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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2013-07-09 | |
Heureux comme un pape, Florian entame son service à l’aube. Sous sa casquette et ses sourcils broussailleux, il charge le combustible et l’eau, graisse les parties mobiles, met en chauffe le foyer en attendant que monte la pression et siffle la dernière chanson en vogue. Gai comme un pinson, Florian est d’une nature enjouée et positive. Et lorsqu’il prépare son train au voyage lui vient aux lèvres les plus joyeux proverbes et expressions.
Haut comme trois pommes déjà il rêvait devant ces luisantes locomotives qu’il voyait passer en rugissant et qu’il imaginait parcourir le monde. Rêves de voyages, songes de paysages, qui bien souvent lui valaient des réprimandes par son instituteur. « L’oisiveté est la mère de tous les vices » n’avait-t-il de cesse de lui répéter, sous les rires approbateurs et bon enfant de ses camarades. Lorsqu’il creuse le charbon dans le tender et verse sa sueur dans le foyer ces mots parfois résonnent en lui comme un moteur. La nostalgie de ce professeur qui lui faisait tant de mal pour son bien. Aujourd’hui Florian ne rêve plus. Il est mécanicien de locomotive ! Conducteur de sa vie ! Au petit matin il se lève, bon pied bon œil, prend son petit déjeuner, puis, fier comme Artaban, il embrasse sa femme et ses enfants et s’en va mener au loin sa locomotive avec Max le conducteur, son ami quelque peu taciturne. Pendant que la pression monte dans la chaudière, il se plait à observer les hommes qui chargent les wagons, devisant avec eux sur la meilleure façon de remplir l’espace et de répartir la charge. Florian aime prouver son intelligence à qui mieux mieux ; péché d’orgueil n’est pas mortel aime-t-il répondre à Max lorsque celui-ci le lui fait remarquer, n’hésitant pas à se moquer parfois de l’extrême irritabilité que ce dernier montre lorsqu’on charge les wagons avec rudesse. Enfin le départ arrive. Florian tire sur le sifflet, espiègle comme un enfant sous le regard hagard et circonspect de Max qui actionne la machine à grand bruit. Tout au long de la route Florian se plaît à faire la conversation à son laconique acolyte, tantôt encore s’émerveillant sur les plaines en neige, tantôt vantant la puissance de la machine grâce à la précision de ses réglages, tantôt prenant quelques fois le temps au printemps de cueillir des fleurs pour sa Suzanne lors d’un arrêt impromptu. Parfois lorsque le vent caresse ses joues sous la pâle clarté du soir, Florian se laisse aller à faire des vers. « Poète à ses heures, pouet à seize heures » ressasse-t-il avec fierté, espérant faire sourire Max qui demeure impassible. Florian aime se penser poète et se revendique parfois cabot.La barbe au vent, grisé par la vitesse et quelques litres de bière, le mécanicien s’emporte et peste quelques fois, pour tout et rien, à propos du silence accusateur de Max qu’il ne comprend pas, à propos de l’odeur des wagons à bestiaux qu’ils transportent, du travail de nettoyage que ça nécessite. Déjà que sa Suzanne rouspète lorsqu’il rentre les mains pleines de graisse. Mais les mains noires font manger le pain blanc se rassure-t-il comme toujours à grand coup de proverbes. Florian le besogneux n’est pas du genre à rechigner à la tâche. N’a-t-il pas la chance de travailler et d’accomplir ses rêves ! Car quoi, l’oisiveté est la mère de tous les vices ! Demain il accomplira sa tâche avec zèle et précision et repartira sillonner le monde à grande vitesse. Comme le dit l’écriteau là bas au loin, « Arbeit macht frei ».
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