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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2005-03-19 | |
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Les échanges littéraires entre la France (l'Europe) et la Russie Propos recueillis par Françoise Daucé Interview d'Anne Duruflé Les échanges littéraires entre l'est et l'ouest de l'Europe semblent en plein développement, si l'on en juge par la vogue des romans russes publiés en France. Des traductions nouvelles d'auteurs contemporains et des rééditions d'ouvrages classiques sortent tous les mois. Pour comprendre les mécanismes de ces échanges littéraires au niveau européen, nous avons choisi d'interroger Anne Duruflé, chargée de mission auprès du directeur général de la Coopération internationale et du développement (DGCID), attachée culturelle à l'Ambassade de France à Moscou de 1998 à 2003 Regard sur l'Est : Dans la chaîne littéraire, quels sont les acteurs qui proposent la publication d'auteurs russes à l'étranger : les auteurs eux-mêmes, leurs éditeurs, les traducteurs, les éditeurs étrangers, les lecteurs ? Quel est le rôle des acteurs extérieurs à la chaîne littéraire? Anne Duruflé : Les acteurs sont multiples. Il n'y a cependant aucun doute quant au rôle majeur que jouent les éditeurs russes dans la promotion à l'étranger de leurs auteurs. Ils sont devenus en quelques années des partenaires considérés par le monde de l'édition en France dans la mesure où ils achètent les droits pour éditer des auteurs français en Russie; aidés en cela par le programme Pouchkine. Forts de leurs contacts avec l'édition française, ils ont commencé à proposer la publication de leurs propres auteurs. Cependant à l'occasion des " Belles Etrangères " et du salon du livre 2005 où la Russie sera l'invité d'honneur, les éditeurs français commencent également à chercher des auteurs russes classiques ou contemporains pour se placer sur le marché. Les auteurs et les lecteurs ne jouent là pour ainsi dire aucun rôle car ils ne connaissent pas les circuits. En revanche, les traducteurs sont des relais essentiels mais il me semble que les éditeurs russes ne savent pas les utiliser. Concernant le rôle des ambassades, je connais surtout l'Ambassade de France en Russie (je ne sais rien de celle de Russie en France qui est toujours restée sourde quand je souhaitais l'associer à des projets servant les auteurs russes) qui a beaucoup fait pour la promotion des éditeurs russes : - en les faisant inviter au salon du livre de Paris où ils pouvaient se faire connaître auprès de leurs homologues français et nouer des liens directs, - puis en organisant un stand en leur honneur à ce même salon du livre où ils pouvaient présenter leur production, - en invitant des éditeurs français aux manifestations consacrées au livre à Moscou (le salon Non-Fiction d'abord puis la foire internationale du livre de Moscou) pour que les professionnels français puissent apprécier les mutations profondes que ce secteur a connues en Russie dans les dix dernières années. Je crois que le chargé de mission " livres " sous la tutelle de l'attaché culturel a joué un rôle réel, pour ne pas dire considérable, en faveur de l'européanisation de la culture littéraire russe et j'espère que cela va continuer. Je connais mal les fondations et les organisations internationales, en revanche, il me semble que rôle des grandes et même des moins grandes foires du livre est énorme. Je dirais même que c'est le point de départ qui crée les conditions pour que les éditeurs se rencontrent. Le BIEF, autrefois France-Editions, y a beaucoup contribué. Quels sont les auteurs russes les plus concernés par l'européanisation de la littérature (auteurs de romans policiers, de nouvelles, de reportages…) ? Quelle est la part des auteurs contemporains et des auteurs classiques ? Si l'on s'accorde pour dire que la littérature classique russe est considérée à priori par l'ensemble des lecteurs de manière très favorable, elle continue d'être un argument de vente très efficace; d'autant plus qu'à mon sens finalement, on la connaît assez mal. Je ne citerai que Gogol, auteur majeur, essentiel qui est loin d'avoir rencontré tous ses lecteurs en France; qui a lu "Les âmes mortes" ? En dehors de Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï et Tchékhov, et puis Boulgakov, il reste tant de merveilles cachées sous cette impression largement répandue de littérature familière. La part des auteurs classiques est aujourd'hui prépondérante dans le contenu de l'européanisation de la culture. Que sait-on des contemporains ? Les éditeurs russes aident mal à faire les connaître. Je m'interroge moi-même : comment aller les chercher ? Quelle est la politique des éditeurs français vis à vis des auteurs russes ? La publication d'auteurs russes constitue-t-elle un bon calcul économique ? Les évolutions littéraires concernant la traduction d'auteurs russes sont-elles liées aux évolutions économiques en Russie depuis dix ans ? Les éditeurs français ont ignoré la Russie pendant des années et au fur et à mesure de la reconstitution du monde de l'édition russe, ils y ont prêté une attention croissante ; l'édition n'a rien à voir avec la philanthropie. Cependant, le goût pour la littérature russe a toujours favorisé un flux d'auteurs russes dans la production des éditeurs français. Il est extraordinaire de voir que l'on réédite aujourd'hui Chalamov dans son intégralité. J'admire l'éditeur; l'auteur est immense; cela n'a rien à voir avec les évolutions économiques, ni avec le calcul économique, seulement avec la grande littérature. * Bureau international de l'édition française (BIEF) Le Bureau international de l'édition française (BIEF) est un organisme public chargé de promouvoir l'édition française à l'étranger. Il joue aussi un rôle important dans la mise en relation des éditeurs français et étrangers, notamment dans les Pays d'Europe centrale et orientale et dans les Nouveaux Etats Indépendants. Son site internet (http://www.francedition.org) témoigne de cette activité. Afin de favoriser les échanges de droits, le BIEF propose une liste d'éditeurs du monde entier en relation avec les éditeurs français ou souhaitant se faire connaître des éditeurs français. Concernant la Russie, cette liste recense 63 éditeurs. Elle n'est pas exhaustive mais tient compte des contacts obtenus à l'occasion de la participation du BIEF aux rendez-vous professionnels du livre à l'étranger et à l'animation de sessions de formation/information dédiées à une meilleure connaissance des fonds français. Parmi les éditeurs russes recensés dans cette liste, on peut citer Ad Marginem, Infra-M, Ladomir, NLO, OGI, Terra, Ves Mir… (F.D.) * Le programme Pouchkine Le programme Pouchkine de l'Ambassade de France à Moscou aide les éditeurs russes qui souhaitent publier des auteurs français. Les ouvrages concernés peuvent relever de la littérature ou des sciences sociales. De nombreux auteurs, classiques (Braudel, Bourdieu, Veyne) et contemporains (Beigbeder, Les particules élémentaires…) ont été traduits grâce à l'aide de ce programme. Une trentaine d'ouvrages français sont publiés chaque année. L'aide du programme Pouchkine est destinée aux éditeurs. Elle est parfois complétée par une aide de la Fondation Soros pour financer la traduction. (F.D.) * Le rôle de la maison d'éditions Actes Sud Fondée en 1978, Actes Sud s'est installé en Arles place Nina-Berberova, en hommage à un auteur dont la découverte a été importante pour le développement éditorial de la maison. Aujourd'hui dans sa vingt-quatrième année, Actes Sud, dont le catalogue compte près de 4500 titres, regroupe une équipe de plus de cent dix collaborateurs. Parmi ceux-ci, Michel Parfenov, directeur de collection chez Solin/Actes sud, joue un rôle prépondérant dans la publication d'auteurs russes en France. Il a aussi réfléchi et écrit sur l'édition en Russie. Il a notamment publié un article dans le Courrier des pays de l'est, n°1017, intitulé " L'édition en Russie : Dix ans de libre entreprise ". Dans cet article, il rappelle que l'importante activité éditoriale que connaît la Russie a commencé dès la perestroïka, pour faiblir dans les années 1992-1995 et reprendre ensuite. En 2000, environ 50 000 titres ont été publiés, avec un tirage total de 404 millions d'exemplaires. Si elle a concerné au début les romans policiers, de cape et d'épée et autres livres dits de gare, souvent traduits et sans respect des droits d'auteur, elle s'oriente désormais vers la publication d'écrivains russes contemporains de qualité, alors que parallèlement la profession s'organise pour mieux faire respecter les droits de chacun. A côté des très grandes entreprises privées, généralistes, qui couvrent toute la chaîne du livre, existent de nombreuses petites maisons d'édition porteuses de savoir-faire et imaginatives, ainsi que quelques entreprises d'Etat qui ont du mal à se restructurer et à se moderniser. Mais toutes sont plus ou moins confrontées au problème de la fiscalité, à la crise du papier (malgré une percée de l'édition électronique) et surtout à celui de la distribution, pour laquelle tout reste encore à faire, quand on sait que 80 % des ventes sont réalisées à Moscou et Saint-Pétersbourg (F.D.) Copyright © Regard sur l'Est 2005 Article reproduit avec autorisation. Source Internet : http://www.regard-est.com |
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