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■ Magnolia
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2012-10-15 | |
Illustration : Paul Delvaux - Hommage à Jules Verne, peinture (détail)
Les mots eux-mêmes s’habillent d’un voile de métaphores qui embrouillent nos idées et nos regards. Je ferme les yeux pour sortir de la voie, du train-train quotidien, mais rien ne se passe, rien ne se casse. Un poème c’est comme une carte, mais la carte n’est pas le territoire et la raison a ses chemins que la raison ne connait pas ! Alors quelle mappemonde suivre pour ne pas se perdre, ne pas mourir au meilleur de soi, oui, quel train prendre avec quel ticket sans retour ? Toutes les voies semblent saturées par d’impossibles destinations ; il ne reste que des traces de passage, avec un peu de sens mêlé au sang des voyageurs; quelques mégots de cigarette, un papier de bonbon, un préservatif, des images égarées entre deux banquettes vides, des souvenirs de visages tournés vers des paysages fuyants, comme des souvenirs qui retournent au passé. C’est un chemin de soi qui s’étire sans fin, quand va-t-il se rompre comme une belle amitié ? Les mots qui accompagnent l’étrange voyageur, par l’entremise du ballast, semblent passer par toutes les alchimies de l’amour et des émotions. Le rail martèle le pouls, quand les wagons passent les ponts par l’alambic des mots, des mots de chemin de fer qui ont cette capacité, ce pouvoir de nous déplacer, de transformer l’espace au jeu des locomotives, sur des convois rapides comme la tentation de fuir. C’est l’express qui va du cœur à l’âme, de l’âme à l’œil, celui qui me coupe les lèvres de ses perspectives tranchantes ; morsure du rail, épanchement des encres, comme coule la semence fondue dans des effets de style qui sentent le plomb et rarement l’or. L’horaire s’affiche, tout bizarre avec ses 26 heures 63 minutes de battements obsessionnels comme bat le temps au bal des veines. Triste train qui roule des R comme une traînée de fumée, de gare en gare, les villes s’affichent comme des néologismes, des effets de phonèmes qui semblent liquéfier les pensées du voyageur solitaire, des pensées qui nécessitent un décryptage comme les chants de sirènes ou l’énigme d’un Sphinx. La ligne 25 doit être divisée par le nombre d’abonnements... c'est impossible ! Dans les profondeurs de soi, par l’athanor du langage, c’est comme une grande turbulence, le jour se lève à son aise, pour éclairer ma part d’ombre. Les stations sentent la peinture fraîche, avec ce goût de coquelicots écrasés et cette forte odeur de térébenthine. Dessinés par James Ensor lui-même, les rails comme les dents ont des nerfs et des racines profondes, et des côtes de squelettes en chêne foncé. Dehors, les chefs de gares déroulent leurs parchemins de chairs tatouées, en faisant de grands signes obscènes avec des petits drapeaux honteux et des jeux de lumière pour voyeurs et voyants. J’espère encore, comme passent et repassent le train des questions sur le chemin du faire... Mais avec moi, pauvre navetteur errant, seules les vaches en extase semblent encore ruminer et connaitre la mélancolie et le mystère des voies ferrées et des voyages intérieurs. C’est le dernier train du soir, bonsoir ! Comme dans l’œuvre de Paul Delvaux, sur les quais froids, je me déshabille aussi, je retire ma peau d’écorché, j’ôte tout ce qui me reste d’humain pour gommer les apparences. Avec moi, il y a de jeunes femmes nues et des hommes habillés en costume et cravate comme des cadres de Microsoft ; ils ont des sexes virtuels surréalistes, des PC portables, des GSM ultras puissants avec des antennes au gland, pour ne plus faire qu’une seule chair numérique ou digitale avec la voie ferrée, comme pour féconder les lèvres paradoxales de l’avenir qui s’ouvrent entre la gare de l’éternité et celle de l’infini. La morsure du rail (extrait de Voyage)
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