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Epopée Islanerienne
poèmes [ ]
(Episode premier)

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
par [felipe ]

2006-10-18  |     | 



Epopée Islanerienne

(Episode premier)


Partant, ce n’est pas un départ mais un point divaguant dans le temps
que moi je dis « Lieu » puis Espace aussi bien une vague sempiternelle
venant inlassablement se briser, fracturant les brisants, jusqu’au sable
où naissent et s’aiguisent dans les angles acérés les chardons bleus
éblouis, les concrétions méridiennes du voyage d’une rose de vents


Voilà, j’ai sorti mon attirail de pêcheur de lunes.


A treize ans je me suis noyé dans l’Atlantique,
secouru juste avant l’abandon, le Game over
à la dérive enroulé dans les cheveux les algues
aspiré entre les lèvres brûlantes des sirènes
et Johnny Weissmuller fendant les flots
arrivant briser le rêve englouti par les eaux
comme je le hais cet imbécile venu interrompre
ce tutoiement de lamproie d’une filiale des Dieux
et me voici piéça dévoré vermoulu et narquois


Ô combien de marrants combien de captivants
je ne sais toujours pas nager dans ces eaux là


mais dans la houle de la jungle j’anguille bien
entre les semonces, les structures, les diktats
dans les feuilles vulnéraires de la canopée
mon navire caréné de mots, de transparence
jusqu’à l’invisibilité et le silence qu’éveillent
les jacarandas au loin poussant des cris bleus
magnétiques pour que le ciel devienne frisson,
mimétique pluie céruléenne à verse lentement,
mitoyenne des douleurs aux dires de l’absence


Je traverse la rue, nuage de corneilles
cisaillent les cieux les tympans
le nombre fait une ombre ptérodactyle
sur l’asphalte, le fleuve
ses sources éoliennes, oui Eoliennes,
il te faut bien, au moins une bruine
une pluie, et si possible
les crécelles d’une tempête.
Les orages d’une nuit démontée
secouant avec furie les glues de l’immobile.


Je n’étais donc pas mort médusé sur la grève
crachant des filaments d’astéries
des phanérogames, de la dulse
des chondrus crispus
des salades océanes


mais devant la porte de l’usine
avec Mon balai de fougère
quelque part
entre Villefranche en Beaujolais
et le pays lointain de la mer,


se mouvant, ma fille, dans tes yeux
se mouvant, ma fille, dans tes yeux


tandis que je danse Waltzing Matilda
et que pleure le vieil australien
son pays perdu dans les larmes
tant et plus qu’à la fin
ne sait plus si c’est une chimère
ou bien encore un continent


Les cardeuses déballent
de leurs langes moisis
les noirs fœtus d’enfants momifiés
dans l’hydrophile, la ouate déchirée
tirés des champs de coton
Ô, cette blanche houle
neigeuse des fibres
l’ophtalmie sous la brise
dans les chants du labeur
le Mississippi en toile de fond


que fais tu là mon âme ensablée
poussant vaguement les feuilles mortes
du bout de ton morne alizé
si loin des démences maritimes
tandis que passent derrière la grille
les années si belles qui s’en vont


Ah ça et la fragrance du patchouli
le roulis le tangage des filles
Ignorant le poète gibbeux
penché sur son ouvrage de fétus
de pétales et de limbes
oublieux des trésors, les merveilles
de lointaines Cipango


Le soir jette ses chiffons
une vieille poule de Bresse
jacasse dans la marmite
entre le porrum et l’oignon
l’avait qu’à pondre,
la racaille,
des Å“ufs en or


mais au matin au voit
au-delà des monts
les neiges éternelles
le cristal brûlant
des étoiles tombées


C’est là que tout recommence
cette fin au milieu carminé
de la jonchée des roses
je n’en peux plus de ce vieux
sanglotant « nevermore »
tandis que moi je balaye
les poussières du Vieux monde


« Mon père où étiez-vous les nuits de longue peine
lorsque la froidure vernissait de gel les étangs
une lampe en attendant votre venue consumait
au seuil l’an neuf et la fleur fanée des champs
mes yeux qui tant de jours épièrent votre retour
versèrent autant de larmes que passèrent vesprées »


« J’étais en l’Alles-magne à casser du germain
puis ils m’ont troué la jambe, de là-bas je reviens
repartant ce tantôt vers les plaines annamitiques
où l’on nous fait griefs de commerces et de monopoles »


Est-ce bien ainsi que fut narré un début de l’histoire
par-delà les monts derrière la fenêtre
aux vitres, de sel et d’embruns, embuées
à rebours je traverse l’averse filante des comètes
ais-je déjà tout oublié, ou bien ces fragments
recomposent le jour et la nuit, l’unique versant
d’une colline adossée au souffle qui la retient.


Ainsi je me retrouve sur le gras de l'autoroute
non pas que je me sois, en moi-même perdu
la main tendue qui poussait vainement le balai
s’épuise à l’horizontale du flux poussif des bus
mi germaniques mi kurdes mi turcs mi afghans
qui les sillonnent, sans cesse, engazolant
les veines ouvertes du continent


j’ai tout mon temps j’irai à pieds
tels ces gens dont c’est le métier
d’affûter sur le fil du rasoir
les lames ébréchées des couteaux
ou sur le fil aérien se retenir
Ne pas tomber au fond du rien


Sur mon épaule je lance mon baluchon
Islanerien
aux frontières la strada change de nom
entre mes lèvres une drava
au goût de foin
puis le sifflement d'une herbe apprivoisée
violonant un air étrange de Genova
d’où vint un jour mon grand-père
avec sa gourde de lacrima christi
du jambon rance, des olives flétries
un fromage plus dur qu’un savon


Je m’en vais donc pauvre Gaspard
avec le trop tôt, le trop tard
à revers du désir qui déjà traçait le sentier
du sud dépouillé vers le nord magnifié
sans savoir ce que le monde mue en moi
après tout je n’ai rien demandé
ne fais comme vous que passer


Ah, comme il ment
cette peste de lui-moi
sur lequel je m’apitoie


A Trieste l’Adriatique est une lymphe figée
ce n’est pas une Mer ce drap bleu foudroyé
noyé dans l’immobile et les menhorées
du soleil, dans l’étoupe des vagues, effondré


« C’est magnifique »

murmure un vieil anglais francophile
incrusté dans le paysage
ce couchant hémophile de carte postale
tandis que je gerbe les étincelles
de ma Guinness stout
l’envers du décor agité
sur le crocodile effaré de ses bottines
désormais maculées de fétides reflets


Pour moins chez l’anglois on déclare une guerre
maintenant et demain comme se faisoy naguère
par mandements suppliques et commandements
belles plumes trempées sans honte dans le sang


Je sens de la prison
les odeurs méphitiques
le ciel par-dessus le toi
et dans la rue les piétas
contraintes à la chasteté
muettes d’effroi


Mais celui-ci n’a rien vu d’autre
que mes boucles blondes qui ondoient
qu’autrefois les sirènes caressoient
me pansèrent d’oubli


et de tel maléfice que ne puisse entrevoir la Beauté
que drapée de moires et de suaires, noirs ses visses
ses boulons qui font les femmes de peu frissonner
à ce point qu’il me faille glisser suaves quelques mots
sur tes lèvres sur ta peau, le cœur, en option, délices
inoubliables et regrets languissants d’être si tôt parti

Quelle salade !


il m'idolâtre déjà, mais, par avance pardonne
que de nul partage équivoque ne soit fait état
je n’aime que les filles aux prunelles de madones
et sous les cils de papillons le regard aussi vide
que depuis toujours le fut, plate mon escarcelle
je dois illico m'en aller, d’autres lieues arpenter
je me suis égaré à la croisée, l’à vif des sentiers


Avant, il y eut cet Avant que je ramène dans les sennes
ces grouillements ces reptations ces nébuleuses veines
et dans les blés, la circulation souple de l’air à l’entour
insaisissables vents, impalpables rets des mouvements
que personne sinon toi même ne te commande de haler
ainsi que souffler très fort sur les aigrettes des illusions les poudres éphémères,
les spores entées dans le temps


J’ouvre la porte sur la première nuit
à verse de septembre
et c’est déjà l’hiver, à pierre fendre


Là, ronde est la coquille
l’enveloppe fragile
du sommeil enroulé
en apesanteur
bercé dans les nacelles
les palmes mouvantes
des eaux amniotiques


la…

La mer quoi ! la mienne, de valves, de branchies
nautique et aérienne sidérale, terrestre d’attraction
non par vouloir, mais chute placentaire, écartèlement
épisiotomie exérèse scission
il fallait bien que quelque chose d’exproprié crie
exfolié de la marée de ses algues, ses nuitées
à l’auberge de la Grande ourse, les constellations
comateuses des circonférences profondes du rêve


Je marche, est-ce l’enfance cette ivresse
qui fait pousser les murs de guingois
et chuter au ralenti la plastique de la vaisselle
cette courbe des faïences dans le bruit en éclats
sur le damier vitrifié du carrelage aux couleurs passées


Pause musicale

"Ohmonbateau(Ohohohohoh)
Tuesleplusbeaudesbateaux
Ettumeguidessurlesflots
Verscequ'ilyadeplusbeau
Tuesleplusbeaudesbateaux
Nusouslecielétoilé
Lesvoilesgonfléesdebonheur
Lespoissonschantentencoeur
Lescrevettes(lescrevettes)
Me crient "Olé" (Olé) Olé"

(Eric Morena, pour la postérité)



Mais la crase des matins
le
loin
tendues les voiles
voguant vers l'inutile
où je deviens
sillage des frégates
dans l’aigue-marine
des nuages


Ô Genévrier sur les montagnes du Taurus
Voilà mille ans que tu affrontes les glaces
les neiges de l'hiver et te dessèches
au soleil des étés


t'aime et te supplie…


Je suis tel devant le Sphinx
dans ma barque solaire si-
-lencieuse


$$Je ne vous parle pas à vous
Séquoias géants goguenards
du King's canyon national park
California$$


…Humble et doux…


chercheur de poux violacés
entre les racines décoiffées
peignant les touffes de myrtilles


Je ne quémande pas l'or du temps


Mais, les paillettes
que les limons rejettent
elles sont où ?


ne me dit pas « c’est la fleur du lin »
l’énigme que je dois détisser
attendre n’est pas un pays

c’est une défaite

la limite qui jamais ne sera franchie
les eaux resserrées ont scellé
la distance entre les musiques de fête
et les trois cordes résignées
désaccordées d’un luth


Est-ce une tâche vaine d’apostropher les arbres
plus stérile encore que vouloir tutoyer les Dieux
qui parfois prennent formes humaines, émotions
sens et sentiments plus noirs et vrais que nature
celle des réverbérations de l’inhumaine condition


Du moins, c’est ce qu’en disent les hommes, qui jamais
ne traversent la respiration peuplée d’ombres des forêts
les pleurésies des branches rétractiles aux ongles violets
les épanchements des sèves bleuissantes des bolets


Qu’ils viennent…
est-ce donc ce qui dérange l’ordre ébouriffé des feuilles
…écimer la raison…
ou bien le feu qui court, entre les granges et les vallons
…et refluent…
dans la même lenteur impassible arasante des mascarets

Une laisse d’aubépine
d’épines et de laurier
la flamme d’un cyprès
incendié par l’automne

…n’ayant qu’un instant
essarté par le silence
les racines profondes
du rythme des saisons


Comment porter le deuil si vaste
de tant de vies errantes dispersées
sans s’enfoncer dans les tourments
insondables des tourbes de la folie


je grave les mots de résilience
sur l’écorce et dans la mémoire
des forêts qui sont âmes nomades
buissons ardents inconsolés
de naître en larmes et demeurer
enchaînés à l’absence de sens.


Là-bas sur la rivière que traversaient les cavaliers
à l’aube assoupie et le balancement des chevaux
l’on dresse des frises barbelées, d’autres limites
autres lisières à ne jamais dépasser.


.../...

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