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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-06-01 | | Le rapide de Bucarest est passé à grande vitesse ; il n’arrête jamais dans ce village insignifiant, perdu parmi les champs. La gare était vide. Sur le quai il n’y avait personne. Ayant continuellement peur d’être impliqué dans l’accident de train qu’il croyait avoir provoqué, Jean s’enfuit. Il rentra tout droit chez lui, en pensant que si la mendiante ivrogne avait été tuée, il ne serait pas coupable, pas du tout. Il lui a crié d’éviter le train. La voleuse lui avait bel et bien pris et le fichu qu’il l’avait trouvé sur le perron de la gare. Il est vrai, que c’était un châle également perdu par quelqu’un. Il faisait déjà nuit. Serrant de toutes ses forces une bouteille de vodka sur se bras déjà engourdi d’effort, la main cramponnée au goulot, une femme courait dans le champ. Elle ne savait pas que la morte soit passée tout prés d’elle. À chaque pas le liquide se balançait. Les pas d’Eva se balançaient aussi, s’embarrassant des sillons de la terre ; ils allaient vers l’endroit où se trouver le bord du village. Les yeux d’Eva ne scrutaient pas dans cette direction, ils regardaient en bas. Ses pieds se trébuchaient sur des mottes de terre qui sautaient et se brisaient. Et la boule de sa poitrine sautait, mais elle ne se cassait pas encore. Son cœur voulait s’échapper d’entre les barreaux des côtes et s’enfuir. Pourquoi s’était-elle retournée ici ? Elle-même ne pouvait pas comprendre. Parce qu’elle est idiote, bien sûr ; le seul motif pour lequel on pouvait expliquer cet errance absurde, initialement sans but précis, mais qui, finalement, se terminait ici. Probablement qu’elle était ivre morte, parce qu’elle a couru directement chez Jean. Que croyait-elle donc qu’on arrive ? Qu’il lui donne des fleurs en disant : Bienvenue, je t’attendais ? Oh mon Dieu comme elle a été bête! Jean, le seul souvenir de sa vie, clair comme de l’armagnac. La seule image qui ne disparaissait pas, indifférent de la quantité de vodka qu’elle ingurgitait. Son refuge c’était sa bouteille. Buvant elle se sentait mieux. Tous ses problèmes se dissolvaient toujours dans un vertige agréable suivi d’un sommeil profond et sans aucun souci. Combien de fois la Terre avait-elle tourné après son départ d’ici ? Qui pourrait le savoir ? La terre tournait toujours trop vite et elle s’enfuyait sous ses pieds quand elle buvait beaucoup et ça se passait quotidienne. En haut, la Lune était suspendue aux étoiles. En bas, le champ n’avait pas à quoi s’agrafer; peut être juste à la nuit. Eva s’arrêta là où se trouvait autrefois la tranchée du village; il n’y avait plus maintenant que deux berges effacées. L’herbe était sèche; les fruits des chardons mûrs tout jaunes ricanaient, mêlés aux buissons hirsutes. Ils avaient aussi des épines où se cramponner; s’il n’y avait rien, ils s’agrippaient au vent. L’esprit d’Eva, lui, s’accrochait au passé, des temps peuplés de morts ; les uns véritables, les autres en attente, mais qui ne l'habitaient pas. Le vent secouant les vapeurs d’alcool, il chassait le sommeil d’Eva. C’est ici… se dit Eva. Ici on se trouvait la hutte de la Vieille, un peu plus loin la chaumière de la mère Tina. Il n’est resté rien en dehors des chardons. Toujours les chardons avaient été la. Eva tenait le châle à demi froissé dans sa main droite. En le regardant elle comprit qu’il s’agit de son ancien écharpe qu’elle l’avait perdu parmi les feuilles sèches de cet arbre-là étrange, dans le vieux parc situé très loin dans l’espace, très loin dans le temps, dans sa jeunesse. Une adolescence dont il lui semblait qu’elle n’ait jamais existé. Elle serrait les franges entremêlées entre ses doigts. Son esprit nettoyé des vapeurs de boisson a saisi, enfin, que Jean lui avait crié à la gare. Jean ne l’a pas reconnue quand elle frappa à la porte. Il ne l’a pas laissée au moins de lui parler. Il l’a chassée menaçant avec ses deux gros chiens de garde qui aboyaient au-delà de la clôture de sa cour: - Va t-en d’ici sale mendiante! Pourquoi es-tu venue là ? Va t-en sinon je lâche mes chiens sur toi ! Ici, ce n’est pas un asile pour les pauvres. C’est ainsi qu’il lui a parlé. Eva mit son visage dans le châle et pleura. Elle-même ne comprenait pas comment elle s’est mise à pleurer pour de vrai ! Depuis longtemps ses larmes ne servaient que par complaisance, pour provoquer la pitié et obtenir des avantages. Ses larmes en mouillant le tissu réactivaient de vieilles odeurs : parfums des fleurs d’acacia mais aussi des effluves aigus d’alcool, de la fumée de cigarette et de mauvaises herbes. Eva se réveillait. De quoi se souvenait-elle? Du vertige qui s’était installé dans sa tête, en voyant les lumières de la ville ; c’est magnifique ville. Elle a eu l’impression d’être arrivée au paradis. Un paradis noir, bruyant, mais scintillant. Elle n’avait rien aperçu d’autre en dehors de la nuit, tout le temps qu’elle était restée là -bas. Seul à son départ dans un jour ensoleillé, elle regarda l’aéroport. Jusque-là , l’a rendue un fourgon de police, sans fenêtres. Ni même la chambre ou l’était tenue enfermé madame Claude, il n’y avait pas. Quel âge a eu-t-elle quand était arrivée là ? Peut être quatorze ans, ou pas tout a fait. Les dents luisantes de madame Claude repoussaient ses grosses lèvres siliconées. Madame Claude riait. Sa bouche souriante était comme une tranche de melon rouge avec des semences blanches. Elle éclatait de rire à l’oreille d’un monsieur assez mûr, en parlant d’Eva : - Comme elle est mignonne, cette petite roumaine! Elle est très jeune. La plus jeune parmi toutes mes filles. Les yeux du monsieur luisaient comme une flamme de briquet, ils tournaient en rond et s’élançaient, gourmands, sur le décolleté d’Eva puis plus bas, de plus en plus bas. - Oui, oui… confirmait le menton du monsieur, comme une assiette ébréché, et son nez se poussait vers l’avant. Sa langue crachait de la salive. Madame Claude n’était pas française, mais madame Claude avait des papiers. Eva n’avait pas. Elle était rien qu’une bonne affaire, qui devait être cachée aux yeux vigilants de la police qui farfouillaient partout. Séquestrée dans une chambre au sous-sol, où ils n’y existaient pas des ouvertures, elle n’a pas vu le soleil. Seule une lumière rougeâtre s’écoulait par le plafond sur le rouge de la literie. Des miroirs noirs bâillaient aux murs. Comment était-elle arrivée là ? Elle essaie de se souvenir. Elle pleurait et essuya ses larmes avec ses mains qui se mouillèrent; la terre sèche et poussiéreuse, collée des ceux, noircit son visage. La nuit opprimait son cœur, essayant de le sortir hors de sa poitrine ; ses côtes à nouveau l’en empêchent. Où pourrait-il aller maintenant ? Eva retira le bouchon du flacon de boisson. Sa main tremblait et la bouteille aussi. Elle la porta à sa bouche et but. Elle n’avait pas besoin d’avaler ; la vodka se débrouillait seule, elle connaissait bien la route. Eva s’allongea par terre. La Lune la couvrit de l’ombre d’un buisson de chardon. Elle n’était plus là ; la terre ronflait en sourdine. Dans son sommeille elle redevint une petite fille aux cheveux en étoupe, qui jouait au milieu de la route dans la boue. Ce n’était pas un chemin, mais une sorte de tranchée qui s’écoulait entre les maisonnettes pauvres. Après chaque pluie, l’eau s’accumulait et après devenait de la boue. En séchant il se faisait poussière. Poussière comme toutes les aspirations de ceux qui habitaient là ; cette chose n’empêchait pas les gens de songer. Leurs rêves étaient simples : ni des jardins, ni des échelles d’argent pour monter au ciel, seulement de la nourriture et de la boisson jusqu’à satiété. Le sexe était gratuit et facile à trouver. Eva ne jouait pas seule, il y avait aussi Jean. Jean n’était pas des leurs ; il habitait au centre du village. Les parents de Jean avaient une maison, pas une hutte ou chaumière. Après la pluie, Jean venait ici pour s’amuser. Il n’y avait que dans la rainure où l’on trouvait autant d’eau. Ils le frappaient avec leurs pieds et riaient. Des gouttes sautaient sur leurs visages et là où elles avaient ricoché, se formaient des croûtes tendres. Pourquoi les appelait-on ainsi, alors qu’elles piquaient ! La paillote d’Eva était à demi creusée dans la terre. « Quand tu mourras tu est déjà à moitié enterrée », se moquait souvent la Vieille, une femme âgée qui habitait là , ainsi nommée par le village tout entier. C’est elle qui avait trouvé la mère d’Eva dans le champ, malade de faim et enceinte. Elle l’avait prise chez elle, la soignant comme sa propre fille. La jeune femme ne savait pas qui elle était ni d’où elle venait ; elle ne savait rien et ne parlait pas. Elle regardait seulement au loin, au-delà des hommes, au-delà du vent, peut être vers quelque part, ou alors nulle part. Eva était née dans la hutte. Un peu plus loin, se trouvaient quelques chaumières. Elles n’étaient pas creusées dans la terre, mais collées par de la boue et de la bouse au surface de terrain. Devant ceux on mettait un feu et par-dessus on posait une sorte de chaudron pour préparer la nourriture. Non loin de là , il y avait une forêt d’acacias où l’on volait des branches et des rameaux de bois. Les enfants jouaient tous dehors et le soir ils se regroupaient autour du feu fait par la Vieille. On mangeait du maïs volé. Les grains de maïs éclataient sur les braises, les faces des enfants se barbouillaient de cendre. La vielle leur racontait des contes de fée avec des princes et des sorcières. Ses deux dents de devant remuaient en même temps que sa langue quand elle ouvrait la bouche, mais les enfants n’avaient pas peur d’elle, la Vieille était une bonne femme et ils le savaient. La mère d’Eva avait un comportement bizarre quand il faisait clair de lune : elle commençait à hurler comme un loup. Les gens disaient que, probablement, c’étaient les loups-garous qui l’appelaient et auxquels elle répondait. Sinon, elle était tranquille et restait au fond de la hutte filant la laine. La vieillarde l’avait enseigné à tordre le fil. Elle entortillait la laine en fils si fins qu’on pourrait croire qu’ils étaient en soie. Pour cette raison, de temps en temps, les femmes du village lui apportaient de la toison; plus spécialement, celles qui recherchaient un époux. Elles croyaient que ces fils de laine, si beaux, avaient des pouvoirs magiques. Le temps passant, les enfants grandissaient. Les jambes d’Eva s’élevaient hors de la boue, comme celles de la cigogne. Mais elles ne ressemblaient pas à celles de la cigogne, elles étaient belles. D’un reste de laine, sa mère lui avait fait un châle. Parce que la quantité était insuffisante, elle avait tordu la laine si finement qu’elle ne se voyait que dans la lumière, quand le jour brillait. Ce lainage était la meilleure chose exécutée de sa mère. Elle l’avait fait pour Eva et pour cette raison il gardait son amour maternel imprégné en lui. La Vieille alluma le feu comme d’habitude. Les enfants s’entassèrent très vite autour. Ils savaient qu’elle leur raconterait un conte de fée ; peut être y aurait-il la reine des flammes. Mais brusquement, le ciel commença à tourner autour de la lune, comme un chien noir après sa queue. La lune disparut et le noir dévala, roulant depuis le haut. Il était si lourd que la pauvre ne le pouvait pas soutenir sur ses faibles épaules. L’air lui bouchait les narines et une griffe acérée lui perforait la côte gauche, l’enserrant. La douleur était rouge et lui flambait le chœur. La vieille dégringola dans le feu, qui commença de jeter des étincelles qui devenaient des étoiles filantes. Les flammes lui firent rapidement un vêtement ; la braise lui confectionna un trône et la lumière du feu dorait son visage. Elle semblait à l’une de celles images que leur le racontait tous les soirs. Les gosses croyaient en secret, déjà depuis longtemps, que la Vieille sortait tout droit de ses contes de fée. Ils criaient : la Vieille est la Reine du feu. La Reine des flammes a habité au milieu de nous. Les gens se précipitèrent pour la retirer. Elle fut enterrée dans le champ. Les enfants ne crurent pas à sa mort ; ils pensaient qu’elle était partie dans son royaume souterrain. Ils en parlèrent entre eux, encore pendant longtemps. La mère d’Eva resta là , tout près du tombeau et hurla de nouveau comme un loup. Elle disparut après cette nuit. Ils la cherchèrent partout mais en vain. Elle périt comme si elle n’avait jamais existé. Un paysan qui se trouvait dans la forêt d’acacia pour voler du bois, leur dit avoir vu un loup s’enfuyant parmi les arbres. Une sensation de froid l’envahit, le glaçant jusqu’à la moëlle des os. La peur a pris la forme de dragon. Eva fut placée chez une femme qui s’appelait la mère Tina. Elle avait beaucoup d’enfants et un de plus ne changeait guère les choses ; d’autant plus qu’elle avait besoin d’aide dans les travaux domestiques de chaque jour. Dans la maison de cette femme il n’y avait que des lits où tous s’entassaient pour dormir : son mari et elle, les enfants et dorénavant Eva. Eva et Jean ne jouaient plus dans la boue. Ce temps était passé. D’autres enfants la frappaient de leurs pieds. La boue était indifférente qui la heurtait, elle ripostait avec des gouttes. Ce temps de l’enfance était passé pour Eva. Le temps du travail avait commencé, et quand quelqu’un est sans feu ni lieu, celui-là doit travailler pour chaque petit morceau de pain. Jean allait aussi au champ ; le champ a toujours besoin de laboureurs. Eva se faufilait souvent par un jardin planté de pommiers, puis parmi les mais, en le guettant comme un chat. Elle attendait le moment quand Jean était seul, pour s’approcher, en lui offrant des pommes volées du jardin. Jean était gourmand et de cette cause tout le temps affamée. Il mangeait gloutonnement et il lui disait en clappant : - Ne peux-tu pas apporter autre chose ? Peut être du pain et un morceau du lard. Il parlait la bouche pleine de la chair blanche des pommes, tandis que ses yeux brillaient d’envie. Le soir, quelquefois, Eva allait dans la forêt d’acacia, espérant y rencontrer sa mère. Mais cela n’arriva jamais. Arriva Titi le Chef, le frère de la mère Tina, celle qui a reçu Eva dans sa maison. Il avait les cheveux coupés ras, et le visage dur de l’homme qui a fait de la prison. Il regarda la fillette très longtemps, comme s’il s’agissait d’une génisse exposée au marché. Il ne lui dit rien, mais pendant la nuit il s’en fut chuchoté avec sa sœur et son beau-frère dans le jardin : - C’est la fille dont j’ai besoin ! Je vous paye bien pour elle. - Je ne te la donne pas, se précipita sa sœur. - Tait-toi, femme, ne sois pas idiote ! Intervint son mari. Nous somme pauvres et nous avons besoin d’argent. Continua t-il, en pensant aux nombreuses bouteilles de bière qu’il pourrait s’acheter au bistro. Sa gorge remuait toute seule et il engloutissait de plaisir. - Que fais tu d’elle ici ? dit Titi le Chef à la mère Tina, sa sœur. Ca va faire rapidement des mioches et sans époux. Je bien connais ces sortes. Ses yeux scintillaient. Que feras-tu si elle vient, un jour, enceinte ? Tu la garderas encore ? - Cela n’arrivera jamais ! C’est une fille sage. - Une fille sage aujourd’hui !? Depuis quand as-tu vu ça ? - Peut être que je la marierai. - La marier, et avec qui ? Qui se marierait avec une pauvresse comme elle ?! Peut être un gitan. Et crois-tu que ce sera mieux ? - Non, je ne sais pas ! - J’ai raison, n’est-ce pas ? Je suis entré dans une bonne affaire. Je vous donne de l’argent pour cette jeune fille. - Mais elle n’a que treize ans et demi, - essaya pour la dernière fois la mère Tina. - Elle est très jolie, et ces petites, on en cherche. Qu’es que tu sais ! Il y a des modèles de sucés à douze ans. L’industrie de la mode est fleurissante et bien payé. Bon, je la prendrai avec moi la prochaine fois que je viendrai ici. A partir de ce jour le mari de la mère Tina regarda plus attentivement Eva. Elle continuait de voir Jean dans la forêt d’acacia. Ils ne se regardaient pas. Les feuilles des arbres frémissaient sous l’effleurement du vent, les yeux d’Eva tremblaient sous ses paupières, son cœur palpitait dans l’enveloppe de sa poitrine et ses doigts frissonnaient quand ils touchaient ceux de Jean. Leurs bouches ne disaient rien, ils mangeaient des pommes. Un peu plus tard, un soir, Eva l’a rencontré Jean dans la forêt. Jean était fâché. Eva ce soir-là , ne lui avait rien apporté à manger ; et comme à son habitude, il était affamé. Pourquoi diable la rencontrer, s’il n’avait aucun profit ? Pensait-il. Elle lui avait promis des galettes à la citrouille et ne lui avait pas même apporté un petit morceau de citrouille cuite. Il boudait et il ne consentait que difficilement à lui tenir la main. Le mari de la mère Tina se tenait caché dans le noir, lui aussi sur les traces d’Eva. Jean partit rapidement, se hâtant de rentrer pour dîner. Lors quand Eva arriva tout près de la chaumière déserte, le mari de Tina l’attrapa et la tira à l’intérieur. - Pute, si tu parles à quelqu’un tu es morte ! Lui dit-il et il la renversa violemment. (à suivre) |
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