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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2012-03-04 | | À l’horizon des murs fuyants, sur la ligne des couloirs et des salles aux lumières trop blanches ; ou dans les intervalles plus sombres entre les escaliers qui montent et ceux qui descendent dans nos têtes trop pleines, il y a comme un déplacement qui s’opère, un long voyage au bout de la nuit qui se prépare, un courant qui ressemble au flux de fantômes blafards. Mais tout n'est qu'apparence ! C’est un vent de coucher dans les voiles des murs ; un flot d’idées fixes qui dévale sur nos opacités. Partout, ça bouge ! Devant les bureaux balisés, les chambres aseptisées et les passages interdits ; ce sont comme des vagues qui déferlent sans bruit au timbre des pantoufles, des glissements de pas et des appels ; au pied des dortoirs surtout ; c’est une mer de couloirs sans fin qui se vide de tout son contenu de sel et de sens, c’est giratoire et désinfecté ! C’est la nuit qui se prépare, enfile son pyjama de soi, de je, de on, de nous, jusqu’à ce que vienne l’oubli de qui l’on est ou de qui l’on était; tout devient vague ! Laissant là une couche d’écume froide comme une vieille bave de sénile ou d’escargot ; c’est l’espace vide d’un réfectoire sans odeur de cuisine qui dit la fuite du temps et le fin des soupes froides. Même dans les coins et les recoins vacants, là où d’ordinaire on peut se coucher au sol sans souci aucun, tout devient mouvant comme un lieu de passage, un portail de rêve entre le cauchemar et le réveil. C’est comme un hall de gare aux heures de pointe des scalpels ! Là , dans les parloirs les plus anonymes, qui l’instant d’avant, résonnaient encore de messes basses et de l’écho de ceux qui savent se parler tout seuls dans le secret des cœurs (se racontant à mi-voix des secrets de pharmacie et de polichinelle), le silence s’installe pour la nuit, comme une couche de goudron sur la journée passée, pour la nuit la plus blanche des nuits de l’année. Au rendez-vous des blouses blanches, c’est autour d’un Codex magique, plein de traitements de choc et de panacées abominables, que se déroulent comme un tapis d’Orient, Le Grand Sabbat préventif et curatif, celui qui rassemble pour le meilleur et pour le pire, en un seul grand corps académique, ses noctambules diplômés. C’est l’Ordre et le Sabbat des carabins païens et des grandes prêtresses des purgatifs et dépuratifs. Elles sont toutes là , présentes avec leurs seringues pleines d’humeurs malignes ; avec leurs grandes mains remplies de baumes au musc de bouc, le plus puant, avec leurs antidotes les plus infects. Sorcières d’une nuit, autour de la Saint-Jean, pour célébrer le double serpents du Serment d'Hypocrate, en une cérémonie sans nom; elles préparent la table du grand banquet psychiatrique, mettent au point le dernier rituel des réunions d'équipes, corrigent la dernière épreuve au diagnostic de la nuit qui couvre de son ombre clinique la pire abomination qui soit. (...) En files indiennes, des Anges furtifs défilent pour recevoir l’aumône des officines. Mais nul infirmier ne soupçonne que ce petit peuple de fous prépare comme des anarchistes dans le secret des somnolences, l’alchimie même de la nuit, afin qu’un sommeil d’ange ne se couche pas sur des sommiers de plomb. Alors que pleuvent comme des bombes molles, les suppositoires des suppôts de Satan ; que pour panser la nuit avec des draps liés et des camisoles nouées, l’armée des damnés pose des pilules anti personnelles et des armes d’électrochocs, les douches et les toilettes se vident comme des villes mortes. Dehors, comme un remède de bonne flamme pour remplacer la nuit, de médications en saignées vermeilles, un mélange d’eau et de ciel enflamme l’horizon pour que dure encore un peu le jour ! C’est un coucher de sommeil, un soleil de Valium qui se couche sur l’océan rouge sang ; c’est un coucher de sommeil tout feu, toute flamme, pour un sommeil de neuroleptiques. Les molécules sophistiquées y sont des labyrinthes azotés qui ressemblent aux pavages hexagonaux des alvéoles d'abeille (...) Je ne suis pas fou ! On a beau décrire, peindre, photographier des couchers de sommeil ; au cauchemar paradoxal des nuits blanches, les anxiolytiques évitent de descendre dans la profondeur des rêves, mais ils n’empêchent pas les Anges de voler ! Dans la demeure improbable des résidences surveillées, au seuil des domiciles capitonnés et des chambres insonorisées, à l’intérieur même des réduits noirs et des têtes pleines de rêves, des cabinets secrets ou les divans eux-mêmes se disent, les corridors ne dorment pas, "ils vestibulent" entre eux ! Les couloirs du Grand Labyrinthe se meuvent à la folie, pour que la cohorte vivante des aliénés, telle une seule colonne de nuée, de pèlerins, une équipée de saints, puisse gravir les méandres de la pensée et des dérangements, et monte l’échelle de Jacob pour atteindre comme un seul homme les sommets de la folie. Connaitre l’union à Dieu au Royaume des fous de Dieu, commettre les pires hallucinations, emporté dans une triple chaîne d’animaux, de dieux et d’anges messagers, comme les ARN de transfert font l'intermédiaire entre le ciel des vivants et la terre des morts, n’est-elle pas l’unique vocation des hommes à la croisée des créatures et des Mondes ? La folie ne serait-elle pas le sommet même de la condition humaine, la crête hantée de nos pauvres vies ? Ne serait-elle pas, le pas de génie, le grand Eckhart, tout comme un saut de volonté dans l’inconnu ? Un petit pas pour l’animal que nous sommes encore, mais un grand pas pour l’homme que nous avons à devenir ? La folie n'est-elle pas une avancée dans le discernement, dans le désistement de soi, comme une désappropriation de l’égo, un sursaut d’abnégation pour être pauvre avec les pauvres, devenir dieu avec les dieux, bête avec les animaux, un avec l'Univers, dans un bel élan de renouvellement, comme dans un grand sacrement de l’amour au cœur du monde. Mais dans les tristes ornières de la psychiatrie traditionnelle, c'est un grand changement, dont l’imagerie cérébrale ne dit rien de bon. (…) (Extrait du Pavillon des Anges) |
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