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Ecrire en Israel
communautés [ écrivains israéliens d`expression francaise ]
Francine Kaufman

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
par [marlena ]

2004-08-09  |     | 



Ecrire en langue étrangère sur la terre d'Israël, c'est inscrire sa langue maternelle dans l'espace paternel...se consacrer à la culture de fruits hybrides et insolites.
Je me souviens: nous progressions avec difficulté, retenant nos pas pour ne pas glisser sur ce sentier rocailleux encaissé dans les montagnes du désert Sinai. Nous étions partis tôt le matin, pour éviter la chaleur incandescente et sèche du midi et une légère brise soufflait. Soudain, un étrange verger nous apparut, d'une luxuriance extravagante dans ce paysage désolé. Epousant la forme des promontoires, des arbres noués et tourmantés s'arc-boutaient à flanc de coteaux. Leurs racines plongeaient au coeur de la pierre; là où survivaient sans doute des plages humides conservant la trace de ces rares pluies d'orage qui visitent de loin en loin les hivers du désert. Notre guide nous fit remarquer, entés sur les plus hautes branches des arbrisseaux, quelques rameaux plus graciles, au feuillage différent. C'est ainsi que les bédouins et les moines de l'endroit font pousser des fruits inconcevables dans ce climat farouche, pêches, poires, abricots...corbeille de quatre-saisons rapportées d'ailleurs, aux senteurs délibérément exotiques dans cet air que respirèrent les Hébreux. Sans la robustesse et la frugalité des racines et des troncs centenaires, habitués aux rudesses des nuits froides et des hivers fantastiques et à l'implacable ardeur de l'été, les frêles branchages porte-fruits ne survivraient pas. Mais à quoi bon la ténacité du porte-greffe s'il restait stérile et désolé?
Ainsi le peuple d'Israël reprend vie sur sa 'terre-porte-greffe', juifs accourus des quatre coins de l'horizon, entés sur des troncs aux racines ancestrales. Ainsi donne-t-il des fruits étrangers, hissés à bout de branches par des arbres bien d'ici.
Ecrire en langue étrangère sur la terre d'Israël, c'est prendre appui sur le sol ingrat mais infinement patient qui a nourri la culture qui est la mienne, s'arc-bouter au paysage de feu et de rocaille d'une Jérusalem hiératique que j'imaginais dans mon enfance parisienne aux bords de Seine et qui s'orne sous ma fenêtre d'une verdure soigneusement entretenue de main d'homme.
Mes mots, mes images viennent de France, polis par des siècles de pratique.
L'hébreu ne m'a été donné que tardivement. Trop tard pour espérer qu'il devienne, jamais, une seconde langue maternelle. Je l'ai pourtant appris avec tant d'amour que je connais chaque détour, chaque étape de son histoire millénaire. Je plonge, avec une familiarité qui continue de m'éblouir, dans les textes de la Bible, du midrach, de la prière, de la poésie médiévale, des écrivains de la Haskala et de l'époque contemporaine. Mais je n'ose pas me risquer à écrire en hébreu les poèmes et les textes qui s'imposent à moi et exigent d'être mis en mots...Car mes mots à moi me viennent tout naturellement en français; sans ma langue de mûrissement et d'étude, avec laquelle j'entretiens toujours des relations sensuelles et jalouses. Mes rythmes sont ceux des vers et de la prose qui ont forgé mes outils d'écriture. Mes fruits sont parfumés des senteurs de l'Europe policée, raffinée, subtile et comblée de dons généreux par une nature luxuriante. Mais mes racines plongent loin avant dans le sol aride et têtu de mes ancêtres hébreux et mes thèmes, mes sujets d'écriture se nourissent de la réalité cruelle et miraculeusement vivante qui surgit en terre d'Israël.
Israël, le judaïsme, l'hébreu, voici mon porte-greffe, la source de ma force et de mon inspiration. La douce France et ses sonorités tant aimées viennent s'y greffer et fleurir pour donner un fruit inattendu dans cet Orient bien réel, où résonnent encore les impressions de voyage de Chateaubriand et Lamartine.
Que comprennent-ils à cette identité hybride ceux qui demandent de choisir, de trancher dans le vif et de rejeter soit les racines, soit la ramure rapportée?
Ecrire en français dans la Jérusalem d'en bas, c'est pour moi vivre arc-boutée en position instable sur un chemin rocailleux, pour produire des fruits d'autant plus précieux qu'ils sont inattendus parce qu'ils apparient et font fructifier ensemble deux sources de richesse inaliénables, qui toutes deux sont miennes et me constituent.

Francine Kaufman
in Continuum N° 1



Francine Kaufman: traductrice, journaliste et poète; enseigne la traduction à l'Université Bar-Ilan; auteur d'un livre sur André Schwarz-Bart; auteur d'une anthologie de poésie hébraïque; a collaboré à l'Anthologie de la poésie en hébreu moderne - Ed. Gallimard.

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