Le Festival d'Avignon, le plus impressionnant rassemblement culturel estival français, inauguré le 3 juillet avec un spectacle de rue qui fera parler les habitants de la ville par le truchement de la vidéo, est à un tournant de sa riche histoire.

Après l'annulation des spectacles l'an passé en raison du conflit des intermittents, le ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, s'est déclaré samedi soir "confiant" dans la bonne tenue du festival.

Cette 58e édition (jusqu'au 26 juillet) a été conçue par Vincent Baudriller (né en 1968) et Hortense Archambault (née en 1970) qui composent la nouvelle et première équipe directoriale qui n'a pas connu le père-fondateur Jean Vilar (1912-1971) et n'a pas pu voir ses spectacles.

Ouvrir Avignon dans la cour d'honneur du Palais des papes comme cela s'est toujours fait, ne correspondait donc pas pour ce tandem à une nécessité. Il brise même un tabou, en affichant comme premier spectacle dans cette symbolique cour d'honneur une production en langue étrangère avec surtitre, le "Woyzeck" de Büchner, qui sera jouée du 8 au 11 juillet par la Schaubühne de Berlin. Lui succèdera, il est vrai un "Peer Gynt" d'Ibsen en français par le Théâtre de l'Odéon de Paris du 16 au 25 juillet.

Paul Puaux, premier directeur après Vilar, était son collaborateur le plus proche et entretint la flamme d'un théâtre populaire et civique. Les deux directeurs suivants, Alain Crombecque et Bernard Faivre d'Arcier, avaient eux fait le pélerinage d'Avignon du temps de Vilar, qui restait à leurs yeux une "exigence" et une "référence".

Le tandem Baudriller-Archambault reprend le flambeau après l'annulation de l'édition 2003 sous la pression des intermittents du spectacle.

Le Berlinois Thomas Ostermeier, co-directeur de la Schaubühne à Berlin et metteur en scène du "Woyzeck", a été associé à cette édition et les années prochaines d'autres artistes prendront le relais : l'homme de théâtre et plasticien flamand Jan Fabre en 2005, le chorégraphe franco-hongrois Joseph Nadj en 2006 et le metteur en scène français Frédéric Fisbach en 2007.

"Le festival 2004 ne sera sans doute pas +normal+, affirme Vincent Baudriller: il succède à une annulation, il s'approche dans un contexte politique et social complexe, mais cette complexité même peut rendre le rassemblement du public autour de nos métiers plus fort et nécessaire".

Ouvrir la manifestation avec un spectacle de rue par la compagnie lyonnaise KompleXKapharnaüm correspond en outre pour la nouvelle équipe directoriale à la volonté de "rapprocher le festival de son public local". La réalisation, déambulatoire, fera parler les habitants de la ville en projetant leurs visages et leurs paroles sur les facades de la cité.

Cette implantation locale, le tandem Baudriller-Archambault y tient beaucoup. "A tort ou à raison, commente Vincent Baudriller, le festival pouvait donner parfois l'impression d'une entreprise parisienne plus ou moins fermée. Ce n'est pas un hasard si nous avons repris le symbole des trois clés (NDLR Marcel Jacno avait imaginé ce graphisme dès les premiers Festivals d'Avignon): il s'agit de rouvrir le festival vers la ville, vers les artistes, vers le public".

dimanche 4 juillet 2004, AFP.