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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2013-10-25 | |
L’INSIGNE HONNEUR (extraits)
On ne peut comparer que ce qui est comparable dit-on en haut lieu; alors comment allons-nous rapprocher le texte du corps et le corps du texte ? Comme déjà souligné de sang caillé et d’encre chaude, les poètes sont avant tout des traces, entre textures et textes, ils se donnent à lire comme écriture mais aussi comme chair vivante ou morte. Depuis la nuit des cavernes, les mots s’écrivent comme les ossements dans un jeu d’os sacré ; les os comme les mots sont jetés entre les mains de l’oracle et par miracle raclent le fond du temps, afin que l'imaginaire se fasse réalité. Jeux d’os sacrés et sacré jeu de mots; on commence par des vers à la marge des pages, et puis on termine par des vers au seuil de la mort, en un cycle sans fin, car rien vraiment ne commence un jour, et tout comme l’infini s’ouvre ou s'écrit sur l’éternité. Revenant de chez mon médecin, je me dis que le corps nous parle bien souvent comme une métaphore en poésie ; à l’écoute des maux les mots nous viennent ; à l’écoute du désir des chairs et des besoins de l’âme, les mots trouvent leurs places, mot à maux, en un puzzle composé de nos multiples métaphores. Posé en terme de « mal à dire » je pose un diagnostic sur moi-même, j’ouvre mon vade-mecum comme on ouvre un livre d’oraison – l’espace sacré s’y déploie comme des entrailles fumantes, tel un parchemin, une carte de viscères livrés aux vents du large, aux questions récurrentes, aux gargouillements de la vie…, Entre le maquillage du corps et les fards du texte, je me dis en effets de style. En effet, je me positionne comme points et virgules, comme traits d’union et de mascara, en accentuant ce qu’il y a à dire ou en atténuant ce qu’il faudrait cacher. Car cela doit avoir du sens ! Gros plan sur le sens, aux frontières des nerfs énervés, des images les plus nettes et du texte structuré. Zoom de 18 à 270 mm, au cœur de la matière et de la manière de l’exprimer : sanguine ou fusain, encre de Chine, tout convient aux rêves, à la plastique…, pour acquérir à l’usage un autre regard, une vision plus large. Changeant de point de vue, tournant autour du corps livré au Bic comme au bistouri, je m’observe de haut, allongé de tout mon long, le corps rigide sous mon drap blanc (sur la page blanche), l’œil vague, l’œil mort… me posant la question, l’éternelle question, qui regarde qui ? Qui est couché ? Qui est debout ? Qui est mort et reste-t-il quelques vivants ? Waterloo, Waterman, morgue pleine de poètes en survis et de derniers souffles en sursis ; entre photographie et peinture, j’écris aux frontières des traces, je trace aux frontons des signes et des icônes ; en contre-jour, c’est moi, dépouillé de ma peau, écorché vif par contumace et par les mots. Selon l’exposition, la lumière, le mouvement, l’objectif et les contrastes…, tout change de bord ; je suis depuis 70 ans comme l’enfant livré à lui-même, offert lui-même à l’hostilité du temps, à l’étrangeté du monde ; entre la disposition de l’ici maintenant et les Ailleurs insoutenables, je voudrais me gommer, disparaître comme par enchantement, me laissant plastiner pour l’éternité dans la ouate des beaux jours. Entre les ambivalences de l’enfance où tout est flou et l’avenir pavé d’incertitudes, je voyage couché sur ma table de dissection, sur mon zinc de digressions, je transgresse la vie en faisant le mort… Oui, quand on en est là , tout est comme dans une mise au point sans fin, un réglage qui est aussi une prise de conscience. (…) De la danse à l’écriture, la substantifique moelle du corps c’est le langage. « Vous ne savez pas, vous autres, pourquoi ils ne dévorent pas les os de votre tête, et qu’ils se contentent d’extraire avec leur pompe la quintessence de votre sang. » Comte de Lautréamont (1). Frontispice d’os, de cendre et d’encre ; suis-je mon propre début et ma propre fin ? Le passé et le futur sont comme incollables entre eux, seul le présent fugitif comme l’ombre du voleur fait emploi de marouflage. Quoi que l’on fasse, quoi que l’on dire, nous cherchons sans cesse à recoller les morceaux ! Les morceaux de quoi ? Les morceaux de qui ? Allez donc savoir ! Au delà du raisonnable, dans l’infiniment grand comme dans le plus petit fragment, au delà des particules, et même dans l’au-delà nous pensons pouvoir recoller les morceaux ! Couper, papier, coller…, Word pas facile, sauf en rêve ! L’édition de l’être ne se fait pas comme celle d’un traitement de texte, on ne traite pas l’homme comme on torture les mots, et pourtant ! En sélectionnant le meilleur comme le pire, encollée ou décollée, la vie s’improvise comme une adhérence, elle se fait aimer, en se faisant décor plus ou moins enjolivé, plus ou moins attachante, elle se fait même adhésive sur la surface de l’œil, décalcomanies, images … (…) Avant d’être objet et sujet de plastination, auréolé de beauté comme le David de Michel Ange, j’ai l’insigne honneur de vous montrer mes tripes, mes muscles raides et mes os à nu, pas par recherche d’une forme d’esthétisme à la Gunther von Hagens, pas pour satisfaire votre curiosité maladive, ou votre voyeurisme philosophique, les émissions de télé-réalité s’en chargent ! Pas non plus pour une question de narcissisme post-mortem ou d’exhibitionnisme malsain, à l’image de toutes ces séries télévisées où le corps se « démonstre » en épisodes pathétiques, de plus en plus réalistes, mais par simple souci métaphysique, je suis sur là sur la table de dissection, comme la particule se dénude sous l’œil du physicien. L’anatomie depuis le plus jeune âge me fascine, jouant avec la pâte à modeler, je me prenais déjà pour le créateur donnant la vie à la terre humide avec ma salive mousseuse et mon seul imaginaire en guise de souffle. Alors que le sang de la peur se retire me laissant las, à flots vidé comme un grand fleuve asséché par quelque saignées anciennes ; mon être demeure paralysé ; pour reconstruire le réel, comme l’enfant insensible et curieux qui arrache les ailes du fragile papillon, je saisis la plume et le stylet qui vont m’aider à reconstruire cette chair de malheur. Vidée de chairs, ma carcasse creuse sonne comme un espace vide ; le scalpel écarte les viscères comme le vent écarte les nuages, comme l’aigle cherche du bout du bec le chemin méandreux des nerfs, au plus creux d’une proie plus sanglante que le foie de Prométhée. Sur la porte de la morgue, il est écrit : chaque goutte de sang versé par inadvertance ou cruauté rejaillira sur les enfants de la terre. (…) Entre dissertation et anatomie, section de texte ou de texture, entre matière et manière, entre imaginaire et réalité, la dissection d'un « texte », d’un « corps », d’une institution en crise ou d’un « système » quelconque, pourrait se nommer « écriture », afin de se représenter les organes vitaux des espaces tout défaits. Au sommet des paradoxes, je coupe pour créer du lien. Du latin "dissecare" (couper en deux), la dissection rejoint la symbolique. Ici, nous connaissons les « Symboles » comme les Chinois connaissent « L’insigne » et j’ai moi-même l’insigne honneur de jouer les fous ou les écorchés vifs, pas ceux du roi, pas ceux de Dieu, mais ceux des oracles, faits d’os brisés et de bois brulés. (…) L'INSIGNE HONNEUR (extraits) (1) Les Chants de Maldoror, Chant deuxième, strophe 9. page 104, dans la version de 1890. Fait suite à : Du style au stylet, lien : https://www.facebook.com/media/set/?set=a.3273560991197.149145.1032596377&type=3 |
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