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Portes
poèmes [ ]
La dialectique du passage (extraits)

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par [Reumond ]

2013-03-17  |     | 




Avant-propos :

Ce qui s’exprime à travers cette dialectique des portes, c’est le concept même de l’intériorité, les notions de passage, de transmission, d’interconnexions ou de liens, de sens et de direction…

(...)


LE CRUCIFIX SOUS L’OREILLER

On peut bénir les vignes et le vin, les champs et les semailles, le meunier et les ailes du moulin ; on peut bénir les chairs comestibles, une source ou un puits, les maisons et même le lit nuptial, l’enfant venant au monde et le malade sur son dernier lit, mais comment peut-on bénir des portes qui se perdent en enfilade infinie comme les maillons d’une chaîne sans fin ?

On peut essayer d’exorciser le chien enragé, les revers de fortune, les envers de la richesse et les travers de la sottise ; on peut exorciser les personnes acariâtres et les poèmes maudits, les politiciens véreux et les banquiers sans scrupule, les hommes maléfiques, les flatteurs et les obsédés du sexe ou de l’argent, les fanatiques, les tourmentés de démons aveuglants ou ceux qui semblent troublés par quelques anges obscurs, mais comment exorciser les voyants au grand cœur et les portes lumineuses ?

Oui, Seigneur des nuits blanches, vous qui avez donné à vos serviteurs et à vos enfants fragiles tout pouvoir sur les puissances de l’enfer et de la nuit, exaucer ma prière de petit et glorifiez votre très Saint Nom, en me libérant de ces légions de portes.

(…)

Durant la nuit, seuls les murs peuvent dormir sur leurs oreilles, quant aux portes, mêmes closes, elles restent la partie la plus vulnérable de la maison. C’est là, le danger de toute « ouverture » et la raison même de nos protections et carapaces caractérielles !

(…)

Les portes portent-elles le mauvais œil, et savent-elles ensorceler celui qui les passe ou ceux qui les évitent ?
On frappe à la porte parce que les portes se frappent, comme les femmes ou les enfants battues, comme le fer rouge des armes blanches, comme les images à travers les miroirs et les lentilles d’un télescope, les portes se télescopent, c’est normal entre la sortie et l’entrée, il y a toujours un mouvement de vie !

Comme un cauchemar, dans l’existence de chacun, une porte n’arrive jamais seule, et tout cela n’arrive pas seulement qu’aux autres !

Cette attraction pour « les portes », elle remonte à mon enfance, et plus exactement à ma douzième année, et plus exactement, car en matière de porte il nous faut chercher l’exactitude, aux rêves récurrents qui suivirent comme une marée noire mon traumatisme d’Oraison. (1)

Auprès de vous qui connaissez les torpeurs moites des nuits hagardes, je sollicite l’écoute, comme on quémande un quignon de pain noir pour apaiser quelque peu le guignon des nuits blanches.

Savez-vous cette quête « nocturne » qui s’épand entre les draps, comme il y a des pollutions qui portent le même nom sirupeux, et des portes qui effraient les petits enfants quand la pleine lune montre ses dents blanches et ouvre ses cratères excavés comme des yeux d’ébène.

Savez-vous cette épreuve qui consiste à passer sa nuit à monter et à descendre dans ses rêves, à gravir les étages de l’âme, à travers des volées d’escaliers instables ; déambulant ainsi de couloirs en lieux clos, traversant du regard des pièces vides de sens, passant et repassant devant des portes identiques; des portes qui semblent respirer elles-mêmes la peur, des portes qui se ressemblent et s’assemblent en un puzzle fragmenté, où toujours une porte manque.

Sans repos et sans bruit, le train fantôme traverse les chambres, le sol se dérobe sous vos pieds comme pour tenir tête au sommeil, la nuit se vêt de frissons et nul marchand de limon n’apparait pour vous conduire au repos.

Les mauvais rêves sont comme des porte-cris, d’ailleurs en sursaut l’enfant se dresse, il a froid, pourtant il est bouillant de fièvre, mais la clé des songes n’ouvre aucun de ces porte-malheur.

À bout de force, l’enfant bâille et bâille en corps et en pensée, les portes de l’insomnie sont des portes blindées et les dortoirs des charniers où les ombres somnambules marchent sur un sable tellement froid qu’il vous pénètre de grands frémissements.

Oui, vous qui connaissez les torpeurs moites des nuits blafardes, la quête éperdue des mains hagardes cherchant le sommeil, vous connaissez certainement ces endormissements difficiles, avec la prière comme parole de soutien, la présence rassurante de compagnons invisibles, et l’onanisme comme seul remède à portée de la main.

Connaissez-vous ce sentiment profond, quand après le bain, en enfilant son pyjama de molleton, on a la sensation d’enfiler en même temps une peur singulière comme un vieil habit connu, la peur blanche de devoir revivre de nouveau le même rêve, chaque nuit ? C’est une véritable Hantise qui se répète comme se répètent sans cesse les portes, les passages, les impasses, au point d'encombrer vos jeux d’enfant et votre vie tout entière.

En une véritable liturgie, à la limite de la compulsion, j’ai épuisé toute la panoplie et connu tous les rituels d’endormissement ordinaires et extraordinaire, me signant de pied en cap, cherchant au lit la bonne position, tournant successivement en direction de Rome et de Jérusalem.

Mais nulle pensée agréable, nulle rêverie plaisante ne me faisaient paitre en des prés d’herbes fraiches. Eau bénite volée à la sacristie, cierges ou lumière de chevet allumés, rien n’y faisait !

Durant ces quelques mois, en la bibliothèque verte et rose, j’ai connu la lecture jusqu’à l’épuisement ; mais aucun membre du Club des Cinq ne venait à mon aide.

Les images saintes et le crucifix de ma grand-mère sous l’oreiller, un chapelet de nacre blanc entre les mains, j’ai tout essayé pour me sortir du cauchemar !

Durant ces nuits agitées, j’ai pris les petits chemins de traverse et les grands chemins de pèlerinage. J’ai prié entre autres Notre-Dame de la Délivrande (Douvres) auquel je fus consacré ; Notre-Dame-des-Anges où j’avais fait ma première communion ; Notre-Dame du Raincy, protectrice de mon école.

Puisque nous sommes des êtres incarnés, la vie sans cesse vacille entre scatologie et eschatologie, petit ou grand chemins, petite ou grande communion ; il en est des sacramentaux comme de la petite et la grande commission ! C’est normal, les portes communiquent, c’est le principe même des vases communicants ; le bien et le mal s’entrecroisent pour tisser la chair et la peau ; dans l’ombre et la lumière, sous les linteaux , le sacré et le profane s’entrelacent, comme la nuit croise le jour dans les draps chiffonnés.

Ainsi de suite, de rituel en rituel, jusqu’au moment de m’endormir comme foudroyé par quelque serpent électrique, telle une masse noueuse, roulée en fœtus dans des draps humides de sueur froide, épuisé jusqu’au bout des fantasmes, je partais à la rencontre des chimères

(…)

Savez-vous l’angoisse crue et nue qui consiste à passer son rêve à chercher la bonne porte de sortie sans vraiment la trouver ?

De passer et de repasser sa nuit dans de sombres couloirs impénétrables, pleins d’obscurités moites et d’ombres étrangères, que vous fuyez en sautant de palier en palier avec la peur au ventre ?

Tel un somnambule, savez-vous ce que c’est que de courir à travers de profondes caves voûtées comme de vieilles sorcières, de passer du rez-de-chaussée aux greniers les plus hauts sans logique, et du bas des escaliers sentir la peur comme une haleine qui vous précède, tournant comme reptile autour des cages d’escalier ; vous avancez l’esprit usé comme une marche instable, avec le seul soutien de rampes fragiles comme du papier crépon ; seul et unique, perdu dans cet espace onirique, comme Ulysse, unique témoin de grandes déambulations nocturnes.

Car malgré mes douze ans, j’ai peur, j’ai terriblement peur de cet horrible cauchemar à répétition - parce que je sais – je sais par expérience nocturne, que le prédateur, le Léviathan lui-même, comme la mort vêtue de noir, est là derrière l’une de ces portes, une porte comme les autres, indistincte, une porte que je vais ouvrir après de multiples hésitations, et que « Lui » il est derrière et que « moi » je suis dedans.

Je ne l’avais jamais vu, mais l’idée même de sa seule présence quelque part derrière l’une de ces portes closes m’horrifiait.

Entre ce rêve passé et le présent actuel, il reste comme une infestation, non pas comme un serpent qui se mord la queue entre hier et demain, mais une porte de Pandore qui ne cesse de s’ouvrir sur elle-même à l’infini d’un cauchemar, pour libérer ses vieux démons dans la lumière du jour.

Cet étrange personnage qui disparut un jour sur son champ de bataille, laissant la porte ouverte derrière lui, était-il le maître des portes comme il y a un Seigneur des anneaux ? Était-il le maître de mes rêves ? Un castrateur à la solde de Freud, un père symbolique, une figure imaginaire … ?

Je ne l’ai jamais vu qu’une seule fois et que de dos, courir au loin, mais avant de la voir fuir définitivement, l’idée même de son assiduité derrière l’une de ces portes, à travers ce rêve récurrent, m’était insupportable.

Comme les pleurs et les soupirs libèrent, et comme sont de même récursives les palpitations, les rêves récurrents sont-ils des rêves qui récurent à fond le cœur et l’âme pour nous purifier comme l’eau du baptême ?
Comme la bêtise humaine, les obsessions, les visions et les images répétitives ont pour seul objet d’enfoncer quelque pieux mensonge dans la chair molle des mémoires ou d’en exorciser les démons ?

Ce type de rêve de portes, relève-t-il d’une expérience initiatique ? Une sorte de rêve initiateur ou s’agit-il de quelque chose de prémonitoire ? À moins qu’ils ne se fassent « récurrents » comme les heures qui passent, pour souligner à travers la réalité d’un rêve, le rêve de quelque réalité encore inconnues ?

En dehors de mes initiales R. R., comme Rêves Récurrents, je n’en sais vraiment rien !

Dans les rêves comme dans la vie de chaque jour, chaque porte porte-t-elle une signification particulière ? Comme chaque ride de mon visage bêtement satisfait contient tout mon avenir ? Ou bien, comme chaque ligne de mes mains qu’elles soient jointes ou liées, porte en elle un chemin tout tracé de sang d’encre, celui de ma propre destinée ?

Chaque rêve récurrent dit-il une entrée quelconque, quelque part, ou montre-t-il au contraire une sortie significative ? Quel était vraiment le sens de ces vieux rêves de paliers comme il y a des vieux papiers porteurs de messages, pas si vieux que ça, puisqu’ils m’habitent encore aujourd’hui de leur présence froide, comme un voisin aussi envahissant que l’était l’hôte invisible de mes rêves d’antan.

À moins qu’il ne soit un colocataire faisant office de mémoire ? Rien que pour me rappeler que les portes sont parfois dangereuses, ou qu’elles continuent à abriter quelques secrets d’alcôves ou de bibliothèque ?

Comme des planches mal ajustées, quel est le sens de ces marches qui grincent encore dans ma tête folle quand elle est trop pleine ou bien trop vide ? Comme des acouphènes ou des fantômes d’entresol, ça couine toujours en moi. Et s’il s’agit d’étage de l’être, de niveau de conscience, de quel changement d’étage, d’étape ou de modification d’état s’agit-il ?

Quel était l’appel à l’aide de l’enfant que j’étais à travers ces rêves récurrents, qui ont aujourd’hui un peu plus d’un demi-siècle ? Et quel était le message de mon être profond à celui que je suis devenu ?

Quoi qu’il en soit, la destinée ne vous laisse jamais seul à la porte, seul le destin semble clore l’horizon !

(…)

Quand vous faites le vide en vous, cela crée une dépression au niveau des portes, et vous pouvez sentir un léger courant d’air entre l’extérieur et l’intériorité.

(…)

La vie elle-même est faite de passages, des plus variés ; de maison en maison et d’hôte en hôte, pour faire communiquer les choses et les faire passer du ciel à la terre, du désert à l’oasis, de la montagne à la vallée, de l’impasse à l’allée, comme d’un gué à un autre, il faut des portes par milliers.

Autour de vous, de moi, de nous, entre vous et moi, tout est porte, et tout peut avoir une certaine portée ; porte-vie pour libérer les consciences, les énergies et les maux…

Il est important qu’elles laissent passer l’esprit, le souffle, la puissance créatrice, car il n’y a pas de fertilité sans passage et pas de passage sans pénétration et sans accueil.

Du sacré au profane, de l’inconscient au conscient, et l’inverse aussi, de la nature à la culture, du donné au recevoir, du monde matériel au monde spirituel, d’hier à demain, par des chemins comme des mandalas dressés en toriis, et par des labyrinthes complexes qu’il nous faudra franchir, les portes se dérobent ou se présentent à nous.

Comme le shaman animiste passe par les portes des arbres et des rochers ; par la porte de la terre, du feu et par celles des eaux, des relations très complexes se tissent entre le sauvage et l’apprivoisé, entre l’animal, l’homme et les dieux, pour créer et entretenir des corridors entre tout ce qui existe, car les choses ne peuvent être que dans l’interaction ou l’inter connectivité des portes de l’espace et du temps.

Malgré les apparences, ce n’est pas l’amour qui est le moteur de la vie, mais « La liberté » même d’être et de créer ; la liberté de s’ouvrir au monde ou celle de rester fermés aux autres, selon les choix de chacun, et selon la nature des choses et l’esprit qui traverse la nature des choses.

« Chacun son idiosyncrasie ! »

À l'aube de l’adolescence, c’était là ma locution fétiche, pour mettre un peu d’espace, de chambranle entre l’autre et moi

(…)

C’est en créant du lien ou pas, en se gavant de diversité et de différence, que va la vie, les portes elles aussi sont comme « ça » !

Des déchirures dans l’espace ou des lézardes dans le temps ; des ouvertures à un seul ou à trois cent soixante degrés, comme des fenêtres avec vue sur la mer, des gués ou des passerelles pour le ciel ; des embrasures comme des embarcadères, des vitrines ou des tableaux dans le tableau ; des lignes d’horizon, des marges ou des cadres ; des guichets aguicheurs ou des lieux de questionnement et de combats ; des lieux d’allées et venues, de va et viens, de preuves et d’épreuves, des lieux de métamorphoses, de changements de seuils ou de niveaux,

Les portes, elles peuvent se montrer comme des lieux de dépit quand elles restent fermées sans raison ; des lieux de défi aussi, quant à dix-sept ans, sans bac en pochent, on franchit le seuil d’un labo d’analyse médicale pour y trouver son premier travail ; ou encore comme lieu de déni, quand on refuse de savoir pourquoi la porte est close ou grande ouverte ; et enfin, comme lieu de délit, quand les Veilleurs de Dhuis scrutent avec curiosité, à travers l’huis des feuillages, les ébats amoureux des promeneurs du week-end.

(…)

Comme portail out ou in, l’esprit traverse toute vie, animale ou végétale, il est un « esprit de liberté » et de diversité, seul, le pluriel compte pour lui et l’homme dans « sa quête rectiligne » (alors que tout est courbe et brisé !), tente désespérément de mettre de la loi et de l’ordre dans tout cela. Mais les dieux dans leur sagesse n’y font rien et n’y peuvent surtout rien ; les lieux débordent de partout, de toute part, c’est l’abondance de la vie.

Les portes s’ouvrent, d’autres se ferment, l’un meurt, l’autre survit, c’est toujours ainsi dans la grande marée de l’évolution et le flot incessant des sélections dites naturelles.

Porte après porte, la vie est une orientation, ne cherchez pas l’origine (la causalité) ou la direction (la finalité), elle n’a ni l’un, ni l’autre, et pas de sens prédéterminé, en réalité, elle ne va que dans un sens, si le mot sens à encore ici du sens : celui de l’ouverture !

Dans la nature, comme dans tout le Cosmos, c’est le prima de la « Liberté » qui compte. Je suis moi-même un grand libertaire de l’Évolution, un inconditionnel de la vie... mais encore faut-il trouver le juste milieu du vivre avec pour vivre bien, le juste entrebâillement entre je et tu qui laisse l’esprit circuler librement, de champs en chambranle, dans le respect des petits et des plus faibles, là est le chemin et là s’ouvrent les portes qui mènent à l’homme véritable

(…)

Portes battantes entre la pesanteur des causes et l’apesanteur des grâces, causes et grâces se poursuivent et se complètent ; tout nous porte à avancer plus encore ; elles s’ouvrent comme s’ouvrent les portes de l’enfance sur des images du passé, ou se dégage comme la porte des rides qui s’entrebâille pour laisser voir toute une vie déroulée comme un parchemin jauni.

(…)

« Clé sur porte », le bonheur est trop souvent léger et sans consistance, insipide même, comme l’eau d’une bouteille trop longtemps fermée.

Pour retrouver en notre âme d’enfant, en notre imagination première le véritable goût de la vie ; pour retrouver dans nos espiègleries perdues le sens du jeu et le jeu du sens, il nous faut coller à l’expérience, tout collant de pâte à sucre, comme la joue toute beurrée de la crème des regards aimants.

Malgré leurs charmes certains, certaines sollicitudes ou quelques certitudes sont des portes trompeuses, des farces et attrapes à vous coincer les doigts.

Certaines d’entre elles sont même des portes-appâts plus ou moins mortelles ou des chausse-trappes infâmes, des pièges à conviction ou à certitudes : trop raisonnables : trop logiques, trop vraies, trop droites, trop pures ...

Alors, même si l’une des anagrammes du mot « portes » est « presto », ne l’ouvrez pas trop vite ! Mais ne les bloquez pas non plus, restez sensible aux jeux des portes, au plus léger mouvement et aux sons les plus légers qui les traversent.

Laissez la vie être la vie en vous ! C’est en quoi tout processus de libération est important ; ne fermez donc aucune porte définitivement, elles pourraient bien mener à une vie plus vraie encore, et à votre véritable moi recelé dans ces portes du ciel.

Et puis surtout, ne vous apitoyer pas sur leurs serrures et leurs gonds rouillés, ce n’est que l’oxydation des apparences !

Quoi qu’il arrive, ne vous appuyez pas sur leurs montants, elles pourraient bien s’ouvrir d’un moment à l’autre sur un bonheur insoupçonné !

(…)

(1) Ces rêves récurrents ont chronologiquement commencé après le choc émotionnel que j’ai subit lors de ma mésaventure d’Oraison (Alpes de haute-Provence) ; un accident où j’ai cumulé une commotion cérébrale suite au coup du lapin au bord d’une piscine et la noyade qui a suivie.


LES PORTES SONT DES MIROIRS ÉTRANGES

Parce qu’elles réfléchissent plus largement, à plus de 360° d’inclination, les bonnes portes, celles qui ont du corps, du cœur et de l’âme, sont comme des miroirs qui ne reflèteraient que l’unique transparence.

Elles sont comme des bouches qui ne cesseraient de parler de l’être avec amour, comme des ouvertures qui ne fermeraient point pour laisser filtrer la tendresse, comme des accès à soi-même qui passeraient par les autres, comme des nefs qui donneraient sur l’intérieur de soi, comme des passages embrasés de lumières dorées, comme des ponts fleuris et des ailleurs tout bleus aux couleurs de rosaces, comme des portes qui ne serait ni locales, ni temporelles, avec la transparence nue comme seule issue de secours

(…)

Elles ont beaucoup d’amies et pourtant, elles ne s’ouvrent ni sur Twitter, ni sur Facebook ; mais comme tous les miroirs de la vraie vie, ou pareillement à la surface d’une eau très pure, elles reflètent le ciel dans les yeux des enfants tristes.

(...)

Les portes claquent comme des volets, le vent s’engouffre, la lumière pénètre… alors que les uns hésitent à entrer, les autres franchissent des barrages, certains murs ont des oreilles et certaines portes des mots sur leurs linteaux.

Entre portails, dans l’embrasure du monde, l’ordre et le désordre règnent, parce que l’agitation est dans la matière même plus que dans la tête des hommes.

C’est pourquoi nous sommes des animaux en quête de porte-bonheur, cherchant un précaire équilibre, un zeste d’harmonie dans la profusion des portes-bagages.

L’extérieur n’est qu’une apparence ! Passée, présente ou à venir l’insurrection vient de l’intérieur même plus que des évènements politiques, sociaux et culturels.

Voyez ces échanges bien singuliers, ces dialogues de sourds et ces dialectiques bien trop duelles, ces jeux de portes comme des vases communicants, cette porosité et circularité entre l’intérieur et l’extérieur de l’homme !

Ainsi, en littérature, en musique ou en peinture, ce que l’on trouvait jadis scandaleux est devenu aujourd’hui des classiques ; ce qui était avilissant à une époque ne l’est plus ; en un temps proche de nous, Flaubert, Baudelaire ou Zola ont eu aussi droit aux reproches les plus divers. Ainsi en est-il des Fauves au Salon d'Automne en matière de peinture comme du « massacre du printemps » en musique.

Ce qui était laid hier est beau selon les critères d’aujourd’hui, et l’inverse est aussi vrai ! Qu’en sera-t-il demain et plus tard encore ? Ce qui était jugé ignoble, trivial ou faisait peur à nos ancêtres se montre partout sans vergogne ; même le train ou la tour Effel ont connu leurs virulents détracteurs. Alors que la pire des pornographies est au bout du clic, que les morts jonchent nos écrans plats, les plastinations de Gunther von Hagens ont fait aussi scandale.

Voyez quel drôle de rapport nous entretenons nous-mêmes entre nos animaux familiers, l’animal que nous sommes encore et les animaux que nous mangeons !

(...)

Oui, quel étrange rapport entre l’intérieur de l’homme et les apparences du monde !

Parce que la nature et la vie, sont comme tout réel, constituées comme ces bouteilles de Klein qui ressemblent à des portes ou à des surfaces fermées, sans bord et sans orientation, c'est-à-dire comme de surfaces complexes pour laquelle il ne nous est pas possible de définir vraiment le sens, et ce qui est intérieur et ce qui ne l’est pas !

Nous sommes nous-mêmes des portes folles à lier !

(…)


Comment percer le voir ? c’est bien là la question, la clé de l’âme et la serrure de l’être ; mais c’est à nous de tourner la clenche et à nous encore de pousser la porte !

C'est-à-dire que c’est à nous d’ être là au bon endroit et au bon moment, en des endroits qui ont du cœur comme de Bons Lieux, et en des moments propices qui ont de l’âme; certains nomment cela la providence...

Sous le soleil ou la pluie, en pleine forêt de Fontainebleau ou sur une plage de la côte de Nacre ; dans une piscine de Provence ou un champ de blé de la Beauce, les portes peuvent toujours se « faire présence », peu importe le lieu si vous y êtes vous-mêmes « transparents » pour les autres, au bon moment !

(...)

En plein désert ou en pleine ville, sur les hauteurs du Sinaï ou dans un couloir de l’hôpital des enfants malades; devant une peinture d’Henri Le Sidaner ou emporté par la musique d’Astor Piazzolla ; sur le chemin de Notre-Dame de la Delivrande ou entre deux tombes de cimetières, entre Caen et Charleville.

(...)

Les portes sont rarement des claires-voies aux linteaux certifiés, elles sont rarement là où les rumeurs l’annoncent, rarement là où le disent les traités et les sommes ; rarement là où on les attend de pied ferme d’une attente fébrile, rarement là où on les cherche, et plus rarement encore là où l’on croit qu’elles sont !

Alors, ne la cherchez point dans le résultat d’un percement délibéré et volontaire; elles sont dans les ébrasures de l’être abandonné aux vents, elles sont dans les battants battus dépouillés d’eux-mêmes, car elles ne sont pas de bois, et se montrent ou se révèlent davantage dans la fragilité, dans l’abandon des attentes, vous savez, là où s’entrebâille la vie même pour s’y diversifier à l'infini.

Dans une gare fourmillante de voyageurs inconnus ou dans le silence d’une bibliothèque, dans une église désaffectée, dans un texte d’Henri Michaux, durant l’été indien, sur une route du Québec, comme dans une cave-atelier de Liège…

Les bonnes portes ne donnent jamais l’impression d’être des passages sûrs et certains, car, avec leurs chambranles qui grincent de doutes, leurs tracés paradoxaux, tels ces dessins de M.C. Escher, pleins de torsions à l’épreuve des sens ou dans leur non-sens à l’épreuve de la raison et de la logique, elles sont le contraire des évidences ou l’antithèse même des certitudes.

Ainsi et souvent même, les évènements vous donnent le sentiment d’être face à des murs, à de grandes murailles insurmontables, mais le senti comme le ressenti ment, car nous sommes et nous restons les objets et les sujets de notre génie et de nos folies, les objets et les sujets victimes de nos croyances, de nos perceptions et de toutes nos représentations erronées.

(...)

Si vous cherchez les portes, cherchez-vous d’abord !

Car en dehors de nos convictions profondes, dans l’entrebâillement des doutes, la pluie des questions, le vide nous appelle pour se faire porte en nous, c’est entre l’entrée et la sortie que tout se joue, entre les « je » et les « en-jeux », dans cette subtile relation entre l’intériorité et l’extérieur, tout en sachant bien qu’une porte comme un train peut en cacher (un) une autre !

(…)

En des jeux de judas, de guichets, de heurtoirs, de serrures ou de loquets, jeux de portes variées, de clivage, de passage d’image en mot, de lieu en un autre, les portes sont des métaphores battantes et les paraboles des portes à ouvrir.

Mais quelle est cette porte que porte l’homme en lui comme une croix trop lourde, quelle est cette porte qui porte l’homme à chercher à pénétrer ou à sortir, cherchant des solutions à ses problèmes ?

Toutes les portes sont-elles des signes et tous les signes sont-ils des portes porteuses de sens ?

Quelle condition porte l’homme à se fermer pour se protéger ou à s’ouvrir pour se dépasser ? et comment se porte-t-il vraiment cet homme qui n’est pas « en corps » ou qui ne l’est qu’en mot ?

Mais au-delà des discours et des mots qui le causent, des dictionnaires qui le définissent ou des préjugés qui le finissent, de quelle porte vient-il et quelles sont ses portées et ses intention ?

Vous aussi, bien sûr, vous pouvez vous porter volontaire et même vous supporter, passer de porte en porte, car vous êtes curieux, zélés parfois, courageux souvent, motivés plus que de raison, prêt à ouvrir n’importe quoi, n’importe où , prêt à entreprendre des voyages sans fin.

(…)

Oui, elle est bien surprenante et même surréaliste cette réalité dite humaine que nous portons à bout de bras !

Entre l'enceinte de la ville et les portes du ciel, les démiurges de tous bords ont semblent-ils spécialement aménagé l’homme pour qu’il serve de lieu de passage :

L’homme serait en réalité la seule porte vers le ciel ?

Mais ici, sur Terre, dans un monde où les fausses portes abondent comme les détritus, où elles sont suréquipées comme des cuisines et des voitures, quelle porte nous faut-il discerner, choisir et prendre ?

Dilemme ! Encore nous faut-il apaiser les maux de passage, et détenir les bons mots de partage, en des réalités complexes où sans cesse se mêlent les jeux de mots et les mots de passe.

(...)

Qu’il s’agisse d’entrer ou de sortir, chaque passage, chaque seuil, chaque rencontre, chaque départ ou arrivée, relèvent d’une liturgie relationnelle, avec ses rituels, ses empiétements, ses poignées et trous de serrures, ses gons psychologiques et biologiques permettant de pivoter sur soi-même afin de s’ouvrir aux autres.

S’ouvrir est donc un acte sacré et un geste très important !

Porte nous-mêmes, porte soi-même comme un porte-flambeau, on ne s’ouvre pas n’importe où, n’importe comment, et à tout moment.

Les portes sont faites de matière vivante, charnue, sensuelle, moite et rêche, vive, crue et nue… c’est la raison pour laquelle, afin de réconcilier l’intérieur avec l’extérieur, on ouvre davantage à l’être plutôt qu’au paraître. Certaines s’ouvrent à gauche, d’autres à droite, à L’Est ou au Nord…, chacune a sa personnalité de charnière, son caractère d’ébrasement, ses panneaux et béquilles, ses états d’âme et son listel bien à soi.

Quelle que soit la porte, n'entre jamais en littérature, en politique ou en religion... tu ne changeras rien en toi ni dans le monde, mais eux te changeront !

Pour créer le vide en toi, ouvre plutôt la porte, remplace tes pensées par le vent, et entre, entre le Ciel et la Terre, laisse-toi emporter au-delà des lignes, des digues, des marges, des partis et des croyances erronées.

Il y aura toujours quelques portes à franchir, quelque digue à prendre, des apparences à percer, des certitudes à dissoudre… Alors, va en toi, va en connaissance cause et en reconnaissance de grâce; il y aura toujours en toi des plages de sable brûlant, des champs de pavot rouge sang et des digues à passer, des traversées à faire, des illusions à vaincre et des portes qui résistent...

Portes de marbre, portes de nacre, portes mystiques ouvrez-vous en moi-même !

Comme dans ces extraits d’Aurélia, de Gérard de Nerval

« Quand sa houssine légère toucha la porte de nacre de la Jérusalem nouvelle, nous fûmes tous les trois inondés de lumière. C'est alors que je suis descendu parmi les hommes pour leur annoncer l'heureuse nouvelle. »

« Pourquoi, me dis-je, ne point enfin forcer ces portes mystiques, armé de toute ma volonté, et dominer mes sensations au lieu de les subir ? »

(…)

Regardez-y à quatre fois, les gares de transit sont nombreuses autour de nous, mais nous ne les voyons pas, les trouées existent, mais nous ne percevons que des murs !

Comme les passagers se cachent derrière des masques, les passages se dissimulent derrière les apparences, attention aux mirages !

Les couloirs sont larges comme ceux du métro, mais nous les imaginons minuscules au point d’étouffer nos attentes et aspirations ; et par contre, nous serions tentés de prendre les autoroutes aux bandes trop évidentes pour être de bons passages ...

Laissez vos valises et vos malles trop lourdes sur le seuil !

À travers un lieu donné, il est des portes données, mais là où il y a des quais, des traverses et des rails, il est toujours la possibilité de franchir quelques pas.

L’homme est un être en transit, un être de transit, un passager du suspense en suspens, tout crispé dans l’attente et la virtualité.

Toutes les portes sont spatiotemporelles, ce qui ne l’est pas ce sont nos capacités à connaître et à reconnaître, nos aptitudes à accepter et à pardonner, pour nous engager et passer enfin.

(…)

Goutte à goutte, comme l’eau se mélange au vin, un p'tit coin de ciel bleu dans la grisaille de la nuit révèle la lumière ; c’est là l’un des miracles de la vie !

De même, les prodiges se succèdent ; les yeux de mon épouse Éliane sont comme des vitraux de Chartres, ils se font transparents pour laisser filtrer ou passer la lumière, d’où les yeux bleus de mes deux fils et le regard pétillant et azuré de mes trois petits-enfants. Car de génération en génération, tout communique sur terre et dans le ciel.

Sur la palette des jours, l’azur du haut avec celui du bas, se joue des vases communicants, c’est le chant cristallin des horizons qui passe sur les champs verdoyants des campagnes.

Le lapis-lazuli le plus pur de nos rêves s’épand sur nos vies, comme la terre s’éprend de chance, d’où l’importance de rêver de portes bleues et de porte-bonheur !

Ainsi, les portes elles-mêmes s’inscrivent dans quatre dimensions, qu’elle soit temporelle et matérielle, virtuelle, locale ou infinie ; qu’elle relève du verbe et du langage, du social ou du psychologique, du biologique ou du spirituelle…

Tout communique entre elles et par elles tout est lié, tout est liant, et forcément, tout est liens.

Le grand défi est de les tenir ensemble pour l’ouverture la plus grande possible, sans replis, sans fermeture, en laissant l’esprit des choses circuler librement entre elles.

La porte du fumier peut cacher une roseraie, dans les nuances de bleu les portes sont parfois des rideaux rouges, comme des coulées de sang ; ou des voiles de papier comme dans un grand livre ouvert ; des portes d’or pur ou bien d’argent frappé de sceaux divers ; des portes de rubis et de diamant, des portes de sagesse, des saillies dans le roc, des paroles sur un mur …

De la porte des brebis aux portes des hommes libres, nombreux sont les gués à franchir, affranchir l’homme de l’animal n’est pas simple !

D’entrée de jeu, de matière, nous venons au monde à la porterie, comme des orphelins de passage.

Au fond, le seul et véritable critère d’une porte, c’est sa promesse, ou plus exactement, l’ouverture qu’elle promet.

Si parfois, elles sont par grâce ou par chance les portes d’un tabernacle ou celles d’un temple (saint ou sain), les ouvertures peuvent aussi se transformer en sombres oubliettes, en lieux d’infraction ou d’infestation.

Pour cheminer, le savoir et le pouvoir sont plutôt des obstructions, ainsi l’outrage qui consiste à colmater, violenter ou forcer une porte, ne mène à rien !

Chacun ses portes et son chemin, nous devons reconnaitre et accepter que l’autre puisse faire des choix différents des nôtres, et que nul n’a le privilège des portes et des ouvertures quelconques.

Franchir les portes de la vie est toujours un portement de croix.
Qu’elles soient des voiles légers, des pierres d’angles ou des failles douloureuses, chaque porte peut-être une porte de salut si nous la prenons humblement.

Un élan d’enthousiasme, un dégagement comme un humble engagement, des portes comme des voiles dans le vent ou des rideaux rouges qui s’ouvrent sur la vastitude des choses possibles, des portes d’espérance comme des poignées tendues, des clenches de tendresse, des accès à la compassion… t’elles sont les portes multiformes, en relation avec le monde.

Étroit ou pas, ce qui n’est pas facile est fertile, entre l’intelligence et le cœur les chemins convergent, les rideaux s’ouvrent sur les horizons les plus divers, mais sur la scène, tout signe extérieur de pauvreté ou de richesse reste toujours obscène !

En surimpression avec le ciel, voilage céleste entre le dedans et le dehors, c’est un théâtre à portée d’horizons.

Les pensées engagées et même les actes d’amour ne suffisent pas pour s’engager vraiment dans les sombres couloirs, et franchir le souffle court les étranges portes du théâtre de la vie. Quand j’y pense, sur le seuil des portes, je n’engage que moi seul, mais combien restent là, la valise à la main pleine d’attentes douloureuses ?

Chacune de nos portes passées, présente ou à venir, garde l’ombre tiède de nos passages incrustés sur le seuil ; les perrons ne protègent ni du temps ni de l’oubli.

Comme la main nue sur la poignée de la porte tourne dans le sens de la vie, les clenches successivement sont comme le prolongement de notre être, nous sommes, mais nous sommes là où nous sommes passés.

(...)

CONCLUSION


Conclusion


Des portes comme lieux de passage et de traversée

Chaque porte interpelle le corps, l’âme et l’esprit, elle appelle notre rapport au monde, elle sollicite l’intention et l’engagement, invite le passage de la réserve, du contrôle et de la prudence à l’abandon de plus en plus réel.

Passage de l'Égypte, terre d’angoisse et de contraintes, au Pays de soi-même ; comme la traversée d’une montagne, d’un désert, d’une mer ou d’une quelconque épreuve ; il s’agit de quitter ce qui n’est pas vraiment nous-mêmes ; de laisser derrière nos « Moi » encombrés et encombrants, Ninive, Babel, et tous ces lieux de colères des sages et des prophètes, pour aller jusqu’au pays qui nous est donné en héritage : notre vrai moi.

Passage de porte en porte, traversée du sentiment d’indignité à la véritable différenciation de chaque enfant de la terre, dans la différence et la diversité des êtres.

Passage, de l’errance de Caïn à celle du fils prodigue, de la déportation, de l’éparpillement jusqu’au moment de vivre unifié dans l’instant présent.

Traversée de la fusion à l’autonomie, de la confusion à la communion, de l’égoïsme au don de soi. Laissant sur le seuil nos culpabilités, vraies ou fausses, avec en mains les pardons recueillis comme un bouquet de tendresse.

Passage des « Nous » mortifères et des « On » névrotiques, jusqu’aux portes du « Je », du vrai « je » le plus unique.

Passage des gués, des ponts, des portes et des portails, de pas en passes, de renoncements en abandons successifs, par le dépouillement ou la dépossession de tout ce qui n’est pas nous-mêmes, dans l’ouverture béante des doubles battants de la providence.

Traversée, de la plainte jusqu’au seuil de cette douce complainte qui finit par se faire chant de louange et action de grâce à la vie, à la nature …

Traversée des humiliations jusqu’à la conquête de la véritable maturité ; voyage de la désaliénation.

Passage. Passage des paroles qui humilient à celles qui guérissent en profondeur.

Des portes de la peur et du repli sur soi, jusqu’à l'ouverture recentrée sur l'autre.

Portes des épreuves à la preuve de la guérison d’un moi envahissant.

Traversée d’une funeste passivité à l’action même de sa propre vie ; passage de la victimologie à la pleine responsabilité ; du sentiment d’infériorité au courage d’être soi, debout et vivant.

Passage de cette animalité qui nous tient à cette humanité qui nous appelle. Passage des éternels sabotages aux réalisations joyeuses et paisibles, passages.

Passage de l’esprit de mort, des pulsions autodestructrices, à l’émergence et à l’émerveillement d’un vrai moi reconquis.

Délivrance !

Passage, de réconciliation en union, de pas en pardon, du vieil homme à l’homme nouveau qui sommeille en chacun de nous.

De la paranoïa à la métanoïa ; de l’inhibition à l’initiative, passages de portes. Traversées, aventure, voyages, du pays des utopies, des fuites, des régressions et autres balbutiements, jusqu’aux portes accueillantes des imprévus et des inconnues de la vie.
Des résistances aux vraies motivations ; des dysfonctionnements divers à l’harmonie retrouvée. Passages de passage. Du prozac aux projets épurés de la vie, comme rencontre de deux désirs, comme convergence de toutes les portes.

Passages, du sentiment d’envahissement et de rejet à l’altérité.

Traversée !

Passage des gués pluriels, des convictions rassurantes, des certitudes de carton mâché, des jugements intempestifs, des préjugés et croyances erronées à une vie adulte et plus humaine.

Passage des compensations à l’équilibre, des ténèbres à la lumière, de l’incapacité d’être aux actes de vie et d’espérance.

Passage des fractures de l’âme à la défragmentation de l’Être ; des voies, des passages de la déprime, de la haine de soi, de la rébellion à la prime et au courage d’être vraiment soi.

Passage de la dépendance à l’autonomie retrouvée. Portes et chemins de passage …

Jamais d’impasse avec la vie, rien que des invitations à la diversité, à la différence, à l’individualisation, comme des visitations, des révélations, des des traversées ininterrompues, rien que des portes à portée de mains tendues.

C’est à travers les portes, les évènements, les plaies vives et les souffrances que l’on peut se découvrir, tel un dévoilement de notre vrai visage et de celui de la vie.

Entre les portes à faux et l’équilibre instable, de passage en passage, porte après porte comme en miroir de notre propre visage, il nous faudra réaliser et révéler dans ce porte à porte, nos propres conflits, nos choix, pour devenir enfin nous-mêmes, « Être » et réaliser ainsi notre propre vie.

Les évènements et autres circonstances de notre existence nous parlent d’une seule et belle aventure, la vie, et ils nous poussent à explorer nos propres profondeurs, pour les rendre davantage transparentes.
N’est-ce pas là le jeu même des portes et l’enjeu du devenir ?

Sur le chemin, chaque « Parole » d’espérance, chaque événement lumineux, chaque entrebâillement est comme un encouragement ; une porte communicante, une traversée parfois difficile, mais un passage toujours possible, un long voyage comme une Odyssée.

Telle la Passagère du silence de cette grande calligraphe Fabienne Verdier, passer la porte, c’est parfois devoir tout quitter du jour au lendemain, changer de lieu pour aller vers soi-même, jusqu’aux confins de l’illusion, afin de passer du mirage au miracle. Car, à la lumière de la vie, les fruits de nos blessures et de nos vieilles fermetures sont comme des perles pour le monde ; des trésors dans des vases d’argile.

Alors, sur nos tas de ruines, dans nos fractures, nos failles et embrasures, toute parole entendue comme une porte ouverte, restera toujours comme un appel à aller plus loin, un appel à se laisser restaurer dans un cœur à cœur, au cœur même du monde, pour construire notre seule et unique histoire.

En définitive, chaque porte c’est un peu l’expérience d’une limite qui recommence ; ainsi, la vie, les événements nous aident à éprouver, de l’épreuve à la preuve, tester, vérifier les limites de « l’être en soi » qui se meut en nous.

Chaque porte permet d’entrer dans la complexité et la diversité même des choses de la vie, mais le plus souvent nous ne sommes pas présents à cette présence des portes, comme le plus souvent nous ne sommes pas dans le contact avec la vie et dans l’instant présent, alors nous passons d’une pièce à l’autre, d’une porte à l’autre et d’une scène à l’autre, comme ça, sans en avoir vraiment conscience.

Pourtant, chaque porte, chaque passage est une expérience unique une aventure souvent fascinante.
Alors, prenons ensemble cette porte qui va du lieu de rien au lieu de soi !


Extraits de Portes, La dialectique du passage.

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