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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2006-11-13 | |
«Les bourreaux ne parlent pas, ils n’ont pas de parole»
Présentation de l'éditeur " En fait, j'aurais tout aussi bien pu ne pas écrire. Après tout, ce n'est pas une obligation. Depuis la guerre, je suis resté un homme discret; grâce à Dieu, je n'ai jamais eu besoin, comme certains de mes anciens collègues, d'écrire mes Mémoires à fin de justification, car je n'ai rien à justifier, ni dans un but lucratif, car je gagne assez bien ma vie comme ça. Je ne regrette rien: j'ai fait mon travail, voilà tout; quant à mes histoires de famille, que je raconterai peut-être aussi, elles ne concernent que moi; et pour le reste, vers la fin, j'ai sans doute forcé la limite, mais là je n'étais plus tout à fait moi-même, je vacillais, le monde entier basculait, je ne fus pas le seul à perdre la tête, reconnaissez-le. Malgré mes travers, et ils ont été nombreux, je suis resté de ceux qui pensent que les seules choses indispensables à la vie humaine sont l'air, le manger, le boire et l'excrétion, et la recherche de la vérité. Le reste est facultatif." Avec cette somme qui s'inscrit aussi bien sous l'égide d'Eschyle que dans la lignée de Vie et destin de Vassili Grossman ou des Damnés de Visconti, Jonathan Littell nous fait revivre les horreurs de la Seconde Guerre mondiale du côté des bourreaux, tout en nous montrant un homme comme rarement on l'avait fait: l'épopée d'un être emporté dans la traversée de lui-même et de l'Histoire. * Vers 1980, un paisible Franco-Allemand termine sa carrière comme directeur d'une usine de dentelle du Nord de la France. Pourtant, dans une autre vie, quarante ans plus tôt, le même homme était un rigoureux fonctionnaire SS, chargé de surveiller le bon déroulement des opérations d'élimination programmées sur le front de l'Est. C'est au cours d'une sorte d'enquête autobiographique que le notable d'aujourd'hui se lance sur les traces de l'homme qu'il fut, revivant les atrocités auxquelles il a participé. Ce n'est qu'à la toute fin de ce roman où se mêlent grande fresque historique et récit intime, que le lecteur saura enfin ce qui poursuit cet homme depuis si longtemps. Jonathan Littell, fils de l'écrivain américain Robert Littell, spécialiste du roman d'espionnage, écrit directement en français. *** Début du roman : Frères humains, laissez-moi vous raconter comment ça s'est passé. On n'est pas votre frère, rétorquerez-vous, et on ne veut pas le savoir. Et c'est bien vrai qu'il s'agit d'une sombre histoire, mais édifiante aussi, un véritable conte moral, je vous l'assure. Ça risque d'être un peu long, après tout il s'est passé beaucoup de choses, mais si ça se trouve vous n'êtes pas trop pressés, avec un peu de chance vous avez le temps. Et puis ça vous concerne : vous verrez bien que ça vous concerne. Ne pensez pas que je cherche à vous convaincre de quoi que ce soit ; après tout, vos opinions vous regardent. Si je me suis résolu à écrire, après toutes ces années, c'est pour mettre les choses au point pour moi-même, pas pour vous. Longtemps, on rampe sur cette terre comme une chenille, dans l'attente du papillon splendide et diaphane que l'on porte en soi. Et puis le temps passe, la nymphose ne vient pas, on reste larve, constat affligeant, qu'en faire ? Le suicide, bien entendu, reste une option. Mais à vrai dire, le suicide me tente peu. J'y ai, cela va de soi, longuement songé ; et si je devais y avoir recours, voici comment je m'y prendrais : je placerais une grenade tout contre mon coeur et partirais dans un vif éclat de joie. Une petite grenade ronde que je dégoupillerais avec délicatesse avant de lâcher la cuiller, en souriant au petit bruit métallique du ressort, le dernier que j'entendrais, à part les battements de mon coeur dans mes oreilles. Et puis le bonheur enfin, ou en tout cas la paix, et les murs de mon bureau décorés de lambeaux. Aux femmes de ménage de nettoyer, elles sont payées pour ça, tant pis pour elles. Mais comme je l'ai dit le suicide ne me tente pas. Je ne sais pas pourquoi, d'ailleurs, un vieux fond de morale philosophique peut-être, qui me fait dire qu'après tout on n'est pas là pour s'amuser. Pour faire quoi, alors ? Je n'en ai pas idée, pour durer, sans doute, pour tuer le temps avant qu'il ne vous tue. * Issu d'une famille polonaise et juive émigrée aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle, Jonathan Littell a toujours été touché par l'horreur de la guerre. Fils de l'écrivain Robert Littell, son enfance est hantée par la Seconde Guerre mondiale et l'horreur de l'holocauste ainsi que par la guerre du Vietnam. En 1985, il passe son Bac à Paris mais continue ses études à Yale où il est diplômé en art et littérature. Cependant, son engagement pour les populations atteintes par les dégâts collatéraux de la guerre l'attire plus qu'une chaire universitaire et il s'engage très vite dans une ONG, Action contre la faim. Durant sept ans, il écumera les Balkans, alors en conflit, particulièrement en Bosnie-Herzégovine, en Tchétchénie, en Afghanistan ainsi que des pays d'Afrique. * Les Bienveillantes Jonathan Littell éditions Gallimard, collection Blanche, 2006. Prix Goncourt et Prix du roman de l'Académie française 2006 |
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