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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2016-02-06 | |
Le temps s’allonge comme un fil d’araignée vers sa proie. C’est moi sa proie À l’’autre bout du fil guette la solitude. C’est la mère du temps. Son père est le néant. Le temps toujours il reste jeune. Comme tous les enfants il aime le jeu. Ses épouvantables parents, ils m’attendent. Je ne veux pas être dévorée par ceux-ci. Je me cache dans une coquille d’escargot vide. Elles sont nombreux, les coquilles des rêves abandonnées sur le bord de l’océan. Sa forme spiralée et compliquée est compatible avec mes dimensions actuelles. Recroquevillée dans mon cœur, je suis devenue petite, en dépit de mon âge. Et puis, je sais que l’espace est une volute infinie. La route du temps, elle aussi, est une spirale ascendante. Une balade par le labyrinthe des rêves enflamme l’imagination. Je désire chercher le lieu où se trouve l’amour dans ce ciel universel de l’âme.
Pour ne pas égarer la route, une légende de l’antiquité parle du déroulement d’un fil de soie. Je fais appel à une ficelle. L’espoir, elle sera ma meilleure amie. L’univers intérieur, pareil à mon cœur, il se serre et se relâche, alternativement. Mais ma cachette reste un habitacle d’escargot sec, aux murs de nacre. Quelquefois, à cause de cela, ceux-ci m’oppressent jusqu’à la suffocation. J’ai peur. J’ai peur de solitude. Elle me guette depuis toujours. Par les fenêtres de la maison je vois comme le présent devient passé à chaque instant. Pourtant, dans ma chambre, le temps dort. Il dort enroulé autour de ma vie, une toile d’araignée autour de sa proie. Mais, quand il veut, il vole sans aucun bruit, avec ses ailes agiles d’oiseau de nuit. Je ne sens pas son départ, je constate seulement qu’il est passé. Cet hiver il fait froid, si froid. Le froid a emménagé chez moi. Pourquoi ? Parce qu’ici il a trouvé ici une place libre. Le temps, lui-même glace en l’absence d’amour. Le printemps est en retard cette année. Ou, peut-être, je suis celle qui a perdu la notion des saisons. Souvent, j’ai l’impression que les nuits sont non seulement plus longues que les jours, mais aussi plus nombreuses. La sonnerie du téléphone retentit. Un coup de téléphone pour moi ? À cette heure si matinale ? Pas maman pour me dire qu’elle a rêvée de moi et voulait savoir si je vais bien. Non ! Cela n’est plus possible. Mais qui ? Peut-être est-ce lui. C’est lui ! Lui, lui, lui. Il n’a rien dit de sa longue absence. Pour lui c’est une chose sans importance. Il voudrait me voir ce matin, parce qu’il n’est pas libre un autre jour. Bon. Moi aussi, je veux le revoir. Il s’attend, probablement à ce que je sois ravissante. Il aime les couleurs flamboyantes et estivales. En été, il me disait en me mignotant : « C’est comme ça l’été, pareil à une fleur de coquelicot qui se déshabille au premier mot murmuré par un vent chaud, éparpillant ses pétales rouges, comme des étoiles filantes. » Et je lui répondais : « C’est comme ça l’été, comme les flammes d’un amour fou, qui brûle le cœur jusqu’à ce qu’il ne reste plus que des traces de sécheresse. » Mon cœur bondit. Le temps, lui aussi, commence à s’accélérer et tout à coup je suis en retard. Le temps est devenu pour moi un traîneau qui dévale une pente. Le bus est déjà parti. Le métro démarre juste au moment où je descends les escaliers. D’autres minutes vont passer jusqu’à ce qu’un autre arrive. Le temps fuit. Étourdie, fuyant parmi des véhicules, ignorant le feu rouge, je reviens à la station d’autobus. En fin de compte je réussis à monter en m’agrippant comme je le peux à une barre. J’arrive. Je suis bousculée et je bouscule à mon tour, parce que je me dépêche de descendre. Trop tard. Il n’y a plus sur le trottoir que le panneau publicitaire et un homme de neige au coin de la rue. Des manteaux grelottants en mouvement coupent l’image par fragments neutres, absents, dans tous les sens. Je suis restée sur place et regarde le vide du ciel blanc. Dans ma tête je m’écrie, je hurle comme un chien perdu : où es tu, où es tu ? Le temps s’est figé autour de moi. Mon cœur est gelé à l’intérieur de mon corps et je me traîne mentalement, à nouveau dans ma coquille d’escargot. Je ferme les yeux pour me remémorer notre premier rendez-vous. C’était l’hiver, froid et neigeux. J’entends sa voix douce qui murmure aux oreilles de mon esprit : « Pourquoi donc es-tu en retard, ma petite ? » Pourquoi ? Oui, pourquoi, quand le temps du bonheur fond si rapidement, pareil à un flocon de neige sur une lèvre brûlante. Les branches des arbres, couvertes de fleurs de glace, abstraites et froides, dansaient sur la chanson du vent. Et nous deux dansions entourés de neige éparpillée par notre balancement. C’est le même chant qui siffle aujourd’hui dans mes oreilles. Je reste pétrifiée sur place. Mes pieds refusent de se mouvoir. Je suis seule dans cette brume blanche qui remplit l’espace, en me séparant de mes pensées. En me séparant de lui. Je vais devenir un homme de neige comme celui posté au coin de la rue. Près de moi j’entends une voix un peu rauque : — Coucou ! Excusez-moi pour le retard ! O mon Dieu ! C’est lui. Le bonheur a fait exploser mon cœur qui vole dans l’air. Un nuage noir tombe sur moi en me cassant et éparpille mon souffle parmi les souffles du vent. Non, non ! Une autre fille et un autre garçon, ils s’embrassent. Autour de moi le vide englouti toutes les images. Je veux mourir. Quelqu’un s’approche de moi et m’interpelle : — Ma petite que fais-tu là -bas ? Depuis le temps que je t’attends, je suis devenu un homme de neige. Quel toupet ?! Comment se permet-on de m’aborder ? Mon Dieu, mais c’est lui ! C’est lui ! C’est lui plein de neige et grelottant de froid. Quel bonheur qu’il soit là ! Et moi, je suis dans mon lit. Encore une nuit est passée. Errante parmi les rêves, une nuit suffocante d’été, quand le sommeil s’enfuit. |
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