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Poezii Românesti - Romanian Poetry

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Oraison (fragment)
prose [ ]
Récit d'une expérience transpersonnelle

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
par [Reumond ]

2011-02-06  |     | 



















ORAISON (n. f.) -Traité de Grammaire. Assemblage de mots qui forment un sens complet et qui sont construits suivant les règles grammaticales.
Les parties d'oraison ou de l'oraison sont les différentes espèces de mots.
-Il se disait autrefois d'un ouvrage d'éloquence composé pour être prononcé en public. L'exorde est une des parties de l'oraison.
Il n'est plus usité aujourd'hui qu'en parlant de certains discours prononcés à la louange des morts, particulièrement dans la chaire sacrée et qu'on nomme Oraisons funèbres. Les oraisons funèbres de Bossuet.

-Il se dit encore d'une Prière adressée à Dieu ou aux saints. Oraison mentale, jaculatoire. Une des prières de la messe se nomme oraison. L'oraison dominicale. L'antienne et l'oraison de la Vierge, de tel saint. Être en oraison. Se mettre en oraison. Livre d'oraison. Dans ces trois derniers cas, on dit plutôt aujourd'hui Prière.

-Il se dit enfin, en Langage mystique, des Communications de l'âme avec Dieu, sans entremise d'une formule de prières. Les états d'oraison. Faire oraison.

Synonymes de "oraison" : éloge, allocution, discours, harangue, adresse, laïus…,

(Définition du Dictionnaire de L'Académie française)


- Oraison (Alpes-de-Haute-Provence) est une commune française, située dans le département des Alpes-de-Haute-Provence en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Oraison (en provençal Aurasoun (Aurason). Ses habitants sont appelés les Oraisonnais.





Orémus…

On aurait pu, qui sait, y prononcer, la larme à l’œil, mon « Oraison funèbre », car les faits étaient graves, et mes obsèques « imminentes » ; mais les événements en ont décidé tout autrement !

Après avoir tutoyé la vie quelques années, et vouvoyé la mort durant un instant, en cette expérience intime et toute subjective des lieux interdits aux vivants, je suis revenu à vous, pour vous écrire quelques mots sur ce « passage initiatique ».

L’appel était puissant, mais les champs d’ailleurs ne voulaient pas me garder ; les places s’y font peut-être rares ou onéreuses ? Qui sait ! En tout cas, ces bordures ou lisières, ces extrémités de quelque chose comme les bords d’un rivage, la Durance par exemple, car l’Ora d’Oraison c’est un Horizon. Là où je me suis connecté aux Ailleurs comme un Arthur sur un rafiot ivre de vide, car ils sont inabordables les abords du grand large !

La « cause », ici encore, m'a fait « grâce », et la grâce m’a fait don d’une profusion d’images dès que je ferme les yeux. Depuis ce jour, les rêves et les métaphores sont pour moi comme des papillons effervescents, pareillement à des phosphènes de vers fluorescents.

Chamanisme ou voyance ? Plus besoin de croire ou de chercher, je vois ! Il ne me reste plus qu'à bien entendre derrière mes acouphènes et de comprendre… Plus besoin de croire, d’avoir la foi des navigateurs, des poètes et des mystiques, je discerne dans le vide les prés d’ailleurs et les coquelicots turgescents dans l’infini des champs quantiques.

C'est un présent bien particulier que tous ces films qui me passent par la tête ! Avec, en plus des images de fond, un bruit de fond, une musique permanente, comme un sifflement fatigants d’acouphènes qu’il me reste à régler et à décoder, comme sur une vieille TSF (Télévision Sans Frontière) pour mieux entendre l'invisible et discerner dans l’inaudible les « hirondelles d’Oraison ».

Alors, j’avale ma salive et je regarde en attendant !

(…)

Ce jour-là, en hommage ou en souvenir de ma noyade tombée à l’eau, on aurait peut-être pu parler de moi au passé, comme si je n’existais plus, ou comme si je n’avais jamais existé, ou si peu été en quelque sorte ; mais avec des si, si brutaux, on met Paris en piscine ou dans une bouteille de Klein !


L’heure était à autre chose ! Le temps était beau, en plein air les enfants s’éclaboussaient gaiement dans le bassin; le soleil comme une caresse de miel léchait les oliviers, et se coulant dans l’ombre des écorces cornées comme des idées noires, les cigales chantaient…

Tout l’été semblait pourvu de beaux projets, sous ce grand dôme serein, qui n’avait semble-t-il que du bleu dans la tête.

Pas le moindre panégyrique à l’horizon, pas de petit mot de regret dans la corbeille à papier des vacances.

Mort où sont tes seuils et tes seules limites ? Où est cette frontière, cet Ora d’Oraison, cet horizon interdit à tout retour ?

« Luminis orae »

Au-delà des régions de la lumière nécessaire à toute révélation comme à tout daguerréotype.
Ô raison déraisonnable,
Ô Mort, en ton souffle froid,
Liminal frisson,
Qui ride les eaux grises des bassins de la Terre,
Où te caches-tu ?

Et toi, "Ô raison" raisonnable,
De partir un jour,
Où donc te marges-tu ?

Toi qui dans mes souvenirs traces tes sillons (…)


Entre quelques privations, des douches froides, des claques saignantes comme des tranches de rosbif et de bifteck bien rouge, tu es la vie !

Dans l’envahissement des grands, les absences, les abus confondus pour l’enfant de douze ans que j’étais, que je suis…
Tu es l'avenir plus que le passé !

Hier, demain, c’est du pareil au sang et du sang pour les sens !

Je déteste ces nauséabondes odeurs de viandes à demi crues que l’on dit bonnes pour les enfants ; comme un vent repoussant, elles me suivent encore aujourd’hui, dès que l’on cuisine !

Les images me collent dans la rue, les souvenirs m’accompagnent…, comme des ombres dans l'ombre ...

Et l’on me dit « nostalgique » !

(...)

Qui l’eut cru ! Pour m’aérer, pour une soi-disant cause « sanitaire », toute pleine de sollicitudes barbares.
En un moite pèlerinage, je l’ai vu de mes propres vœux ce lieu du « Grand Passage », mais ce n’était qu’un baptême, comme un passage initiatique.

Oui, c’est juste et vrai, l’enfer des colonies de vacances est vraiment pavé de bonnes intentions et d’illusions tenaces …

Alors que parmi les responsables, certaines mères apeurées pleuraient à grands cris leurs enfants partis comme militaires en Algérie ; plus sensibles que d’autres, certains enfants dont j’étais, pleuraient chaque nuit leurs parents et la séparation, rêvant d’évasion pour retrouver le nid, la fratrie, les amis et leurs us et coutumes d’enfant.

Cet « Accident », en parler pour moi est une nécessité vitale ! C’est une sorte de « respiration », et d’expiration indispensable, d’exorcisme ou de catharsis, comme pour compenser un manque d’air et ces quelques minutes de coma, en ce vase communiquant entre l’imminence d’une pleine vie et l’échec d’un trépas.

Depuis ce jour, je mange l’eau comme d'autres sont priés de boire leur soupe ! Et je me désaltère d’images et de mots pour les dire...,

Mais retournons en arrière, remontons la rivière pour aller jusqu’à la Source de tous les non-dits …

C’est là un « droit du narrateur » , et replaçons-nous en l’année 1958
Et non pas en 1815 comme l’écrivait Victor Hugo, parlant de Waterloo.

Oui, c’est bien un privilège de narrateur, mais, comme la lune se fait un devoir de marée, c’est surtout pour moi un devoir paradoxal de narrer l’ineffable .

Retournons donc, en suivant le trajet du stylo-plume, en cette année 1958, ma douzième.

Nous étions à quelques kilomètres de la Durance, dans un petit village nommé Oraison. Oraison, ça ne peut s’inventer !

Pour orienter votre boussole, la commune d’Oraison se situe dans le département des Alpes-de-Haute-Provence. C’est en ce lieu idyllique, que la Croix-Rouge française, dans ces années cinquante, envoyait s’aérer des enfants qui avaient des difficultés respiratoires ou quelque problème de croissance ou de santé.

Les enfants au visage pâle, en manque d’air pur, pouvaient y passer quelques semaines ou quelques mois pour s'y laisser remplir de zéphyr, comme les bateaux à voiles sur la Durance, et souffler quelque peu, oubliant l’asthme et les angines, en ces lieux baptisés pompeusement « préventorium », « aérium » ou « maisons d’enfants », « centre aéré » ou même « colonies de vacances ».

Qu’importe le nom, après tant d’années, les Oraisonnais, habitants de ce petit village de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, ne savent toujours pas, que mes oreilles, cinquante ans plus tard en raisonnent encore, et que du fond de mes acouphènes il y a comme une forte réverbération d’oraisons.

Et ce n’est pas tout ! Les Oraisonnais ignorent aussi que depuis cet été 58 et mon accident de noyade, les images me harcèlent dès que j’ai les yeux fermés, comme celles qui hantent le shaman en transe, le charismatique en prière, le voyant, le poète, le prophète, le clown de Dieu ou le fou…

Ils ne savent toujours pas, qu’entre le laboratoire et l’oratoire, Oraison tiendrait tellement de place dans ma vie, que ma vie, tous horizons confondus, serait toute oraison.

Ce ne sont pas les 645 mètres d’altitude de ce lieu de vacances qui en font pour moi un « Haut-Lieu » personnel, intime et ultime, telle une sorte de montagne des béatitudes ; mais c'est cette expérience « limite » à la limite des choses de ce monde, qui aujourd'hui encore me poursuit de ses ailes d’encre.

À proximité d’Oraison, il y a les villages de « La Brillance » et de « Voix », qui après tant d’années ne viendront pas me démentir, eux qui, à quelques sauts d’anges de là, portent des noms si bien prédestinés aux expériences numineuses si chères à Gilberte, ma psychanalyste, et à son maître C.G. Jung.

(...)

Je n’ai pas vu de « tunnel lumineux », mais je ne vois que des couloirs , des corridors, des paliers et des portes récurrentes, sur des étages, comme des échelles angéliques, des étapes à franchir, des lieux de passage, des milieux frontaliers pareillement à toute topologie du corps, de l’âme et l’esprit.

Je n’ai pas vu de « lumière brillante », mais un épouvantable éclat, derrière une porte entrouverte sur un champ de bataille, où un vieil homme décampait vers je ne sais quel exil.

En dehors d’un grand « soulagement », je n’ai pas éprouvé une sensation de paix ou de bien-être, mais un véritable sentiment de libération !

Mes douze ans écoulés, comme des années coulées, ne suffisant probablement pas, au compteur des âges, je n’ai pas vu défiler ma vie, à toute vitesse comme au cinéma, en cette piscine de béton; mais j’ai vu mille vies qui n’étaient pas la mienne, en un souffle défait, au passé et à l’avenir, au cœur du cristal d’une eau bien agitée, comme un mistral passant en mille rêves récurrents.

Cette expérience d’une « pleine vie imminente » n’a nullement été pour moi comme une ascension dans l’empyrée de Dante et de Jérome Bosch, mais quelque chose d'autre, de plus paisible, comme un surgissement du réel dans ma vie d’enfant, une théophanie comme celle d’une présence numineuse, dans l’intériorité d’un ailleurs parallèle à ma propre existence.

Avec cette conscience nette que cette grande «Sphère céleste supérieure », ce ciel, ces cieux était tout en moi, et moi tout en lui, et tout en tout, tout autour de moi et entre nous, avec cette profonde conviction qu’il n’y avait pas d’autre ciel que cette bonne Terre, et que celui-là, était une pure intériorité, un espace comme un bonheur à réaliser ou à créer sans cesse !

Si le tunnel symbolise le passage, mon passage ressemblait plutôt à ces constructions pleines d’escaliers paradoxaux, et d’échelles de Jacob en perspectives étranges, en d’impossibles Mondes de l’envers et du travers, de l'antre et de l'entre-deux, miroir à l’infini de l’être, comme ceux dessinés par l’extraordinaire M.C. Escher, que je soupçonne même, entre deux marches ou deux eaux, avoir fait une expérience similaire !

Une expérience similaire, en ces lieux où le passé, le présent et l’avenir se croisent, où l’eau à la transparence d’un cristal limpide, c’est pourquoi je vous parle au présent de choses passées au passé simple, et au futur complexe des chemins toujours possibles des choses à venir.

Seules la vacuité et ses virtualités sont un cadeau inestimable !

L’impression de « déjà-vu » forme un tout, tout comme la nature est un seul bloc de conscience éternelle ; vous allez penser que je suis fou d’une folie poétique, que je suis étrange comme l’étranger de passage chez vous ; mais, peut-on encore parler de voyage intemporel, transpersonnel ou impersonnel, quand on reste sur place pour habiter le vide ; peut-on dire des souvenirs intemporels quand ces derniers semblent fixés dans la matière, comme une capacité discontinue d’être dans un même continuum ?

Ondulation dans les replis, corps plongé comme bâton dans l’eau, diffraction des électrons à travers la peau, tel un cristal, à même les nerfs, pour percer le voir et percevoir une sorte de main invisible, qui semble soulever un coin courbe du grand voile de la réflexion.

Peut-on encore discourir sur la complexité et la relativité complexe ou restreinte quand toutes les réalités vécues dépassent toutes les théories et toutes les fictions ?

Alice ou Orphée traversant le miroir, ça vous dit quelque chose ?

Et Jonas recraché par la baleine, Noé naviguant ou Moïse sauvés des eaux, Jésus recevant l’onction des mains du Baptiste, le malade plongé dans la piscine de Siloé, ou tel lépreux se lavant, dénudé, dans les eaux tièdes du Jourdain… Ça ne vous rappelle rien ?

En ces lieux étranges où être et avoir s’articulent, où l’impératif se fait vent, où le conditionnel eût été le temps d’un été, d’un rayon de soleil, l’instant étant, chaud et froid en même temps ; liquide avant que je fusse écrit dans l’arc du ciel et noué à l’arche des eaux, comme l’encre est au Bic, solide et liquide d’un passé antérieur intérieur et de mille plus-que-parfaits imparfaits puisque relatif !

Suis-je vapeurs ou simples gouttes d'eau ?

En cette expérience transpersonnelle, j’étais la menace et l’espace ouvert à d’autres solutions, j’étais l’épée de Damoclès et celle du gladiateur, le Rocher de Sisyphe et l’œil d’Étretat, moi, vous, lui…,

Je suis sur le lit de Procuste et celui de l’amant, écartelé entre le temps et l’espace ; j’éprouve l’Achéron dans sa crevasse des chairs ; la main sur le sein de ma mère, l’Arche de Noé et la barque de Charon, emportées l’une et l’autre en des eaux de traverse comme un « bateau ivre » de vide et de lumière.

Expérience numineuse, océanique, paroxystique comme on peut en vivre, par exemple dans une expérience mystique ou plus banalement, un jour de grâce ; ou dans un caisson d’isolation sensorielle; là où des sensations et des pensées sans nombre vous assaillent, corps et âme, pour réduire l'esprit le plus pur en pure intériorité.

Suis-je le filtre de l’eau, qui ne retient pas la mer, suis-je submergé au point de périr noyé ?

« Sois sans crainte ! » expriment les bulles, comment s’aventurer au-delà de l’ego sans prendre de risque ? À hue et à dia - positives d’images fulgurantes, panorama sans nom, sans forme, sans aucune dimension, ineffable voyage !

Ora , entre-deux, liminale zone de l’être et du non – être, naître au moment de franchir le seuil, mourir au bon moment pour naître de nouveau ici maintenant : quel achèvement pour ce voyage sans nom et sans itinéraire, quel dénouement que cette plongée dans l’ego pour mieux en sortir…

Pénétrer l’inconnaissance, entrer dans des états de conscience modifiée, acquérir une connaissance inaccessible auparavant, cela défie toute description !
C’est en même temps l’appréhension de la plus totale des totalités et le vécu d’une totale fragmentation au Chœur d’une cathédrale quantique.

C’est un sentiment universel de conscience cosmique et une expérience transcendantale, hors norme, et une expérience si profonde et si bouleversante qu’elle change toute la structure de votre être, en profondeur seulement !

C’est la preuve de l’épreuve, et Quasimodo venant de naître de cette démonstration ; j’étais l’ambroisie dans les veines du vent, le vent dans les voiles du temple.

J’étais le nectar distillé au fond des abysses ! Et Apollon lui-même, dans Tempé, me purifiant pour apaiser le courroux des divinités infernales, Roland sur le dos d’un Centaure, refaisant tout le voyage à rebours ; celui de toute la Création, Elphe, primate, faune, génie de la nature, avec les cheveux hirsutes du poète paumé entre le ciel et la terre, ses rêves et sa condition d’homo sapiens.

Spermatozoïde nageant contre le courant ; fluxions où nous sommes contradictions, où nous eûmes été fragmentés, si nous n’avions eu l’esprit qui apaise, alors qu’ergotaient les pulsations du temps aux tempes, entre l’espace – temps des pensées, et l’espace – temple des croyances, dans les effusions de l’Esprit et l’afflux du sang et de tous les reflux de la conscience.

Les écritures parlent fort, les mots se bousculent, collant aux maux, affolant, le mythe afflue dans l’affluent des encres, comme des torrents de peinture dans les rigoles de nos méninges ; raz de marée à ras le corps dans un océan de symboles moites ; la vague roule la chair qui percute la jetée ; regard ahuri à fleur de plage. Même les rochers s’y annoncent dangereux pour qui veut s’incarner à grands coups de crayons.


De coup de crayons en tracé d’encre, en dehors des lapins eux-mêmes, qui ne connaît l’expression du « Coup du lapin », ou celle plus subtile de « coup du sort », ces locutions populaires ont la dent aussi longue que les oreilles, pour mordre la vie à pleins crocs et écouter les échos et le glouglou du verbe, nous parlant, à travers la mise à mort de ces pauvres petits lapins blancs ou noirs si chers à Charles, alias Lewis Carroll…,

Cases noires et blanches, sur l’échiquier des meurtrissures ; au jardin des délices, des délires et des supplices, comme les mots, l’encre est une eau plus noire qui limpide !

Le lièvre souffre et le tort tue, c’est bien connu des prophètes de malheur et des diseurs de bonne aventure, l’histoire se répète seconde après seconde… Oui, le coup du lapin est si vite arrivé, qu’il vaut mieux se méfier des Ora, des bordures de trottoir ou de piscine, surtout quand elles sont de béton, aussi solide que des idées fixes !

D’où ces migraines lancinantes, ces vertiges, ces vrombissements et vomissements multiples … Tous les ingrédients étaient là ! Tout aurait pu faire penser à un traumatisme crânien, ou a un voyage dans l’espace-temps ! Mais…

Durant les jours qui suivirent l’accident, les symptômes perdurèrent comme s’éternise le chagrin dans le cœur d’un enfant.

Un être sensé aurait pu pressentir quelque chose, mais personne ici, ne semblait avoir suspecté la moindre gravité, comme une petite lésion de l’être par exemple, à tel point qu’avec le recul des ans, après un demi-siècle de réflexion, j’aurais envie de leur décerner à tous, parents, médecins et ami(e)s sans exception, la légion du déni !


Si je tiens à « mémorialiser » cet événement fondateur, vous livrant mon rachis cervical comme on offre un Oscar de cristal, c’est pour mieux souligner, encore et toujours, qu’au-delà du rideau liquide des apparences, il y a toujours quelque part un au-delà fluide à tout; et qu’au-delà des irresponsabilités réelles il y a toujours une réelle grâce à recevoir.

Pourtant, une lésion de ce type est toujours suspectée et respectée, lorsque la noyade est consécutive à un traumatisme direct, celui d’un coup porté sur la nuque par le rebord saillant d’une piscine bétonnée.

Choc du lapin, choc des mots et des images…, en dehors de l’anecdote de l’accident purement physique, tout est choc !

Il peut aussi se produire des fractures de l’âme !
Des coups de cœur, de foudre …, comme des coups de cravache, de martinet ou des coups du sort, des télescopages entre le ciel et la terre, l’ovulé et l’ovulant, l’intériorité profonde et l’extérieur banal et quotidien.

C’est le plus terrible et le plus beau jour de ma vie !

Les molécules d’H2O à 70 pour cent de mon être, fusionnent comme une encre avec la page blanche, je suffoque et je respire pleinement…

Je suis contradiction liquide et évidence évidée, mort et vivant, tout à la fois, mort de froid et tué par une fièvre plus profonde et chaude que les laves du volcan.

L’encre qui s’écrit comme l’eau semblait, semble, semblera, vouloir retourner à sa Source, à s’évaporer pour retomber en cascades, pour chanter l’hydrogène qui la compose et l’oxygène qui lui donne la vie afin de célébrer le Verbe fait encre comme un ancrage dans notre monde.

Tout semble marcher en arrière, tout semble tourner dans ma tête ; en avant la musique qui égrène ses notes atomiques, sur le tapis rouge des multiples apesanteurs de l’âme et de l’esprit.

Suis-je l’écran crispé dans ses propres fibres ?
Suis-je l’image trouble sur l’écran voilé ?
Suis-je à l’envers d’un écran ou d’un champ énergétique ?
Comme un spectateur étonné mangeant dans son cornet de mots frits, ou l’explorateur acteur intrépide de sa propre vie ?


Cascadeur, funambule et poète ?
Car seules les métaphores et les analogies, seuls les mythes et les symboles sont « capax dei », c’est-à-dire capable de dire ou de décrire ces instants numineux comme des surgissements du réel, ces sentiments océaniques qui sont comme de véritables théophanies.


Qui suis-je pour nommer les choses sans vergogne ?
Suis-je le tesson d’une pensée encore humide,
d’un dieu frissonnant, comme des bouchons de pensées dispersées à la surface de l’eau ; radeau ricochant, rebondissant sur mes propres humeurs , d’endorphines en larmes, de bon en bon et de récits en récif ?

Lorsque je me dirais « trois », alors je me réveillerais, ailleurs peut-être ou ici devant ma feuille, inversant le mouvement des horloges et des boussoles, des deus ex machina et des machines à écrire…

Chaque bulle d’air comme chaque atome contient un message qui m’est destiné !

Alors, lorsque je me dirais « trois », je saurais où et qui je suis, où je suis et qui j’étais en cet été lourd de mémoire acide.

Alors, peut-être que je m’éveillerais frais et dispos, comme un bourgeon au printemps, plein de projets d’avenir et de folies dans toutes mes tiges.

Fleurir à même ce clavier qui est plongé sous l’eau, avec des touches qui ne veulent plus écrire qu’un mot, formant dans le silence océanique, l’une après l’autre, le mot « mors » ou « srom », quelque chose comme « ça » qui vous donne à sromer ou à morser dans tous les sens, d’impossibles conjugaisons de l’être.

Morsé, sromé ou pas, de quelle réalité ou de quelle morsure suis-je la trace ?

Dans quelle mesure, suis-je le fruit de mes choix de vie et d’avenir, ou l’ensemble de mes possibles choix ? Les choix ont-ils été faits, les cartes tirées, l’arbre scié, la piscine vidée, la parole écrite…

Ou bien, dans ces futurs possibles, les choix restent-ils à faire ou à défaire comme ces nœuds de lacets ou d’équations complexes que je ne parviens pas toujours à faire ou à défaire ?

Depuis, il y a comme d’autres gens en moi, et d’autres moi en l’autre ; pourquoi y a-t-il tant d’encre dans l’eau et tant d’eau dans l’encre pour écrire comme on respire ?

Si Plash et plouf, tombent dans l’eau, qu'est-ce qui reste ?

Compter jusqu’à « trois », ouvrir les yeux, et me pincer…
Mais rien ne suffira, semble-t-il, à faire revenir à moi l’indicible présence !

Plash ou plouc tombent dans l’eau, que devient l’autre ?

Qui reste là, les bras en croix, l’œil hagard …Quand la personne devient personne, que reste-t-il quand le « moi-je » ou « le fameux Soi » se dissolvent dans l’eau ou dans le vide ?

Dans les reflets dans l’eau ou dans mes propres réflexions, je me souviens de ce film avec Jean Marais et François Perrier, et en particulier de cet épisode d’Orphée traversant le miroir de mercure, pour rejoindre l’amour de sa vie, Eurydice.

Plash Flash…, je me souviens comme on retient son souffle, mes acouphènes sont-ils le chant des Sirènes dans le champ des ondes ou dans messages d’anges dans le champ quantique ?

Œil pour eau, de visions fluides comme des rêves, sous le vol bleuté et agile des libellules et le son agaçant des moustiques ; je me voyais comme la plume au bout de son manche se voit, dans un mouvement qui toujours la dépasse …

Écriture automatique, celle de l’âme qui veut se survivre, écrire le récit de sa vie, tendre vers plus de transparence, mais l’eau est trop froide et l’air trop chaud pour garder en mémoire mes vœux les plus chers.

J’étais têtard tétanisé, grenouille en pleine métamorphose, bulles d’eau remontant à la surface, méthane, plein d’images comme des écrans de ciné ; têtards, tritons, salamandres, phosphènes, escargots aquatiques, bêtes microscopiques, atome… Comme tous ces mystères qu'on ne voit pas à l'œil nu.

Tout me ramène à Clichy-sous-Bois, où bien des années en arrière, le petit garçon passait son temps à jouer le « je » pour tisser et lier les heures et les contacts, polissonnant chemin faisant, dans les rues et les ruisseaux, mi-galopin des villes, mi-garnement des bois comme des champs, espiègle à gogo, inconscient des dangers, innocent et pur comme le filet de la source miraculeuse de Notre-Dame-des-Anges.


Dehors, dedans…, au purgatoire des cités, les enfants de la banlieue tuent et tètent la mort, pour clamer et blâmer la vie et leur besoin profond de reconnaissance !

Où est ce temps où l’on se baignait les pieds nus dans les trous de bombes, cherchant quelques éclats et douilles imaginaires dans ces réceptacles malodorants de nos rêves d’enfant ?

En bande, dans la forêt de Bondy, aux plus creux des cuvettes vaseuses des dits « trous de bombes », nous allions à la rencontre des salamandres et autres batraciens. Même, qu’on cachait nos vélos, nos bêtises et nos mensonges aux parents, sous des amas de branches, de feuilles et de tout un tas de prétextes bidon, afin de pouvoir librement pêcher l’épinoche, ramasser quelques têtards qui nous ressemblaient comme deux flagelles s’apparentent !


Clichy-sous-Bois, le long de la Dhuis, c'était le bon temps ; celui des cabanes dans les bois et les terrains vagues ; le temps de la glaise qui vous colle aux pieds ; des excursions dans les carrières abandonnées ; des après-midi au cinoche Le Jean Bart; les batailles dans les fougères ; des arcs de sureau ; des touche-pipi et celui des écorchures de guerre des boutons ...

C’était le bon temps, avant mai 1968, une période d’innocence où l’on ne voulait pas encore changer le monde, car en nos jeux nous étions le monde, et les plus fous d’entre nous étaient des ânes et des clowns pour la plus grande joie pour Dieu et de Notre-Dame-des-Anges.

« Reviens, respire, et surtout ne t’endors pas ! »

Narkê, le sommeil, déjà tirait la couverture à lui, mais la couverture tenait bon entre les mains de quelques veilleurs.

Allongé dans les herbes brûlées par le soleil, je suis là, le haut du dos contre un arbre, et « je reviens à moi » comme on dit ; mais qui était vraiment ce nouveau moi revenu ?

Je respirais, j’ouvrais les yeux, mais tout en lui voulait prolonger cet état de torpeur, afin de s’endormir ou de s’évader de nouveau, comme pour repartir ailleurs au son des cigales et les cris d’enfants.

L’air de Provence, et les odeurs de thym et de lavande, de romarin et de serpolet me manquent amèrement !

Régulièrement, j’aime me rendre près des fleuves, des étangs et des sources pour y retrouver un morceau de cette expérience et de ces images et impressions perdues, ou tout au moins pour y entrevoir quelque fragment de cette ressemblance oubliée dans les eaux tourmentées d’Oraison.

Mais point d’image qui puisse me satisfaire, nulle réminiscence proustienne… Seuls les marécages de l'Être, les eaux amères et boueuses me rappellent mes visions, tout le chemin parcouru et toute la route qui me reste à faire !

(…)

Extrait de « Oraison », récit d’une expérience transpersonnelle.




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