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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2009-08-03 | | Inscrit à la bibliotèque par Guy Rancourt
Toi dont je répandrai le sang grâce à l’amour ô ma vierge qui allumes la lampe
Ouïs le son profond des canons qui t’acclament et t’accueillent ma reine Ouïs les cliquetis des épées qui t’appellent ô très belle victime Toi dont je pénétrerai la chair jusqu’à l’écume ardente où la chair et l’âme se convulsent ensemble Ouïs le cri terrible de la tempête qui te secoue mon beau vaisseau Toi dont la croupe libre se balance ainsi qu’un beau vaisseau sur la mer parfumée Toi, temple dont je serai le prêtre ardent et dévot et farouchement unique Entends monter le cri d’amour d’une armée qui soupire vers l’amour D’une armée de fidèles qui n’adorent que le terrible et belliqueux dieu de l’amour attols singuliers de la guerre Coraux de tous les bonheurs Belles fleurs inécloses des aveux de l’espoir Ô mon tendre amour Madeleine un tremblement léger mon haleine ton haleine ô Madeleine Une goutte de pluie par pitié sur notre très cher Amour ô Madeleine Toi dont la pensée me secoue comme Samson secouait le temple de Dagon Toi dont les seins cupules adorables se tendent vers moi si loin que je passe sur eux comme sur un pont de roses un pont double de neige au soleil pour venir jusqu’à toi Imagine les canons tendus terriblement comme mon désir vers l’ennemi. Toi qui es si belle, ô beauté, que le monde est un socle pour ton apothéose Envoie-moi tes seins comme des pigeons voyageurs pour me dire ton amour Non, garde-les plutôt dans le doux colombier et dis-moi le roucoulement des deux colombes aimées Ô figue mûre et secrète que je désire, dont j’ai faim je ne serai pas un sycophante Écoute les mots les plus tendres, ô Madeleine, écoute mon oraison Madeleine Écoute-moi tout près de toi malgré l’éloignement te dire que je t’aime Ô Fée qui te transformes selon ma volonté en panthère ou en cavale Toi qui es selon mon désir une divinité ou bien un ange Toi qui es si je le veux la princesse vierge et lointaine ou la femme ardente ou la reine cruelle Toi qui es aussi quand je désire ma sœur exquise ou l’adorable esclave Toi qui es le lys, Madeleine aux beaux cheveux et toi qui es la rose Toi qui es le geyser, toi qui es la sagesse toi qui es la folie ou l’espoir aux yeux graves Toi qui es l’univers tout entier j’ai soif de tes métamorphoses Gui aime Madeleine je t’aime ma Madeleine Je t’aime Gui. (Poème de Guillaume Apollinaire, In Lettres à Madeleine, 9 octobre 1915)
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