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Poezii Rom�nesti - Romanian Poetry

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La peau de chagrin
prose [ ]

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par [Honoré_de_Balzac ]

2010-10-17  |     |  Inscrit à la bibliotèque par Dolcu Emilia



XIIb

- Mai résumons cette large vue de la civilisation!... disait le savant qui, pour l’instruction du sculpteur inattentif, avait entrepris une discussion sur le commencement des sociétés et sur les peuples autochtones. À l’origine des nations la force fut en quelque sorte matérielle, une, grossière… Puis, avec l’accroissement des aggrégations, les gouvernements ont procédé par des décompositions plus ou moins habiles du pouvoir primitif. Ainsi, dans la haute antiquité, la force était dans la théocratie. Le prêtre tenait le glaive et l’encensoir. Plus tard, il y eut deux sacerdoces, le pontife et le roi. Aujourd’hui, notre société, dernier terme de la civilisation, a distribué la puissance selon le nombre des combinaisons; et nous sommes arrivés aux forces nomméés: industrie, pensée, argent, parole… Alors le pouvoir n’ayant plus d’unité, marcha sans cesse vers une dissolution sociale qui n’a plus d’autre barrière que l’intérêt. Aussi, nous ne nous appuyons ni sur la religion, ni sur la force matérielle, mais sur l’intelligence… Le livre vaut-il le glaive, la discussion vaut-elle l’action?... Voilà le problème…
- - L’intelligence a tout tué!... s’écria le carliste. Allez! La liberté absolue mène les nations au suicide. – Elles s’ennuient dans le triomphe, comme un Anglais millionnaire. – Que nous direz-vous de neuf?... Aujourd’hui vous avez ridiculisé tous les pouvoirs, et c’est même chose vulgaire que de nier Dieu! Vous avez plus de croyance. Aussi le siècle est-il comme un vieux sultan perdu de débauche! Enfin, votre lord Byron, en dernier désespoir de poésie, a chanté les passions du crime!...
- Savez-vous, lui répondit un médecin complètement ivre, qu’à peine y a-t-il une membrane de différence entre un homme de génie et un grand criminel?...
- Peut-on traiter ainsi la vertu! S’écria le vaudevilliste. La vertu, sujet de toutes les pièces de théâtre, dénouement de tous les drames, base de tous les tribunaux!...
- Hé! tais-toi donc, animal!... Ta vertu c’est Achille sans salon!...
- À boire!...
- Veux-tu parier que je bois une bouteille de Champagne d’un seul trait.
- Quel trait d’esprit!... s’écria le caricaturiste.
- Ils sont griș comme des charretiers…. dit un jeune homme qui donnait sérieusement à boire à son gilet.
- Oui, Monsieur, le gouvernement actuel est l’art de faire régner l’opinion publique?...
- L’opinion, mais c’est la plus vicieuse de toutes les prostituées…. À vous entendre, homme de morale et de politique, il faudrait sans cesse préférer vos lois à la nature, l’opinion à la conscience… Allez, tout est vrai, tout est faux! Si la société nous a donnés le duvet des oreillers, elle a certes compensé le bienfait par la goutte, comme elle a mis la procédure pour tempérer la justice, et les rhumes à las suite des cachemires…
- Monstre!... dit Émile en interrompant le misanthrope, comment peux-tu médire de la civilisation en présence de tant de vins, de mets, et à table jusqu’au menton!... Mords ce cheuvreuil aux pieds et aux cornes dorés; mais ne mords pas ta mère!...
- Est-ce ma faute à moi, si le catholicisme arrive à mettre un million de dieux dans un sac de farine, si la république aboutit toujours à quelque Robespierre, si la royauté se trouve entre l’assassinat de Henri IV et le jugement de Louis XVI… si le libéralisme devient Lafayette?...
- L’avez-vous embrassé?...
- Non.
- Alors taisez-vous, sceptique!...
- Les sceptiques sont les hommes les plus consciencieux.
- Ils n’ont pas de conscience.
- Que dites-vous?....Ils en ont au moins deux!...
- Escompter le ciel!... Monsieur, voilà une idée vraiment commerciale. Les religions antiques n’étaient qu’un heureux développement du plaisir physique; mais nous autres, nous avons développé l’âme et l’espérance. Il y a eu progrès…
- Hé, mes bons amis, que pouvez-vous attendre d’un siècle repu de politique?...Quel a été le sort de Smarra?... La plus ravissante conception…
- Smarra!... cria le jugeur d’un bout de la table à l’autre. – Ce sont les phrases tirées au hasard dans un chapeau!... Véritable ouvrage écrit pour Charenton!...
- Vous êtes un sot!...
- Vous êtes un drôle…
- Oh!oh!...
- Ah!ah!...
- À demain… monsieur!...
- À l’instant!... répondit le poète…
- Allons!... allons vous êtes deux braves…
- Ils ne peuvent seulement pas se mettre debout!...
- Ah! je ne me tiens pas droit peut-être? reprit le belliqueux auteur en se dressant comme un cerf-volant indécis…
- Il jeta sur la table un regard hébété. Puis comme exténué par cet effort, il retomba sur sa chaise, pencha la tête et resta muet.
- Ne serait-il pas plaisant!... dit le jugeur à son voisin, de me battre pour un ouvrage que je n’ai jamais vu ni lu?...
- Eugène, prends garde à ton habit! Ton voisin pâlit…
- Kant!... Encore un ballon lancé pour amuser les niais! Le matérialisme et le spiritualisme sont deux jolies raquettes avec lesquelles les charlatans en robe font aller le même volant. Que Dieu soit en tout, selon Spinoza, ou que tout vienne de Dieu selon sait-Paul… Imbéciles!... Ouvrir ou fermer une porte… Est-ce le même mouvement? L’œuf vient-il de la poule ou la poule de l’œuf?... – Passez-moi du canard! – Voilà toute la science!...
- Nigaud!...lui cria le savant, la qustion que tu poses est tranchée par un fait.
- Et lequel?
- Les chaires de professeurs n’ont pas été faites pour la philosophie, mais bien la philosophie pour les chaires?... Mets des lunettes et lis le budget…
- Voleurs!…
- Imbéciles!…
- Fripons!...
- Dupes!...
- Où trouverons-nous ailleurs qu’à Paris un échange aussi vif, aussi rapide entre les pensées?...s’écria le plus spirituel des artistes en prenant une voix de basse-taille.
- Allons, Henri!... quelque farce classique!... Voyons, une charge!...
- Voulez-vous que je vous fasse le dix-neuvième siècle?...
- Écoutez!...
- Silence!...
- Mettez les sourdines à vos muffles!...
- Te tairas-tu chinois!...
- Donnez-lui du vin et qu’il se taise, cet enfant!...
- À toi, Henri!...
L’artiste boutonna son habit jusqu’au col, mit ses gants jaunes et se grima de manière à singer le Globe; mais, le bruit couvrant sa voix, il fut impossible de saisir un seul mot de sa spirituelle moquerie; et alors, s’il ne représenta pas le siècle, au moins représenta-t-il le journal… car – il ne s’entendit pas lui-même.
Le dessert se trouva servi comme par enchantement. La table était couverte d’un admirable surtout en bronze doré sorti des ateliers de Thomire. De ravissantes figures, douées par un célèbre artiste des formes prestigieueses de la beauté idéale, soutenaient et portaient des buissons de fraises, des ananas, des dattes fraîches, des raisons jaunes, de blondes pêches, des oranges arrivées de Sétubal par un paquebot, des grenades, des fruits de la Chine, enfin toutes les surprises du luxe, les miracles du petit four, les délicatesses les plus friandes, les friandises les plus séductrices. Les couleurs de ces tableaux gastronomiques étaient rehaussées par l’éclat de la porcelaine, par des lignes étincelantes d’or, par les découpures des vases. Gracieuse comme les liquides franges de l’océan, verte et légère, la mousse coronnait les paysages de Poussin, copiés à Sèvres… le budget d’un prince allemand n’aurait pas payé cette richesse insolente.
L’argent, la nacre, l’or, les cristaux, étaient de nouveau prodigués sous de nouvelles formes; mais les yeux engourdis et la verbeuse fièvre de l’ivresse permirent à peine aux convives d’avoir une intuition vague de cette féerie digne d’un conte oriental.
Les vins de dessert apportèrent leurs parfums et leurs flammes, philtres puissants, vapeurs enchanteresses, qui engendrent une espèce de mirage intellectuel, et dont les liens puissants enchaînent les pieds, alourdissent les mains…
Les pyramides de fruits furent pillées, les voix grossirent, le tumulte grandit. Alors il n’y eut plus de paroles distinctes. Les verres volaient en éclat, et des rires atroces partaient comme des fusées.
Un vaudevilliste saisit un cor et se mit à sonner une fanfare. Ce fut comme un signal donné par le diable. Cette assemblée en délire hurla, siffla, chanta, cria, rugit, gronda.
Vous eussiez rougi de voir les gens naturellement gais devenir sombres comme les dénouements de Crébillon, ou rêveurs comme des marins en voiture. Les hommes fins disaient leurs secrets à des curieux, qui n’écoutaient pas. Les mélancoliques souriaient comme des danseuses qui achèvent leurs pirouettes. Un journaliste se dandinait à la manière des ours en cage… Des amis intimes se battaient. Les ressemblances animales inscrites sur les figures humaines et si curieusement démontrées par les physiologistes, reparaissaient vaguement dans les gestes, dans les habitudes du corps… Il y avait un livre tout fait pour quelque Bichat qui se serait trouvé là, froid et à jeun.
Le maître du logis, se sentant ivre et n’osant se lever, approuvait les extravagances de ses convives par une grimace fixe, et tâchait de conserver un air décent et hospitalier. Sa large figure, devenue rouge et bleue, presque violacée, terrible à voir, s’associait au mouvement général par des efforts semblables au roulis et au tangage d’un brick.
- Les avez-vous assassinés?... lui demanda Émile.
- La confiscation et la peine de mort sont abolies… répondit le banquier.
Puis il se prit à rire en haussant les sourcils d’un air tout à la fois plein de finesse et de bêtise.
- Mais ne les voyez-vous pas quelquefois en songe?... reprit Raphaël.
- Il y a prescriptio!... dit le meurtrier plein d’or.
- Et sur sa tombe!... s’écria Émile d’un ton sardonique, l’entrepreneur du cimetière gravera: Passans, accordez une larme à sa mémoire!...
- Oh! reprit-il, je donnerai bien cent au mathématicien qui me démontrerait par une équation algébrique l’existence de l’enfer!...
Il jeta une pièce dans l’air.
- Face pour Dieu!...
- Ne regarde pas!...cria Raphaël en saisissant la pièce. Que sait-on ? le hasard est si plaisant!
- Hélas!... reprit Émile d’un air tristement bouffon, je ne vois pas où poser les pieds entre la géométrie de l’incrédule et le pater noster du pape. – Buvons!... Trinc! est, je crois, l’oracle de la dive bouteille et sert de conclusion à Pantagruel!...
- Nous devons au pater noster, répondit Raphaël , nos arts, nos monuments, nos sciences, peut-être; et, bienfait plus grand encore, nos gouvernements modernes, dans lesquels une société vaste et féconde est merveilleusement représentée par cinq cents intelligences, où les forces opposées les unes aux autres, se neutralisent en laissant tout pouvoir à la CIVILISATION, reine gigantesque qui remplace le ROI… cette ancienne et terrible figure, espèce de faux destin créé par l’homme entre le ciel et lui… En présence de tant d’œuvres accomplies, l’athéisme apparaît comme un squelette qui n’engendre pas!... Qu’en dis-tu?...
- Je songe aux flots de sang répandus par le catholicisme!... dit froidement Émile. Il a pris nos veines et nos cœurs pour faire une contrefaçon du déluge. – Mais n’importe!... Tout homme qui pense doit marcher sous la bannière du Christ!... Lui seul a consacré le triomphe de l’esprit sur la matière; lui seul nous a puissammment révélé le monde intermédiaire qui nous sépare de Dieu!...
- Bah! reprit-il en jetant à Raphaël un indéfinissable sourire d’ivresse, pour ne pas nous compromettre, portons le fameux toast:
- Diis ignotis!...
- Et ils vidèrent leurs calices de science, de gaz carbonique, de parfums, de poésie et d’incrédulité.

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