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Poezii Românesti - Romanian Poetry

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Papier cru
prose [ ]
Je vous l’écris tout cru, tout fou, foi de papier mâché ! Croire, croire le papier comme on croit entendre ou percevoir la voie de l’infinie au creux d’un coquillage.

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par [Reumond ]

2010-06-14  |     | 



Préalable

À en croire le papier, la pesanteur existe afin que l'homme ne puisse écrire plus haut que sa main ! Ainsi, toute écriture est une traversée des lois naturelles, un vol et même trop souvent un viol de l’espace-temps ; un essor plus ou moins lyrique, pour tendre, semble-t-il, de moins de nature vers toujours plus de Culture.

À en croire les falaises de rames, tout écrit est un cri hors marges ; de plage en page : un écho, et de large en long : un horizon ; un état limite toujours, où gués, marches, seuils, porteplumes …, tels des chemins de traverse, et selon la langue et le sens, garde-fous qui sont là pour guider la main, qui sinon se perdrait de néant.

Sentez-vous « libre » face au papier – laissez le mouvement devenir rythme léger !

Le stylet quant à lui, sait de fine pointe de traverse, le sens secret de l’écrit, et verse ainsi son encre aux sillons des rides - l’encre comme le sang ne remontant jamais le courant !

Pour qu’en bas de plage, au sable encore chaud des passages, chaque signature dise la présence de la griffe qui mendie la peau vierge, et la trace de l'homme toujours en quête de graphes nouveaux. Ici, maintenant, les papiers crus savent se faire « accueil », buvards d’amour, absorbant le don sans réserve pour se donner à fond.




PAPIER CRU


Même si notre passé toujours nous rattrape, il nous faut courir « plus mieux », feindre de ne pas nous laisser distancer, en tirant la ligne plutôt que la langue ; traçant le mot au lieu de faire les sots,

« Faire le saut » ? Oui ! Avec cette délectation de la plume, qui passe

À la ligne.

Je vous l’écris tout cru, tout fou, foi de papier mâché ! Croire, croire le papier comme on croit entendre ou percevoir la voie de l’infinie au creux d’un coquillage ; comme on croit voir la lumière éternelle dans les yeux d’un petit enfant.

Croire très fort, plus que tout au monde, croire le papier cru comme on croit ouïr dans la voix des vents l’aile froissée des grands moulins à mots.

Croire de la croyance nue et fraîche d’un beau matin embaumé par une présence muette; croire d’un crû, participe en passé en présent et en venir, d’un croître, du bon sens premier, celui du cru de la crudité même de l’existence, et celui même de la vie surnaturelle.

Cru, participe passé, présent pour advenir d’un croire plus fort que nature, plus énervé que culture, comme une rature éternelle, celle qui dépasse la blessure pour voler l’interligne, excluant la distance et la captation de tous les lieux fermés à la grâce.

Papier cru, pour croire à la page blanche de l’homme possible de toutes les possibilités de l’écrit.

Ne peut-on contempler l’origine de la feuille ou bien celle de la peau, comme on contemple le silence ? En étant dans cette espèce d’état premier, neutre, immobile, modifié d’inconscience, ou le vide engendre le vide, inerte, où rien ne se passe, ou tout se passe de tout..., jusqu’à ce qu’il y ait ce premier cri, cette première petite ligne noire, qui, un de ces quatre matins se fait jouir, se fait jour dehors, et chair dedans.

Jusqu’à ce qu’il y ait cette première petite ride, qui perle crue quelque part entre le ciel et la terre, et qui se déploie, de long en large, afin que vienne le verbe, pour mettre le feu aux lettres, et mettre tout en mouvement.

Passage, Pâques dans la pâte à papier et Pentecôte en même temps, dans le même espace, pour mettre tout en traits , donnant le feu vert au feu rouge, dans le branle-bas calligraphique des jeux d’encres, des mécaniques des fluides, des porteplumes, et de ces points qui assurent à la virgule, au trait d’union, un doux moment de repos aux âmes fatiguées, sur le grand reposoir des lignes encore vierges de tout.

(...)

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