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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2024-01-04 | | Il y a bien longtemps que je pense mettre des épis dans mes écrits et mes photographies, sur mes pages comme sur la plage de Luc-sur-Mer. Des épis pour me protéger de tout ce qui ne cesse d'éroder notre existence ; de tout ce qui, au quotidien, use nos sens en usant de notre patience, de tout ce qui dégrade nos rêves et érode notre espérance. C’est-à-dire, des épis simples mais bien solides, comme ces épis de pierre jetés là sur la plage de Luc comme une jetée de bois, entre les terres et l’eau, pour combattre toutes les formes d’érosion, comme celles provoquées par les humeurs des méchants, ou par les rumeurs du monde. Le lien entre ce qui « érode » c’est-à-dire détruit, ronge, corrompt le système ou sape le moral, et l’Epi-phanie, ne saute pas aux yeux comme les crevettes au filet, et ce n’est peut-être pas évident pour vous de comprendre où je veux en venir, mais comme il faut savoir éviter les évidences, je vous invite simplement à me suivre avec patience. La fête de L’Épiphanie, celle que nous allons fêter après-demain en famille ou entre amis, devant une bonne galette des Rois au bon beurre normand, c’est bien celle des Rois Mages, et évidemment pas celle du roi Hérode le Grand, ce tyran qui fit assassiner son épouse et ses propres enfants pour garder « le pouvoir » ; ce despote manipulateur comme ceux d’aujourd’hui, auquel font référence les récits bibliques « des Rois Mages », du « Massacre des Innocents » et de « La fuite en Égypte ». Vous voyez peut-être maintenant là où je veux en venir avec « Hérode et Érosion, Épis et Épiphanie, Mage et Marge » Si cela n’est peut-être pas une évidence pour vous, je vous l’assure pour quelqu’un qui aime jouer des similitudes, des anagrammes, des métaphores et des analogies, c’est-à-dire de la langue dite « des oiseaux », c’est un jeu d’enfant, une activité quotidienne et naturelle comme la respiration. Bien avant la construction de la jetée, les épis de pierre de Luc-sur-Mer qui préviennent de l'érosion et stabilisent les plages de la côte m’ont toujours inspiré. Ces épis agissent comme une barrière naturelle, submersible, ils ne sont nullement des frontières fermées. Quant à ces fameux Mages, ces énigmatiques voyageurs, ils détiennent d’étranges secrets, des cadeaux et des mystères qui nous sont encore « étrangers », tout comme nous le sommes à nous-mêmes en vérité. Les Migrants sont-ils des Mages ? Certes, ils n’ont nullement l’apparence extérieure ou le statut de Rois, mais vous savez comme moi qu’il faut résolument se méfier des apparences, ces jeteuses de mauvais sorts. On les dit « clandestins » ou "illégaux", mais en vérité, ils ne sont que des « inconnus », comme en mathématique, c’est-à-dire des variables à mieux connaître pour résoudre nos propres problèmes ; et surtout, ils sont des anonymes qui viennent d’ailleurs. l’Évangéliste Matthieu, précisant seulement qu'ils viennent« d’Orient », ce qui ne veut rien dire de « leur véritable humanité », tout comme le fait d’être des Occidentaux n’est qu’un accident parmi d’autres, ou un incident dans nos propres existences. En guise d’or, d’encens et de myrrhe, ils n’ont plus rien et ont tous laissé derrière eux, et parmi ces trésors qu’ils portent comme des ballots; ils n’ont que des objets sans valeur, quelques babioles à forte charge sentimentales, qu’ils ont pu sauver, in extremis, du feu, des eaux ou des bombes. Ces Rois Mages détiennent-ils les secrets de la bienveillance et de la magie de l’Amour ; possèdent-ils le charme de la complémentarité, les trésors de la différence, et tout un tas de ressources que nous ne possédons plus ou que nous ne possédons pas ? Allez savoir ! Ce qui est sûr , c’est qu’ils sont là et que leur vie est aussi surette et abîmée qu’une pomme à cidre qui a éprouvé tous les vécus et tous les roulis de l’existence. Qu’ils soient venus de Mésopotamie, d'Afrique, d’Arabie ou de Syrie, de Perses ou de Médie, qu’importe ! En ce début d’année nouvelle, les Mages et les images se bousculent dans ma tête comme frétillent les poissons pris au filet, tout agités par les événements, et tout remuants, tels nos immigrés d’aujourd’hui et autres migrants d’hier et de demain, Qui sont-ils vraiment ? Seraient-ils les lointains descendants d’astrologues babyloniens, des arrière-petits-enfants de magiciens de Chaldée, ou les cousins éloignés d’alchimistes égyptiens ou d’ailleurs, qu’importe, et nul ne le sait , tout comme nous ignorons tout de nous-mêmes, de qui nous sommes vraiment et d’où nous venons avec précision. Ce qui est sûr, c’est qu’ils vont, comme nous allons vers notre destin, seulement guidés par une profonde intuition aussi réelle qu’un astre céleste, ou qu’une étoile de mer dans un océan de préjugés. Ne sommes-nous pas tous, sans exception, des âmes errantes, des migrants d’incarnation en réincarnation, des avatars de ce que nos parents voulaient que nous soyons, ou des ombres mouvantes de ce que nous rêvions d’être ? Nous faisons tous partie d’une même et unique famille humaine de rêveurs en perpétuelle transhumance, c’est pourquoi notre destinée c’est leur destin, et que notre destin c’est leur propre destinée. Comme ces Rois Mages venus d'ailleurs dans l'espoir d'atteindre ce fameux « Bonheur », que ce soit à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, sur la route des Balkans, en Méditerranée ou en traversant le détroit de Gibraltar… Ils sont tous la personnification de l’Exode, celle d’une évolution en perpétuel mouvement, et tous se déplacent en quête d'un havre de paix, d’un asile ou d’une « crèche » à leur image. Sur les routes migratoires de l’Asie du Sud-Est où à travers l'Afrique comme à travers la Manche, au paradoxe des maux, dans des rafiots dits « de fortune », tels les tristes passagers du Radeau de la Méduse du peintre Géricault, ils mettent le cap quelque part comme chacune ou chacun de nous, sur un même rêve de « Bonheur » . Et tout comme « La carte n’est pas le territoire » comme disent les spécialistes en systémique, tous les itinéraires ne sont pas aussi accueillants. Migrer ou émigrer , pour un Mage comme pour un Migrant, ce n’est jamais un long fleuve tranquille ou un îlot de paix ; c'est toujours quelque part, être « en marge » ; et les marges, ça me connaît ! Arrière-petit-fils d’émigré, engeance de Ménilmontagnard et de Lutin, immigré moi-même, cancre, gaucher, croyant, artiste et poète atypiques… Entre autres, je suis moi-même un être des marges ; peu conforme aux attentes culturelles ou sociétales comme un déviant et un marginal pour beaucoup de conformistes… Mais en vérité, ne sommes-nous pas tous sans exception des Migrants et des âmes vagabondes en quête d’identité et de sens ? Ne sommes-nous pas tous, tels ces immigrés ou ces êtres chassés ou bannis de quelques royaumes intérieurs, comme celui des rêves ou celui de l’enfance, d’éternels migrants dans nos têtes, et des nomades dans nos cœurs, comme des romanichels venus de loin pour devenir simplement et humblement eux-mêmes ? Dans ce torrent de changements et de grands bouleversements, les Migrants sont peut-être des êtres en marge, mais ils sont avant tout et aussi des opportunités pour changer de cap, ils sont aussi des êtres pleins de profondeur et de créativité. Être migrant donne un autre regard, une perspective unique sur le monde afin de trouver des vérités, des beautés et des solutions, là où d'autres esprits inflexibles ne regarderont même pas. L’an passé, la Webcam de Luc aurait entraperçu l’ombre de leur passage, comme à Calais ; mais ce n’était peut-être qu’une rumeur urbaine parmi tant d’autres, ou un miracle pour eux comme un mirage pour nous. Si les Mages et les images se bousculent dans ma tête, les rois marges règnent sur mes pages comme sur tous mes papiers, mes journaux intimes, dans mes carnets de notes éparses et autres cahiers d’écolier… Partout où j’ai mis des épis, car entre nous, l’espace est nécessaire, là où un écrit sans marge comme une vie sans magie, ça devient vite un véritable chaos ! Et donc, pour mettre de l’ordre dans ma vie, les rois marges règnent sur toutes mes pages, tout comme la mer entre les épis marge les plages, pour faire coïncider les falaises des Confessionnaux avec les réalités humaines. Il faut des espaces blancs, des marges et des espaces libres, pour que dans ce prisme lumineux jaillisse l’arc-en-ciel ; il faut comme en calligraphies, des « blancs volants » qui n’ont d’autre fonction que celle-là, laisser des marges au temps et à l’espace, comme des temps ou des espaces libres, de quoi corriger les intervalles , de quoi mettre des no man’s land entre belligérants, là où cela est nécessaire pour laisser une marge comme une respiration à l’imaginaire, à la poésie comme à la réalité. Écoutez attentivement ces cris de mouettes qui au rythme fluide du va-et-vient des eaux épousent harmonieusement le chant des vents. Ces cris, ce chant et ce roulis ne sont que l’écho du bruit sourd des milliers de pas, celui des multitudes en marche ; l’écho fatigué des pas lourds de rêves, d’attentes et d’espérance de tous ceux qui un jour de pluie et de vents froids ont traversé de grandes épreuves. Entendez-vous le grondement des migrations et ces bruits de barrières et de frontières qui claquent comme des bruits d’armes à feu ? Juste à côté de canots naufragés, entendez-vous du milieu de vous, les vagues de pas qui déferlent et les femmes qui pleurent sur la rive, laissant là pénétrer dans le même linceul de sable, entre les coquillages, les eaux salées et les larmes amères ? Depuis la nuit des migrations , face à toutes les épreuves de la vie , les ténèbres marines ont noyé bien les rêves et dissous nombre d’espérances … N’y croyez plus , n'y croyez pas, nulle vague de mer ne lavera le sang des non-sens ! Telle la Rachel de Virginia Woolf, dans « La traversée des apparences » (The voyage out) , n’oublions pas au-delà des images médiatisées, que cette migration, ce « Voyage à l’extérieur » , coïncide avec un « éprouvé » qui lui, relève d’une pure et douloureuse intériorité. Migrants, émigrés, immigrés… C'est toujours quelque part être ou souffrir « en marge » ! Migrants, émigrés, immigrés… Des termes stigmatisés, bien souvent associés à « marginalisation » , à la « discrimination » ou à « l’exclusion sociale » , mais c’est avant tout le déni de nos propres origines et l’oubli total de nos racines communes. Au pied de l’arbre des migrations, nos propres racines descendent à travers les veines du temps et les failles de l’espace ; elles passent à travers des déserts arides , et tracent leur chemin à travers des terres inondées comme des marécages. Mais nous avons tout oublié de cela, nous avons tout oublié de notre « humaniture », c’est-à-dire de notre humanité en chemin. Nous avons tout oublié, jusqu’à odeur de l’humus de nos terres premières, jusqu’aux nœuds de nos croisements raciaux , de nos filiations et de nos plus humbles extractions … Comme si nous avions perdu notre mémoire ancestrale, comme si nous nous étions coupés tout à fait de notre inconscient collectif ; comme si, les yeux murés par le confort et les oreilles bouchées par l’égoïsme, nous n’avions plus rien d’un humain en chemin. Alors que je sens résonner en moi mes racines lutines, je perçois aussi le pas de mes innombrables ancêtres ; le pas voyageur de toutes ces hordes de Vikings et autres migrants qui nous ont précédés dans leur quête de terres d’accueil et à mon existence . Parce que, Migrants, émigrés et immigrés… Entre le départ et l’arrivée, c’est toujours le même pas, la même réalité intemporelle autant qu’universelle ; c’est une seule et même vérité qui parcoure nos veines et toutes les sociétés, qui fait toutes les civilisations depuis la nuit des temps ; de par ces nuits obscures où les femmes, les hommes et les enfants sont pareillement confrontés aux mêmes difficultés que nos ancêtres et aux multiples défis de la vie, tels que la différenciation, la discrimination, les barrières linguistiques, et les multiples difficultés d'intégration aux sociétés d'accueil. Étranges, étrangers, Migrants, Mages, Marges et Images, au-delà des mots et de leur consonance ou similarité, dans un monde ou tout est analogique et connecté, ces mots sont des « substantifs » qui nous relient à notre substance commune, comme à nos perceptions, à nos représentations, à nos croyances et surtout à nos peurs. Comme nos lointains ancêtres l’on fait, à l’instar des souffrances de la Rachel biblique, qui reste l’inspiration de tous ceux qui ont vécu des douleurs inconsolables, toutes les Rachel du monde d’hier, celles d’aujourd’hui et de demain, dévastées par le chagrin, continuent de pleurer leurs époux et leurs enfants. À l’image des vagues migratoires qui traversent les frontières comme les apparences et passent d’un monde à l’autre, des Nouveaux Mondes qui les emportent vers de nouvelles épreuves et parfois vers la mort, les mots eux aussi se déplacent sur les pages comme les migrants mettent les pieds à terre , cherchant leur sens entre les marges, cherchant leur chemin de vie sur la plage qui les accueille et donne sens à leur propre vie. Les mouvements de l’encre comme celui de l’écriture ne sont-ils pas semblables à celui des pas et des eaux mouvantes, comme à celui des mots qui migrent, comme si mes pensées et mes mots se débattaient au fond des encres comme au fond des eaux ? C’est de la sorte qu’entre les eaux mortes et les eaux vives, sur leur chemin de papier, les mots poursuivent sans cesse l’itinéraire des maux ; à l’image des vagues migratoires, les pieds du poète se déplacent sur les pages comme les pieds des migrants se mettent à terre, cherchant leur sens entre les eaux et les terres, l’ancrage et l’encrage, les marges et l’horizon ; cherchant ainsi la page qui les accueillera et donnera sens à ce qu’ils vivent, comme le sens de leur propre vie ; comme si les migrants et les mots n’avaient qu’une seule existence, une existence commune et une seule chance de la réaliser au-delà des apparences. Pour eux, comme pour la Rachel, de Virginia Woolf « dont les yeux sont comme une eau sans reflet », il ne reste désormais plus qu’un seul chemin : « Être précipitée dans la mer, baignée, ballottée par les eaux, promenée parmi les racines du monde. » Comme mon cœur et ma tête sont assujettis à toutes sortes d’émotions et d’associations d’idées, je pense aux naufrages et aux noyades de tous ces milliers de migrants ; et je me souviens de ma propre noyade en 1958... Et dans ce flot de sensations diverses me reviennent des fragments éparts de chansonnettes appris dès la maternelle à Montfermeil : « Maman les p'tits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes ? Mais non, mon gros bêta, s'ils en avaient, ils marcheraient ! » Et à la communale du Chêne-Point de Clichy-sous-Bois en 1953. « C'est nous les gars de la Marine, quand on est dans les Cols Bleus, on a jamais froid aux yeux. Partout, du Chili jusqu'en Chine, on les reçoit à bras ouverts , ces vieux loups de mer… » Ou encore « Il était un petit navire qui n’avait jamais navigué, ohé ! Ohé ! Matelot, Matelot navigue sur les flots… Il partit pour un long voyage sur la mer Méditerranée, ohé ! Ohé ! » Des fragments de chansons enfantines qui semblent remonter le cours du temps comme les saumons remontent le courant pour m’éclabousser les méninges. Et sur mon p’tit bateau qui a des jambes de toutes les couleurs, je suis un migrant parmi les migrants , et je marche ! Et je suis moi-même « un petit navire qui n’avait jamais navigué, ohé ! Ohé ! » Et je tangue, telle une coquille de noix soumise aux vents et ballottée sur les eaux comme fétu d’épave ; tantôt accueillis, tantôt repoussée, tantôt plongée dans l’obscurité mortelle des eaux. C’est comme si mes idées elles-mêmes se débattaient dans l’eau des événements, tout comme les mots sur ma page tentent de se frayer un passage ; mots montants et descendants au gré des flots qui les portent. Mots émergeants, mots coulants, mots migrants , tout comme migrent ou se déplacent les eaux montantes et descendantes, aux rythmes de nos propres humeurs, entre nos pensées, nos entrailles et nos propres failles. Depuis que j’écris sur des feuilles de pâte feuilletée, j’attends avec impatience, chaque année, ce 6 janvier pour me réapprovisionner en feuilles dorées au four. Alors que sous le pas des chameaux le sable se fait tapi d’amandes pilées, j’ai fourré dans ma galette des Rois une fève en forme de vache normande de porcelaine nacrée, mais « Promis, juré, craché », l’an prochain, j’enfournerais une galette des Rois à la guimauve pour changer de recette, avec une fève en forme de guigui ou d’horloge. Une odeur de Frangipane remplissant la maison, je vous laisse là, sur la laisse de Luc, entre épis et épiphanie, avec au cœur, le vœu d’un même gâteau partagé dans les années à venir, entre tous les hommes de bonne volonté. Bises et bonne fête de Rois à chacune et à chacun, et que le Petit-Enfer se remplisse de l’odeur paradisiaque des belles galettes croustillantes |
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