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Poezii Românesti - Romanian Poetry

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En plein dans le mille !
prose [ ]
Extrait de Veilleurs de Dhuis.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
par [Reumond ]

2011-12-14  |     | 



(...)

- Ouah, en plein dans le mille !

Dans la rigole, la mouche agonise, laissant sortir un dernier cri : " Vous êtes les plus forts !"

- C’est pour ça que les filles elles ne sont pas faites pour la guerre !

- Mon père il dit que se sont des pisseuses !

- Oui, mais pisser et tirer, pisser et faire mouche, ce n’est pas pareil !

Oui, même les mouches se méfient des tirailleurs que nous sommes.

Depuis l’antique idée, les premiers mots ne sont-ils pas les premiers jets d’une humanité ? Pour tailler une bavette, les urinoirs ont toujours été des hauts lieux de conversation, même à l'école c’est comme les salons de coiffure !

- Ma mère qu’est coiffeuse, elle dit qu’elle tient un salon littéraire. Même que j’ai une photo d’elle à la libération de Paris où elle fait la fête avec les Amerloques ; et elle raconte que durant la guerre elle tenait un salon de coiffure à Paris, dans le quartier des puts, et que les prostituées sont sympas.

- C’est qui les prostituées ?

- Même que ma mère était une des premières élèves de chez Lauréal – et même qu’une fois une cliente a perdu tous ses cheveux et que ma mère a du aller lui acheter une perruque, si, j’te jure que c’est vrai ! Aussi vrai que ma perruche a un croupion rouge !

Même à l'école, les urinoirs sont dits publics parce qu’ils ne sont pas pudiques ! Ils ont toujours été des lieux privilégiés de rendez-vous, pour les homosexuels comme pour les résistants, mais pour moi, ils restent avant tout ces parloirs où d’espiègles philosophes dissertaient entre autres, sur le sexe des filles, sur leurs meilleurs scores de pissoirs et les dimensions des bistouquettes en émoi.

- Ma sœur quand elle pisse, on croirait qu’elle fait du ski !

- C’est pour pas salir ses fesses, ou bien que c’est trop froid peut-être ?

Sur le mur d’ardoise, nous dessinions notre destin, petit filet venant enrichir le fleuve de nos pensées.
Notre ardoise d'aujourd'hui au café du coin, ne serait-elle que le reliquat de nos jeux d’enfant ? Si nettoyer l'ardoise dans les bars du quartier signifie effacer nos dettes ; arroser l’ardoise signifiait plus sûrement pour les gamins que nous étions, une manière symbolique d’effacer les calculs à la craie de nos ardoises d’école.

Les latrines des latines à celles des matines, pour éviter un cours ou la prière du matin.

Mais en ces lieux ouverts à tous les vents, il n’y a pas de réelles cloisons pour préserver l'intimité.

Avez-vous remarqué que sur le pot, les mauvaises pensées que l’on ne confesse pas empêchent de sentir les mauvaises odeurs ? Mais les plus horribles cauchemars se logent aussi dans ces lieux-là, pour l’enfant, nul WC n’échappe à la règle des anxiétés.

Qui n’a jamais imaginé un œil au fond des toilettes ? Qui ne perçut pas au fond des toilettes comme en de funèbres cieux, « Un œil, tout grand ouvert dans les ténèbres », au fond du trou, sondant du regard vos fondements et tout votre appareil, dans « les cieux mornes » des chiottes, « L'œil à la même place au fond de l'horizon. », disait Hugo, qui comme moi connaissait bien Montfermeil et toutes les peurs de l’enfance.

Misérable et si bienheureuse enfance !

Tressaillant comme Caïn « en proie à de noirs frissons », qui n’a jamais cru apercevoir au fond des cabinets, des animaux carnassiers prêts à vous émasculer ? Fantasme ou pas, je vois cet œil, je vois encore cette bouche énorme ! La dent longue, aiguisée, prête à mordre mes chairs tendres.

Je ne saurai mettre une barrière entre cette mortelle dentition et ma quéquette que je protège de la main. Alors, coulant un bronze, je fis « un mur de bronze » et mit le derrière de Caïn à l’abri des canines. Afin de satisfaire nos besoins naturels, tout est une question de conscience ou de confiance en soi !

Je pisse fort loin donc je suis fort loin, j’urine fort haut dons je suis l’élite !

Ego sum sic moi, je pisse donc je suis ! Car « pecunia non olet » (L'argent n'a pas d'odeur) aurait dit l’empereur Vespasien.

Ce que nous rappelle le professeur de latin, mais « Errare humanum est » (il est de la nature de l’homme de se tromper), peut-être à t-il simplement dit :

- Quelle est cette odeur que je ne saurais sentir ! Ou
- Merde alors ! Ou bien encore, sous la forme d’une question existentielle,
- Quel est cet Å“il pervers qui nous regarde ?

Faisant pipi et regardant si le monstre était là, Caïn dit :

- Cet œil me morsure l’âme jusqu’au croupion, jusqu’aux tréfonds des chairs il me morsure.

L'Å“il et les dents ont-ils disparu ?

- Nenni, poil au cul !

« Et Caïn répondit : « Non, il est toujours là. », grand ouvert comme un enfer béant, il nous regarde vivre et déféquer !

Fesses à l'air, qui n’a jamais eu peur de tomber dans ce grand trou noir merdique et nauséabond ?

Tant que l’on n’eut pas fermé les souterrains, le risque est là, le vide, la dent sera là et l'œil toujours regardera ces culs nus, notre indigente humanité, là où même les rois sont seuls.

Quand je me fus assis sur le pot de faïence, dans l'ombre des toilettes et l’odeur des urines pour faire ma grande, je n’étais plus que moi. Je ne suis point Roland de Roncevaux ou un Baillard chevalier, sans peur et sans reproche, je ne suis qu’un braillard, un pisseur sans vaillance. Pourquoi l’effroi habite-t-il aussi ces lieux où l’on est souvent seul face à soi, dans toute sa pauvreté de chieur ?

Les cabinets de toilette et de psychologue ont tous deux ces points communs : les peurs, la phase anale, les conversations scatologiques, les fantasmes…,

Les vespasiennes disparaissent peut-être, mais les fantômes restent là ! Aujourd’hui on ne collecte plus l’urine pour les teinturiers comme dans la Rome antique, mais nos excréments portent en eux la taxe de la vie. Nous sommes des animaux chiant à souhait !

Avez-vous déjà expérimenté ces mictions calligraphiques sur la surface schisteuse des murs de toilettes de garçons ; avez-vous pu suivre d’un regard connaisseur ces ruissellements ocre jaune aux méandres des urines mêlées de senteurs nauséabondes ? Si oui, alors vous savez bien de quels écoulements de langage je parle, car il en est de même des logorrhées littéraires et des pisseurs d’antan.

L’un pisse plus fort, l’autre pisse plus haut, mais c’est toujours pareil ! C’est toujours comme il y a quarante ans. À côté du préau, à deux pas de la cour de récréation, les champions s’entrainent à des jeux olympe-pisses ;

- Qui a bien bu pissera plus fort !

L’eau de javel des toilettes au matin pique les yeux, elle réveille, elle aiguillonne les jeux de pissats victorieux, jeux de petits robinets flasques, mais agiles, jeux de lave-glace rigolos à pisser dans son froc, jeux de bijoux de famille que l’on expose au tir, de caleçons que l’on mouille par maladresse. Même que les surveillants quand il nous rappelle à l’ordre, pisse dans leur violon, mais d’autres nous laissent pisser en paix pour y jouer à la guerre.

Pissement et pincement de cœur, en se souvenant de ce temps-là, où du catéchisme à l’école la cour des garçons était murée aux filles.

Avez-vous remarqué comment ces jeux de pissoir et de pissotière, où les meilleurs gagnent toujours à pisser plus haut ou plus loin, se retrouvent étrangement dans la cour des Grands d’aujourd’hui, encore et toujours, dans tous les jeux religieux ou politiques, dans toutes les latrines d’académie ou de conservatoire ; du monde des arts au monde des hommes, nul n’échappe à ces jeux de pouvoir et de savoir faire ; car, là où je pisse haut ou plus loin que l’autre, je suis important !

(…)

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