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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2024-01-15 | | À la criée des galeries d’art et des libraires, toutes nos créations, toutes nos impressions, sans exception, ressemblent à des SOS lancés à la volée, comme des appels à l’aide, des cris comme ceux d’Antonin Arthaud ou des cris à la Munch. Parce qu’une main qui écrit, une main qui joue d’un instrument, qui dessine ou peint … Même si cela ressemble à des pattes de mouche, il faut le rappeler, c’est toujours un corps qui se dit, un corps qui gueule son existence, ou un cœur qui s’écrit avec passion ; une âme qui hurle « Je pense » ou carrément « Je suis »… C’est-à-dire, une expression identitaire, celle d’une personne en équilibre instable sur une corde raide, celle de la vie ; le cri d’un être vivant qui dit de tout son être sa dite présence au monde, comme dans une réelle manifestation. Des MAINS’ nifestation aux MAINS’ ipulation Des peintures rupestres aux feuilles d’éphémérides, depuis toujours, le mouvement des mains sur la roche, la toile ou le papier, c’est toujours et partout la même chose, ce sont des mains qui œuvrent comme un signal, comme un signe qui en appelle d’autres et qui, quelque part en appelle au destin ; ou c’est encore comme « un balisage » (voir notes) de mains, comme des traces qui se font signaux de détresse. À travers toutes ces œuvres, des plus antiques aux plus contemporaines, des plus hyperréalistes aux plus surréalistes, des plus abstraites aux plus figuratives… On pourrait attester de notre propre constitution d’homo sapiens, ou affirmer comme la vie s’affirme sous toutes ses formes et de tous côtés, que « les arts » comme « les lettres » ne sont qu’un prétexte à crier cette présence, la nôtre, au monde, le nôtre. Et que tous nos textes sans y déroger, sont des échappatoires qui mettent en évidence la fin d’un parcours, la mort. C’est poignant, mais depuis la préhistoire, néandertaliens et homo sapiens ont éprouvé de même manière l’amour, la vie et la mort, et l’ont pareillement exprimé à travers leurs impressions propres. Comme les masques d’Ensor, nos œuvres sont d’émouvants témoignages de faux-semblants ou de faux-fuyants ; comme le sont de bouleversantes toiles accrochées comme des catafalques, ou des sculptures dressées comme des monolithes ou des cercueils. Des prétextes ou des couvertures comme des linceuls de toile de lin, ou d’impressionnantes impressions d’eux-mêmes reliées pur cuir, comme pour préserver un pharaon. Cela est impressionnant, mais c’est la vie qui s’installe, et tous ces cris de tout temps, toutes ces images de tous lieux, sont des « installations », sur des via vitae, des parcours ou des passages de mains à mains, comme dans une course de relais, une course à la mort ou à la vie, avec ses stations ou ses étapes sur le chemin de l’existence, tels des lieux de transmissions, « de signes », celles d’une présence au monde. Des « che - mains d’hu – mains », des « che - mains d’humanité » comme sur les parois de la grotte Chauvet. DES CHEMINS DE MAINS Ne vous y trompez pas, il n’y a pas là de simples « jeux de mains » inoffensifs, comme il n’existe aucun « jeu de mots » anodin... Toutes ces mains, tous ces mots, et l’ensemble des œuvres que l’on regarde ou que l’on compulse avec enthousiasme, indiquent ou montre du doigt « un sens », au sens plénier du substantif « Sens », c’est-à-dire, dans sa triangulation entre l’éprouvé, la signification et la direction qui est celle du « sens de la vie ». Ceux mêmes qui vous montrent du doigt, ceux qui lèvent la main sur vous, ou qui veulent vous en imposer ou vous infligent de manière péremptoire ou dogmatique leur sens unique et giratoire, ainsi que leur interprétation du sens de la vie, ne sont que des mains molles, des iconoclastes et des brûleurs de livres. Mais tel un suppôt de Lacan, je l’affirme d’une main bienveillante, tous les jeux de mains comme tous les jeux de mots, à l’instar de ladite « langue des oiseaux », révèlent le sens caché des choses, comme le sens profond des mots et des noms, des impressions et de leurs expressions … Tout comme le démontre avec humour le physicien Étienne Klein dans son essai « Anagrammes renversantes ou le sens caché du monde », un bel ouvrage dans lequel, en guise de conclusion anagrammique, « Les éditions Flammarion » se traduisent ou se décodent en : « L’arôme des mots à l’infini ». Ce qui prouve qu’il existe une relation intime et ultime entre les mots et la matière, entre l’intériorité profonde et l’extérieur, le logos et le Cosmos, comme entre la masse d’une particule et son énergie. Comme une vérité quantique ou une réalité cachée ou kabbalistique. Mais ce n’est là qu’une impression et il n’existe pas d’in – pression sans pression intérieure et extérieure. « Ce n’est là qu’une impression ! » On dit « ça » trop naïvement, mais bien souvent ces impressions durent et perdurent bien au-delà de nos propres existences, dures comme la pierre, elles résistent et persistent, tout comme ces milliers d’impressions de mains, qui ont plus ou moins 25.000 ans, sur la roche des cavernes et autres grottes, des mains qui s’expriment, nous disent, commentent la vie, l’événement… Tout comme sur nos « murs » Facebook contemporains. Naïvement, parce que la plupart des impressions sont des appeaux, comme les intuitions sont des appâts, tout comme les attractions de notre enfance nous charment encore et toujours. Ces impressions, bien plus subtiles que nous, nous rattrapent plus vite que la lumière, pour nous attraper par les sentiments, c’est là même la fameuse « loi de l’attraction ». C’est tout comme l’attrait des livres, cette fascination pour toutes ces impressions qui s’éditent, se publient à tout vent, et se reproduisent jusqu’en PDF pour mieux pénétrer dans notre « espace tempes » et nos chairs de lecteurs compulsifs. Oui, méfiez-vous des impressions, même des plus légères ; on les croit inoffensives, mais dans notre ignorance ou notre sotte innocence, dans notre enthousiasme comme dans notre volonté de survivre à ces multiples impressions qui nous assaillent du matin au soir, elles finissent un jour par nous avoir, par nous impressionner de plus belle, et par nous inspirer nous-mêmes, au point même d’avoir envie de devenir nous aussi « impression », en nous transmettant à notre tour, de page en page, comme se transmettent les plaquettes sanguines, comme si elles étaient notre propre ADN à perpétuer. Puisqu’elle n’en fait qu’à sa tête au fil de ses sommaires, « La Grande Librairie » ne fait pas de ces « impressions » ou de cette réalité-là, son « gratin » (voir notes), de la manière dont « la migration » fait le gratin d’une certaine droite ; mais croyez-moi, pour avoir été moi-même impressionné comme une pellicule photographique, et éprouvé, corps, âme et esprit comme une épreuve sur papier, je tenais à vous prévenir ou tout au moins à vous en informer. Je regrette sincèrement que l’histoire de l’art, comme La Grande Librairie, néglige ce véritable « cri primal » (voir notes), qui est celui de l’angoisse ou de la peur, du désarroi et de l’impuissance face à la grande faucheuse, à l’absence d’amour et aux incessants deuils à assumer. Les mains sont les portes du cœur et comme telles, elles font office de réceptacle pour prendre, donner ou recevoir. Couper les mains d’un autre, c’est le couper de sa propre humanité. Avec le cœur, la main seule est capable de comprendre l’humanité de l’autre. Elle matérialise l’exécution des choses, d’un travail, d’une œuvre. Il semble évident que pour éprouver la vie, la main est aussi nécessaire que le regard des autres. Les mains sont l’expression de moi-même et de ma capacité de saisir, de toucher et d’offrir. Pour ressentir réellement la vie, il faut pouvoir échanger, et les mains peintes ou les mains qui peignent, peinent à dire ce caractère unique d’un toucher particulier et personnel à l’image de nos empreintes digitales. Les mains perçoivent le rythme de la vie, et la vie des autres. Elle sait user de contacts si nécessaire, et de tact permanent pour ressentir la réalité des choses, parce que la main qui aime est une main sensible au vrai sens du terme, et au vrai sens de « la vie » c’est pour cela qu’elles s’inscrivent dans le temps et l’espace des cavernes. Regardez vos mains, ces mains ont touché, et ces mains touchent, et si le destin vous est favorable, ces mains, vos propres mains, toucheront l’impossible. Elles ont en elle le passé, le présent et l’avenir ; et pareillement, en elles, elles ont toute la sensibilité qui relie tout notre organisme au monde. Toutes les mains sont chargées de possibles et d’énergies comme des caresses données et à transmettre . Elles ont en elle une puissance d’attouchement, de virtuosité ou de talents, elles savent effleurer l’invisible et frôler d’impossibles limites. Ces mains de Chauvet sont comme des câlins de pierre, chaleureuses comme la caresse des vents tièdes et la chaleur des rayons du Soleil… On dit que la main gauche est celle du cœur et du cerveau droit, celle de l’intuition et de la création… Ce qui pourrait expliquer que les mains pariétales sont davantage des mains d’artistes et de femmes. Et parce que la main est une interface de l’âme, quoi qu’on en dise, la signification originelle ou surnaturelle de l’art préhistorique, du paléolithique au mégalithique, restera toujours une énigme pour nous, et continuera à échapper à notre mental trop rationnel et trop matérialiste. C’est une réalité « impressionnante » que de comprendre que tous nos livres anciens, modernes ou contemporains comme « les mains sales » de Sartres ou « Les mains du miracle » de Joseph Kessel, entre autres, ne sont que le prolongement, dans notre espace tempes collectif, de toutes ces centaines de milliers d’empreintes de mains sur les parois des cavernes des premières sociétés dites humaines, au paléolithique. C’est une réalité aussi « spectaculaire » que de prendre conscience que toutes nos œuvres dites artistiques, qu’elles soient architecturales, plastiques ou musicales, ou qu’elles relèvent des arts visuels, ne sont que des cris du cœur, des appels à la vie de survivants, ceux que nous sommes tous en somme comme en émoi. Sains et saufs, tous les matins de notre vie, nous sommes comme des rescapés, des réchappés ou même des miraculés puisque la vie est un véritable miracle. DES SIGNES DE LA MAIN Les mains sur les murs, c’est comme une forme détournée de la chiromancie, ou un écho de prières, de mains jointes, des souvenirs de nos plus tendres caresses, de nos claquements de doigts ou de nos battements de mains en attendant que nous battions des ailes. A l’image des « Mudrā » de la culture védique, et des rituels tantriques, imaginez un peu , tous nos ancêtres de la préhistoire en train de se donner la main en signe de paix, de se signer de la main pour conjurer le mauvais sort, pour écarter les mauvais esprits et chasser les prédateurs comme on tente de chasser la mort en posant des rituels, avec des paroles posées, des gestes des mains, sur les murs des cavernes, comme on pose un post ou une image de soi sur Facebook pour implorer d’être vu, d’être cru ou peut-être même d’être lu un jour ; parce que les mudras et les mantras vont de pair, comme les images et leurs commentaires, comme des hymnes sacrés psalmodiés sur le clavier avec des majuscules, des émoticônes et beaucoup de points d’interrogation. Tout cela, avec de grands gestes des doigts vers le haut ou vers le bas, comme dans la Rome de jadis ; tels des indices de soi ou des sceaux de son profil ; comme des appréciations ; des signes de la main ayant pour fonction d'apposer la vie ou la mort. Ces mains sur roche, c’est une image sans paroles, ou une parole sur des illustrations ; comme dans un acte liturgique qui s’ignore, ou feint de s’ignorer, afin d’obtenir une réponse du ciel ou de la terre, avec une efficacité quasi magique, celle d’être vu, cru et lu. L’eusses-tu crut ? Clé en main, selon des critères et des paramètres codifiés par le Grand Cloud de cet infâme Gafam, à qui nous octroyons l’autorité et la puissance spirituelle. Les superstitions de la préhistoire ont toujours cours aujourd’hui comme une valeur ancestrale, avec des mots et des signes qui font sacrément « sacrement de vie ». Sur roche, ce sont des signes de la main comme on impose les mains aux malades, à la différence des simples signes, comme le « sens interdit » des véhicules, ou les points sur les i, les mains sur la roche sont censées nous protéger du mal comme le « signe de croix ». Les mains sur la roche comme les mots dans les livres sur les rayons des libraires, sont comme davantage de mystérieux codex, des symboles magiques, comme des runes sur roche ou des lithographies, c’est-à-dire une manière de s’immortaliser comme de mettre son nom sur un monument, un recueil de poésie ou sur une pierre dite tombale. En matière de sémiotique il y a toujours des limites à l’interprétation comme l’écrivait Umberto Eco. Les signes sont comme des galets qui roulent et se patinent avec le temps et le contact entre la matière et la manière, mais n’empêche que tous ces livres imprimés et que toutes ces impressionnantes impressions donnent le tournis, même si cela donne à penser comme à panser. Depuis les débuts de l'hominisation, la mort a été une réalité omniprésente et n’a cessé de susciter des réponses culturelles, artistiques et religieuses. L'art comme la littérature, la médecine comme les technologies peuvent être interprétés comme des moyens pour les homo sapiens de donner un sens à leur existence ici-bas et de faire face à l'inévitabilité de la mort. Dans « la nuit des tempes » comme par les temps qui courent, toutes les créations artistiques et autres sont utilisées pour immortaliser des individus, éterniser des moments ou perpétuer des idées, créant ainsi une forme d'immortalité plus ou moins symbolique. Il en est ainsi, me semble-t-il, mais « ce n’est qu’une impression », de l’ensemble des œuvres littéraires, médicales et technologiques… Que dans ma naïveté, je considère comme des tentatives d’exorciser la mort ou de transcender les limites de la mortalité. Que ce soit en préservant les croyances, les connaissances ou une expérience humaine à travers les générations ; c’est-à-dire en repoussant les frontières de la médecine pour prolonger la vie ou en développant des technologies qui défient la fragilité humaine, comme dans le transhumanisme. Comme si la Grande Muette, « la muerte » était la principale et unique source d'inspiration et de motivation pour la créativité chez l’homo sapiens. Bien que d'autres aspects de la vie, tels que l'amour, la beauté, la curiosité ou le désir de compréhension, peuvent jouer également un rôle crucial dans toutes les formes de création culturelle et intellectuelle. Depuis la nuit des temps, des os blanchis et des chairs corrompues, toutes nos créations homo sapiennes, qu’elles soient artistiques, littéraires, médicales, technologiques… Ne sont que des manières déguisées d’exorciser la mort ou des prétextes variés pour conjurer le mauvais sort. Tel un langage de sourds devant la mort, le langage de tous ces signes nous méduse et ces mains pétrifiées depuis plus de 30.000 ans en témoignent. Mais heureusement, l’homo sapiens même s’il ferme les yeux ou les mains à maintes réalités n’est pas muet. Tous les signes de croix sont avant tout des signes de mains ou de la main, et comme tous les signes et les impressions éprouvées, ce sont comme des images et des mots, des icônes, des motions et des émotions qui se disent tout au long de la vie ; avec ses maux et ses mots, alignés en longues processions, comme des symptômes d’existence ou des sinthomes d’écriture (voir notes). Derrière nous comme devant, il y a un long cortège d’œuvres diverses qui se donnent, se disent et se lisent parfois ; telles des palettes de livres chez les uns ou des palettes de couleurs chez les autres ; des formes sculptées dans le marbre ou des partitions sculptées dans le son ; comme des parties de soi ou d’un soi, mais toujours comme des parties de mains, sur des claviers Windows ou Steinway ; des jeux de mains avec un archet sur un Stradivarius posé sur la clavicule (clef) de la vie, ou sur une toile d’artistes et d’artisans, comme des jeux subtils, des jeux de mains, de bons et de vilains pour des enjeux qui bien souvent nous dépassent. Le philosophe Platon serait-il le fondateur de l’Ombromanie et son mythe de la caverne, une description de l’allégorie de Chauvet ? Jeu de mains par excellence, les ombres chinoises et autres théâtres d’ombres sont le reflet de ce qui se joue continuellement entre la caverne de notre intériorité labyrinthique et le monde extérieur où sévissent la vie comme la mort. Dans cet entre-deux, nos œuvres ne seraient-elles que des « Pantomimes » déguisées, des jeux de mains comme des jeux d’ombres dans notre grotesque caverne mentale, toute pleine d’idées fixes et de croyances que l’on transfère comme des décalcomanies ? Par quelques procédés artistiques ou littéraires, là où nos propres ombres se jouent de la lumière ; jeu de mime pour des enjeux minés ? Dans ce mimodrame qui se dit entre le mélodrame et la comédie, les artistes et les écrivains seraient-ils les bouffons de la Dame aux stress, plus bouffons que des squelettes de carnaval ? Entre les mains des autochtones de ces cavernes, l’auroch et les allogènes d’aujourd’hui 36 000 ans nous contemplent. Parmi les plus prestigieux musées et les plus visités au monde, comme le Louvre, le British Museum, le Metropolitan Museum de New York ou le Musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, durant des décennies, « les grottes de Lascaux » et leurs superbes dessins, furent « la référence française » en matière d’art rupestre, avec leurs 20.000 ans d’ancienneté ; alors la découverte en 1994 de la grotte Chauvet-Pont d'Arc, avec son art pariétal, ses 36 000 ans d’âge, et ses mains du paléolithique fut un événement mondial. Ici, l’art comme l’air circulent dans le flux de nos gènes et dans les vagues de migrations et d’hybridation. En posant mes propres mains désinfectées sur la roche, je perçois leur propre anxiété. Par apathie, je ressens qu’ils souffraient corps et âme des mêmes appréhensions que nous tous (dénégations comprises) face à la mort de leurs enfants et proches ; qu’ils connaissaient les mêmes tourments à chaque tournant de la vie ; et sans me tromper, je peux même dire et certifier que les Cro-Magnon avaient eux-mêmes la même angoisse face à l’inconnu, à l’étrange ou à l’étranger comme face à la mort. Parce que de génération en génération comme de siècle en siècle, les mêmes sempiternelles questions sans réponse vis-à-vis du sacré et de l’inexpliqué reviennent au galop des chevaux peints. Comme reviennent les rides à chaque génération, comme accourent les mêmes croyances intergénérationnelles et les mêmes superstitions récidivantes ; les mêmes éprouvantes épouvantes qui réapparaissent dans le noir ; comme des fantômes ou des ombres de marionnettes squelettiques sur les murs de nos chambres et sous nos lits de feuilles. C’est de la sorte qu’en sorte de sortilège et d’antidote, les rites récidivent comme les fantasmes les plus cauchemardesques. Les mains sur la roche, les mains dans ces mains, je peux ressentir comme un exorciste, les esprits qui habitaient ces lieux, je peux de même éprouver ce qu’ils éprouvaient, les mêmes paniques ancestrales ; les mêmes inquiétudes irrationnelles, et des anxiétés identiques aux nôtres, avec les mêmes questions à l’image de ces mêmes et éternels rites funéraires et autres rituels de liens, d’alliance ou de division entre les mondes. Dans le labyrinthe de la grotte Chauvet-Pont d'Arc, l’art pariétal a depuis toujours croisé l’art contemporain, parce que tout est lié comme tout est analogique dans le Cosmos. Et dans cette véritable et authentique « galerie d'art » , j’ai de la sorte croisé mes propres obscurités et mes propres peurs d’il y a 36.000 ans ; j’ai vu de mes propres mains, entre les représentations de mammifères dangereux et tout un incroyable bestiaire, la mort et la vie se jouer ensemble autour du même feu ; j’ai perçu pareillement, le temps et l’espace se jouer de la même manière des mêmes matières d’argiles et d’eau ; et sur l’une des parois qui étaient comme un véritable portail spatio-temporel, j’ai vu mon image a propre signature de points-paumes. Dans l’obscurité de Chauvet comme dans ma caverne intérieure, j’ai pu discerner jusqu’à quel poing la main saisit la réalité ? En observant les mains sur la matière comme sur les autres, j’ai vu la main comme un signe d’Amour ou de pouvoir. Et sans avoir moi-même la situation en main, j’ai vu entre mes doigts gercés comment manipuler la matière et la manière de le faire, comme avoir en main et en couleur la glaise de l’homme en devenir, Golem flasque et poussiéreux comme un Adam aux pieds d’argiles. Comme celui qui veut posséder la reconnaissance pour fuir la mort lente, le fait de ses propres doigts en prenant son destin en mains ; celui qui maîtrise la qualité de contact avec la matière, les événements et les personnes, comme on sublime son anxiété avec son cœur ou ses mains, est un véritable « artiste ». Dans l’obscurité de Chauvet comme dans ma caverne intérieure, de peur de perdre, de m’égarer ou de mourir, et pour rendre l’angoisse concrète, je la fais statue d’argile, je m’y incarne ; et je fais des pieds et des mains le maximum, pour qu’elle tienne debout, comme par autorité pariétale ou parentale. D’un revers de main, la boue bouge, et ma paume lui donne la grâce de bouger comme mes doigts, parce que tout est glaise comme tout est grâce. C’est alors que je tends les mains vers le ciel pour avoir quelques lumières sur ces statuettes à mon image, dans la chorégraphie de jeux d’ombres. Il existe mille manières d’apprivoiser la mort, les arts, les lettres comme la danse ou la fête en sont des exemples, des trompe-la-mort pour échapper aux mors de la Faucheuse. C’est à travers ces épreuves et dans ces éprouvés, comme dans cette expérience primale, que l’on prend conscience que tout comme le marché de l’art est une grande bouffonnerie, une arnaque ou une farce et attrape, « Le grand Art » c’est-à-dire l’art de vivre ou de survivre n’est qu’un « exorcisme » qui depuis la nuit des temps, dure entre les tempes torturées et les temples consacrés. Quel que soit l’art que nous pratiquons de nos dix doigts, c’est toujours une forme inconsciente de conjuration de la mort et des influences maléfiques que nous pratiquons. Une conjuration des oiseaux de malheur qui planent au-dessus de nous comme Dame aux stress plane sur le monde ; une invocation inconsciente et instrumentalisée par la culture, des bons esprits ou des bonnes énergies qui parcourent les cimaises, comme dans les couloirs du « Nouvel âge » ou dans les goulets de la religiosité. Entre les idolâtries de la préhistoire et les idolâtries contemporaines, il n’existe qu’une main, celle des croyances, des dévotions, des icônes, des plus populaires aux plus collectionnées. Parce que les œuvres d’art sont nos nouveaux fétiches et nous sommes tous des féticheurs entre les mains des faits les plus païens de notre monde dit civilisé. Les chasseurs-cueilleurs d’hier, sont devenus des prédateurs et les mains des cavernes qui étaient possédées par l’esprit de création, sont devenues des mains possédées par l’esprit de possession. Sous la voûte des grottes comme dans nos galeries d’art d’aujourd’hui, on désenvoûte, on chasse le mauvais critique, on cueille les éloges, les adjurations d’hier ont simplement changé de nom, comme les compliments varient avec le temps et la culture. Mais seul « Le Beau » est capable de compenser nos excès de fétichismes, et ce côté burlesque du marché grotesque de l’art mondain. Seul « Le Beau » est assez puissant pour pardonner nos offenses à l’Art premier et absoudre toutes nos prétentions et clowneries d’artistes. Seul « Le Beau » est capable d’excuser nos pitreries médiatiques et nos facéties de mondanités. En vous écrivant de la main gauche, j’en ai les mains moites ! Oui, toutes nos œuvres posthumes ou pas, sont comme des impostures, comme des ecce homo dans nos lieux de dévotions. Pas forcément de vaines vieilleries, mais des reliques ou des reliquats d’un autre temps et d’une présence qui chaque jour s’efface un peu plus ; des traces auxquelles on rend quelque culte, comme ces mains peintes qui témoignent d’un passage, objet d’une présence réelle estompée par les siècles comme des ossements blanchis, des cendres de souvenirs. Comme cette multitude de mains sur les parois de Chauvet, quand j’étais enfant, les murs de la chapelle de Notre-Dame-des-Anges à Clichy-sous-Bois, où chaque semaine j’allais au catéchisme et pour les offices, étaient ainsi couverts d’ex-voto, de remerciements et de vœux divers. Il y avait dès l’entrée de la chapelle des plaques et des jeux de béquilles qui témoignaient de guérisons et s’exposaient comme des preuves de miracle. De mains en mains, tous ces tableaux et livres s’exposent pareillement à des ex-voto. Ce sont des mains de papier, des impressions multiples et multiformes, des preuves de nos épreuves, comme pour vérifier que l’on existe vraiment. Certains se pincent pour être sûrs qu’ils ne rêvent pas et qu’ils sont bien réveillés, alors que d’autres, dans l’antre de leur caverne d’aujourd’hui, en pincent pour la peinture, le piano ou l’écriture. Tous ces livres, « ça donne la nausée ! » comme me disait l’un de mes amis. Mais tout ça, c’est émouvant, parfois même pathétique, mais c’est toujours très humain. Souvent ça touche, comme on touche du bois par superstition ou pour s’accrocher au bastingage ; et souvent même, ça nous bouleverse, comme un Van Gogh ou un J.S. Bach. Ça émotionne comme la lecture d’un Don Quichotte, d’un Prophète, ou d’un P’ Prince … Et j’en passe évidemment, et des pires et des meilleurs, comme passent ou trépassent les gens entre les pages d’un roman, tout comme ils voyagent entre les cimaises et les rayons des libraires. Les impressions sont toujours trompeuses. C’est une autre réalité, c’est que les sentiments comme les émotions en cachent presque toujours bien d’autres, plus profondes, tout comme la quête de reconnaissance ou celle d’une notoriété, dissimulent pudiquement bien d’autres angoisses existentielles et d’autres besoins, dont le premier est inexorablement l’exorcisme de la mort. Des mains sur la roche ou des mains qui écrivent et corrigent des textes comme on voudrait bien corriger nos vies, ce sont toujours des mains qui s’agitent ; des mains qui montrent le chemin, des mains qui grondent et qui signent des éprouvés et des épreuves sur l’argile du temps ; de cette argile grasse et fragile d’où nous venons ; c’est comme des rêves qui s’inscrivent en gras dans la cendre et la poussière des étoiles, ou qui s’écrivent en temps réels sur le Net. Oui, comme des empreintes de nous-mêmes, comme d’émouvantes tentatives de vivre sa propre vie ou de se survivre, et de résister, les mains toutes tendues à l’avant, pour avancer pas à pas en résistant aux rigueurs du temps et de la vie. Des mains ou des représentations artistiques qui, à l’instar de nos toiles de Maître, subsistent dans ces nouvelles grottes que par prétention ou dérision nous nommons des « musées ». Vivre et survivre… Sont autant d’essais manuels et intellectuels qu’il existe d’individus ; des vérifications que « je suis » comme des expériences personnelles, sur divers supports, comme pour laisser quelque trace de notre trop court passage ici-bas ; parce que toutes ces mains comme toutes ces créations le disent ou plus exactement le crient à coups de pinceau ou de baguette de chef d’orchestre, nous sommes tous des survivants et des migrants en chemin. Platon nous avait pourtant bien prévenus ! Tout comme les labyrinthes humains, les cavernes sont trompeuses et les ombres plus encore. Mais pire encore que les cavernes et leurs dédales, plus encore que les ombres caverneuses, notre mental, nos croyances et nos propres ombres nous leurrent. J’écris, tu peins, il sculpte, nous créons … C’est comme la survivance d’un vieux rituel qui consiste à s’imprimer ou à s’éditer quelque part dans l’immense océan des idées; comme dans une poignante tentative de laisser une trace quelque part et une marque qui se voudrait indélébile ; rien qu’une simple trace, même petite dans l’immensité de l’univers, comme une empreinte d’existence, plus visible qu’une épitaphe sur une pierre froide, un « moi-je » imprimé en x exemplaires chez quelques bons éditeurs, ou quelques feuillets imprimés comme le reflet d’un sujet pensant. Conclusion : Alors que les fouilles policières deviennent plus nombreuses que les explorations archéologiques, que les réflexions en profondeur se font rares, que nos sols sont vidés de leurs substances, que nous enfouissons de plus en plus de déchets… Dans les siècles à venir, les néo-archéologues travaillant sur les civilisations disparues se demanderont bien ce que nous faisions de nos dix doigts et de nos mains d’home sapiens corrompus, et plus simplement, ce que nous faisions de bien. Mettant à découvert nos multiples déprédations et iconoclasties, nos corruptions et autres forfaits, nos ruines et nos armes de destruction massives ; analysant avec perplexité nos documents et les malversations que nous avons mal cachées ; passant au crible des pinceaux et au peigne fin nos génocides et autres guerres fratricides ; scrutant les trésors et œuvres que nous avons dissimulés ou mis à l’abri... En conclusion, en déduiront que nous étions de grands prédateurs et des « Homo corrompus » de la pire espèce. Notes : - L’un de mes textes des années 70, intitulé « Balisage Gothique » allait dans le même sens. - Gratin « Le gratin de l’aristocratie », comme les Guermantes de M. Proust. - Sinthomes, terme empreinté à Jacques Lacan. |
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