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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2009-11-11 | | Au matin, la poésie est venue me chercher au pied du lit, pour me tirer dans la salle de bain. Tout nu, devant la grande glace montée sur pivots, grâce à laquelle ou à cause de qui, de quoi, on peut, du passé au présent, se mirer dans la ligne de tir et se contempler amplement de pied en cap, j’ai vu. J’étais à peine réveillé, que dans le reflet il y avait un peu des deux : l’être d’une grande rationalité, concret, les pieds sur terre, incarné dans l’épreuve et l’autre, qui vit et voyage dans des mondes parallèles. Alors, j’ai dit au premier : « je me reflète c’est donc qui je miroite ! » Tout en sachant que ce que je croyais être un reflet n’était qu’un effet ! Un effet d’optique comme il y a des illusions plein l’évier et la cuvette des toilettes. Je savais, par expérience, que la vérité était entre les deux, entre rêve et choses relatées, entre l’imaginaire et le frelaté, là où le naïf, l’artiste poète avait fait son Nil pour passer outre bord. N’empêche que j’ai bien cru y voir, au grimoire de mes réflexions, l’image parcellaire, comme holographique d’une vie, la mienne, en un panoramique de soixante années toutes à portée de main, et donc d’écrit. Ainsi, la parole, tel un reflet plus ou moins embué de la mémoire, nous révèle d’une manière illusoire, avec tendresse ou parfois brusquement, dans notre propre vérité. Instantanés de couloir aux couleurs des pastels, images filantes d’une immédiateté à fleur de paupière, flashs entre l’extérieur et l’intériorité, zone frontière où toute représentation se donne à guichet béant. Pour sortir de cette tragédie où je me croie propriétaire de mon reflet dans le miroir, où je me crois dur comme faire de mes habitudes, solide et ferme de ce triste égo perclus de rhumatismes, d’hypothèques du passé et d’illusions présentes, je n’ai d’autre envie, d’autre vie, d’autre chemin que celui des mots, psyché de l’âme et du corps. Devant la glace, il y avait une malle, pleine de mes effets personnels, dont des souvenirs d’enfances, des affaires de familles, de quoi écrire et dessiner, ainsi que de vieilles photos crispées par le temps. « Va, prends ta malle et part », me dit la psyché en tournant sur elle-même. Grâce à la lumière des mots, nous pouvons sortir de ce qu’il y a de plus obscur en nous, pour naitre ou renaître à nous-mêmes. Nulle boîte ne peut retenir l’Amour, nulle malle, aucun mur ne peut étouffer la liberté et la vérité tout entière. « Prends ton mal en patience, ouvre-toi ailleurs, ouvre-toi d’ailleurs. Traverse ton mal à toi, face au mal en soi, et prends ta malle de soie pour partir très loin, très loin de celui que tu n’es pas. Lève-toi et marche, part à la rencontre de toi-même, confrontes avec ce vrai soi vêtu d’arc en ciel ». Sans trop de peine, j’ai fermé la malle qui avait l’acre odeur des bombyx du murier au moment de la reproduction. « Va confiant, vers l’enfant aux grands yeux d’agates, ouverts comme des billes énormes, tels des calots étonnants – au regard brun de chien battu de vagues, comme des morceaux d’écorces vives. » J’étais en train de verrouiller la maille. « Écrit, tout vers luisants des pleins reflets de l’avenir - et garde bien en toi, en soi, cette vision débordante d’étonnements - reste toujours l’enfant vêtu de nuages au seuil même des contemplations. Garde aux aisselles nouées la lumière et le vent, car la Paix est sur cette maison. » Malgré les apparences la malle était bien trop lourde pour moi, en soi elle était trop pesante. « Cet enfant en culotte courte, aux genoux écorchés des stigmates des jeux et des quêtes de l’enfance ; cet enfant, qui court la forêt de Bondy, tête nue et tête folle, de barrages en carrières, de rivière en marais, à travers le temps et les champs, se reposant parfois au cœur d’une cabane.» Le miroir semblait respirer entre chacune de ses déclarations, avec mes propres poumons comme pleins des visions réveillées par les dires en miroir. « Ce petit d’homme qui parle aux arbres et aux anges, hurle dans le souffle du vent le contenu de billets secrets, prononce à mi-mots des vocables sacrés ; dresse des croix de campagne, dessine des hauts lieux caverneux sur des parchemins faits main, crie ou chante à tue-tête dans la belle solitude des espaces verdoyants… » Il y eut un grand silence de psyché, une agréable paix de miroir, comme à l’instant où l’on brise la glace, entre deux états d’âme. « Cet enfant, c’est toi ! » « Fils de la terre, enfant de la pluie et des bourbiers, petit diable des enfers et cancre béni des dieux. Tu es l’enfant choisi de tout temps, pour dresser les plans d’un royaume, écrire aux pis gonflés d’écritures du matin au soir, afin de donner le lait aux assoiffés et tes visions aux aveugles, et pour mettre en place des ponts en des lieux de passage … » Je suis resté sans mot, à l’instar d’une pendule arrêtée sur un heurt. Quelques heures peut-être devant le miroir ; pas assez longtemps semble-t-il pour passer à travers, car il est bien difficile de passer de l’autre côté des choses de la vie, sur l’autre bord, l’autre rive, quand on est rivé au sol, et quand l’autre côté nous semble ni plus pile que farce, ni plus pire que face, ni impair est manque et tout simplement vide. Il est laborieux de passer à l’austère côté, quand l’endroit semble aussi de travers que l’envers, et que le recto est si peu verso que l’endroit que l’on voit à travers ; là où le jour peut se faire nuit pour les besoins d’un film ; c’est la vie en fait ! Et en réalité, il me semblait plus important de m’attarder aux mots et aux images, pour bien les dire ! Les mots sont comme la lumière, ils marquent de leur sceau le passage. Gratuitement, sans condition, ils nous révèlent à nous-mêmes et à notre vérité entière. Ils nous font sortir de l’onde crue, nu comme des vers séchant aux poèmes ; ils nous font émerger de nos ombres et nous renvoient ainsi à notre manière d’être. Les mots, comme la lumière, sont sans jugement aucun, ils nous congédient simplement, sans mauvaise intention, face à nous-mêmes, à notre propre discernement et à nos jugements faciles, hostiles ou trop rapides comme des rapaces sans compassion. Face à l’Autre, dans un face à face qui est en phase avec nous-mêmes et l’autre, le miroir se gave de transparence, il se fait vitrail. En face de, vis-à -vis, envers et contre, à cause de ou grâce à … au-delà des mots, au-delà des miroirs il n’y a que des vides pour verser dans les mots. Après avoir écouté attentivement le miroir, j’ai enfilé ma veste de toile beige, et prenant la malle à deux mains, j’ai franchi la porte avec difficulté, pour me faire la malle en moi, en soi. Dedans, il y avait un grand silence aussi grand que les hautes affiches qui déclaraient à vives pensées à qui voulait les voir : « N’est-il pas temps de sortir de nos schizoboîtes trop grises, de quitter nos schizobulles trop carrées et enfin d’ouvrir nos schizosphères trop nulles ? » Malle, boîte, bulle ou sphère …, en lisant cela, j’ai pensé que chacun de nous était dépositaire de sa propre « structure intime », de ses clés, et qu’il y avait toujours un décalage horaire, c’est-à -dire temporel et même spatial, entre nous-mêmes et notre vrai moi ; notre véridique soi, qui reste malgré tout : transparent et inaltérable, inconfusible, inviolable, inconfessable, indicible, autonome, responsable, relié au Monde, et j’en passe en ce lieu de passage. Effectivement, nous marchons toujours à côté de notre véritable et réelle identité, nous sommes pompés parce que nous reculons à côté de nos pompes ; nous vivons trop en ce lieu de notre imaginaire, aux nœuds mêmes de nos névroboîtes, névrobulles de notre subjectivité ; en notre sensorialité nous imaginons trop au lieu de vivre de don, de grâce et de gratuité ! Boîte, bulle ou sphère. Malles de nos prisons sensorielles ; une sorte d’assemblage personnel réalisé dans les coulisses de notre imaginaire, celui de nos résistances au Monde, de notre théâtre intérieur, construit comme un méga système de simulacres et de compositions. Un lieu plus ou moins clos où l’on compose plus ou moins avec le monde, avec l’extérieur, relation faussée qui alimente notre structure intérieure. Ainsi, nos rapports humains, nos goûts pour les livres, pour tel art, telles personnes, telle nature, sont des pis à ne pas perdre de vue, car ils sont « relation ». Cette expérience de soi ne peut se faire que par et dans des moments de grâce. Toutes les potentialités de mon être, comme tous les possibles, et potentiels de significations (et de signifiances) se trouvent dans les mots, logés au foyer de la lumière, là où la lumière comme les mots sont réalisés, plus que réalité, en une monstrueuse création, une gigantesque mue de l’âme. Ô miroir, ô doux miroir, dis-moi d'une manière parabolique, la métaphore de mon âme dans mon regard d'enfant. Devant et derrière moi, les images roulent en bobines de tain, glissent, se rident sous les ans. Suis-je givré au point de non-retour ? Comme une pluie de souvenirs "Il neige sur Liège" des grêlons, des grelots comme les calots de mon enfance. Jeux de billes, jeux de mots, plume tirant son trait noir au papier blanc, calots de mercures roulant comme l’eau sur le sol penché ou l’écriture se dit : « La folle des miroirs ». Même l’étain s’altère pour refléter la vie, pourquoi les regards ne se désaltèreraient-ils pas au puits des mots ? Faisant amalgame sur amalgame de lueurs métalliques, de ratures sur ratures, l’encre et le vif-argent se mêlent, quand la main s’applique sur les phrases pour qu'elles disent quelque chose tout en réfléchissant un peu de lumière. (…) |
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