Le Festival d'Avignon, né après la deuxième guerre mondiale à l'initiative d'un Jean Vilar convaincu que le théâtre devait être fourni au public comme l'eau, l'électricité et le gaz, prend, avec une équipe directoriale rajeunie, un nouveau visage militant, mais aussi provocateur et européen.

A cette programmation de la 58e édition (3-27 juillet), engagée dans son époque, s'ajoutent les questions posées par le problème, -spécifiquement français-, du statut de l'intermittence des artistes et des techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel. Ce statut a été remis en cause il y a un an, par la modification, -toujours en discussion-, du système d'indemnisation du chômage de ces catégories.

Le Festival Avignon (In et Off) ayant toujours été un lieu de débats, les intermittents dont la pression a conduit à l'annulation de l'édition 2003 du In, ont à nouveau transporté leurs actions - manifestations de rue, interpellations des responsables politiques, tables rondes, débats publics etc... - dans l'ancienne cité des Papes.

Le maître-mot de la coordination des intermittents, scandé et brandi sur des pancartes, est cette année "Abrogation" (ndlr de l'accord du 26 juin 2003 sur le régime d'assurance-chômage des artistes et techniciens).

La dimension européenne du festival 2004, voulue par les directeurs Vincent Baudriller et Hortense Archambault, s'affirme dans le choix pour cette édition, comme "artiste associé à la programmation", du metteur en scène allemand Thomas Ostermeïer, directeur de la Schaubühne Berlin dont la troupe est présente à Avignon et joue en allemand avec surtitres.

Cet homme de théâtre, né en 1968, "donne vie à un théâtre engagé dans la réalité sociale, civique et politique", explique le tandem Baudriller-Archambault. Ces derniers revendiquent leur festival comme "un rêve d'artistes et de passionnés".

Le public peut prendre la dimension de l'engagement d'Ostermeier avec sa "relecture" du "Woyzeck" de Büchner qui l'a amené à transformer la cour d'honneur du palais des Papes, en no man's land de banlieue occidentale, surmonté de trois agressifs panneaux publicitaires. Woyzeck n'est plus un soldat simplet, mais un "sans voix" d'aujourd'hui, victime de la violence urbaine (jusqu'au 11 juillet).

Ostermeïr est présent au festival avec trois autres spectacles. Il a convié aussi des réalisations de théâtre et de danse de confrères européens engagés artistiquement et (ou) socialement.

Ces personnalités viennent de Belgique (Luk Perceval, Jan Lauwers, Jan Fabre), d'Italie (Pippo Delbono), des Pays-Bas (la troupe ZT Hollandia), de Suisse (Christophe Marthaler), d'Espagne mâtinée d'Argentine (avec Rodrigo Garcia), de France (avec entre autres l'équipe François Bon-Charles Tordjamn ou avec Bernard Sobel).

Il y a aussi à Avignon deux des compatriotes aussi radicaux que Ostermeïr, mais différents, Frank Castorf (né en 1951 et ayant vécu en RDA) et René Pollesh (né en 1962 en RFA), animateurs de la Volksbühne Berlin (ex-Berlin-est).

Le spectacle de Castorf "Cocaïne" d'après le roman sur la décadence d'un héros libertin des années 20 de l'Italien Pitrigilli, donné seulement trois fois en allemand, a suscité des premières réactions contradictoires : "une stérile démonstration de virtuosité physique et dramatique" selon Le Figaro, "une course à la mort (...), un grand concassage...mais Castorf brise sans saccager", écrit Libération.

vendredi 9 juillet 2004, AFP.