienne, Tyrrhénienne, bleues, Ligure à la lisière des eaux mortes, Vos eaux se mêlent, comme les mots s’emmêlent, Aux plis et aux saillies des grands océans, Entre Terre et Ciel, monts et marées.

Les sept mers, disent le flot du Verbe, Logis du Logos, habitations de houles, Visitations de vagues aux falaises De nos nudités, et de nos pauvretés, Humide humilité.



Commentaires divers au sujet de la poésie de Reumond


« On ne peut qu’admettre cette poésie, ou la rejeter. Elle nous ouvre un monde composite, éclaté, ravagé, reconstruit par les trouvailles du langage cependant, qui donnent l’impression, à la fois, de la circulation cosmique et d’une sorte d’expérience surréaliste avec, à la clé, le « dérèglement de tous les sens ». Pour décrire son « moi » par exemple, Roland Reumond montre un goût de l’audace qui rejoint l’éblouissement de la vérité. Pas de quartier, pas de choix, apparemment, devant ce qu’accueille son conscient et son inconscient ! La jonglerie des mots, de toute façon, révèle ici une recherche acharnée dans le besoin se dire – jusqu’à une révélation attendue, qui ne vient d’ailleurs pas. Mais subsiste la pulsation de ces poèmes, lançant dans leur détraquement (leur monstruosité cosmo physique) une sorte de défi au vide. Un ensemble intéressant. ».
Jean-Luc Maxence

« Du nerf, une sorte de pléthore purifiée par le sel, et, ce qui fait tellement défaut à l’ensemble des poètes actuels, un sens du rythme, vos mots, outre qu’ils évoquent et souvent tombent juste. Moi qui tiens parfois la batterie en jazz, j’y suis sensible ! Si un jour vous avez encore un texte de cette veine, faites-moi signe. »
Guy Chambelland

« Tu es à mi-chemin de quelque chose de fantastique. Mais il faut choisir ? Ou tu jubiles, mais alors angéliquement, mais par le texte « à la Michaux », ou tu te crées (je préfère) un style absolument unique, dédaigneux de toutes règles et émotion esthétique jubilatoire regorgeant de termes incompris scientifiques et drolatiques autant que sérieux, mais jamais employés créant le jargon même de la folie .

Tu es tellement « voyant » ou « voyeur » dans tes textes, que je me demande si ta véritable expression n’aboutirait pas mieux dans la recherche plastique ou graphique. »

Werner Lambersy

« Merci pour « le salut de la mer omniprésente ». La campagne porte en soi le flux de l’océan pour qui écoute le mouvement intérieur des choses comme des êtres.
« Bravo de vous dresser « comme se dressent les vagues contre vents et marées » avec tant de vaillance, et de générosité, contre ceux qui vous reprochent votre anticonformisme ! » Pierre Bourgeois

« Mille obsessions suivent le poète, sorte de visionnaire. Des suggestions plus sensuelles qui fixent l’œil et le rivent à cette tension des choses et des objets.
Roland Reumond est un vrai poète, mais aussi un peintre, un visionnaire au sens complet.» Alain Viray

« Sous le signe de la vague» vous avez sans nul doute le signe et le sens du primordial, l’intuition profonde de l’élémentaire vers quoi la poésie tend inévitablement. Ce sens, cette intuition, vous vous devez de les cultiver, de les intensifier, et je ne doute pas que vous vous y attachiez. » Christian Hubin

« Remarquables textes, absolument formidables. Il est des poèmes qui sont plus que des prières, comme incantatoires, voire mantriques – Il a les mots vibratoires sur la Mère Mèr notamment – Mère cosmique - Mer vivante partout et toujours éternelle, nourricière et créatrice.

Il parcourt de grandes plages où le vent souffle fort.

À travers ces vers, je perce, je devine, que dis-je, je danse, ému à travers des pèlerinages cosmiques ; j’exulte, il y a dans ces mots tant de choses, des paroles hautes et rares ; une infinie re-connaissance, une lame aiguisée qui veut fendre le temps pour créer l’ouverture absolue, une expansion immense comme la mer pour recevoir la Mèr, une ré-flexion intime et vraie devant la vraie vie et l’amour vrai ; une demande, une question, une réponse, une révolte aussi, une impatience, une pré-tension, un cri, une souffrance et beaucoup de richesses intérieures, il y a tout cela dans ces textes. » Jean-Louis Camus

« Je viens de nouveau de lire avec le même intérêt vos textes. Bravo pour vos abondantes « fluxions poétiques ». Votre langage, que je qualifierais d’érotico-teilhardien me fait penser que votre poésie est géniale, mais je ne crois guère au génie ! » Arthur Haulot

« Je retiens vos textes, comme on retient le feu pour se tenir chaud » Robert Delieu

« Vigueur et tempérament, ces textes tiennent le juste milieu entre le classicisme et le modernisme débridé. Ils sont en équilibre entre deux extrêmes et c’est bien ! »
Gilbert Delahaye


à suivre - 2ème Partie : De sa poésie versifiée à la prose (1990– 2010)- REUMOND, un passeur de Ciel...



(1) http://francais.agonia.net/index.php/article/14032324/Stalker,_le_passeur_de_ciel_(extraits)_



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