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■ L'hiver
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2020-05-14 | | Avec joie, je like sur ma première liquette ! Avec moi, cliquez ici s’il-vous-plait, please click here ! Sur ma première liquette, j’avais déjà des boutons « j’aime » ; comme un peu plus tard, Veilleur de Dhuis en culottes courtes, j’arborais fièrement, sous le menton, tout au-dessus de la rangée de fermetures de mon duffel-coat, un sifflet de bois qui déjà faisait le buzz sur le réseau scolaire, et à l’occasion me servait d’appeau dans la cour de récréation pour appeler à moi d’autres chenapans. Quelques années plus tard, c’était alors les fameuses sixties, et je continuais à cliquer sur mes boutons d’acné et sur mes points noirs. Soixante ans plus tard, entre ma clique d’amis virtuels, je clique encore et toujours; mais un beau jour, un jour de béatitude ou tout sera plus vrai et plus réel, quand mes écrans intérieurs deviendront illimités et auront affiché la veille l’ultime formule « Game over », pour signifier que les jeux sont faits et que les enjeux sont terminés, comme on termine un clip de vie sur le mot Fin, je prendrais alors mes clics et mes claques pour vous quitter et trouver enfin la paix la plus absolue, celle du corps, de l’âme et de l’esprit. Et avant de partir, sans actionner ma souris ni mon clavier, j’afficherais THE END et un éternel sourire, comme un dernier Like ; cliquetant désormais au rythme de l’Univers, dans l’harmonie des cliquettements d’ailes d’anges heureux. Et de là , au Ciel comme sur la Terre, je likerai à volonté, bénissant les uns et les autres sans discrimination, tous mes amours et mes amis, ceux que j’aime de toute éternité, ceux que j’aime déjà , et ceux que je n’aime pas encore, surtout les autres, les moins estimables... Et je likerai à la folie, à en perdre la vie et la raison, dans une overdose de bonheur et une grande plénitude de followers des plus colorés, afin de me mettre moi-même au vert le plus bleu, pour toujours, en ce « Bon Lieu » d’où personne ne revient jamais mais où personne ne perd plus, et où tous sont gagnants, et où chacune et chacun se likent d’Amour inconditionnel, d’infini et d’éternité… En ce milieu divin, en ce « Bon Lieu » où tous les écrans ne sont plus aussi plats que toutes les platitudes du monde, mais où les nuances et les nuages sont des tricots couvrant tout notre corps comme un décor auréolé. Puis, comme pour fermer la boucle, tout vêtu d’un chandail de lumière immaculée, qui ressemble étrangement à ma première liquette, je vous ferais de temps en temps comme autrefois sur Facebook quelques clins d’cieux. « Je m’en moque comme de ma première chemise ! » Dit-on, sans trop savoir, et sans trop avoir conscience, me semble-t-il, du poids de la moquerie, des mots et du prix de la mémoire ; comme si l’homme qui cause ne savait pas trop ce que les mots veulent dire, comme si l’homme qui cause, ignorait tout des capacités de la conscience et de la texture même du verbe en ces liens intimes qui ne cesse de se tisser entre l’âme des choses, l’esprit des mots et l’étoffe la plus subtile de la matière. Juste là où Pierre Teilhard de Chardin voyait un lien intime et ultime entre Le Cœur de la Matière et Le Christique ; là où le physicien Jean Charon quant à lui, voyait l’Esprit dans les profondeurs de la matière, et là encore où la mathématicienne et mystique Mirra Alfassa, épouse de Sri Aurobindo, dite La Mère, voyait de la matière à l’acmé de l’esprit. Il nous faut donc concevoir au-delà du scientisme et du matérialisme purs et durs, qu’entre la matière et l’esprit il n’y a pas de limite, pas de distance, rien que de l’unité, du lien et de la complexité ! Liquette en tête, je ne m’en souviens guère effectivement, mais je m’interroge quand même. Dans sa fibre sensible, a-t-elle enregistré le petit pas feutré de mes parents et du grand frère de cinq ans autour de mon couffin ? A-t-elle gardé précieusement en elle l’odeur de la présence des miens comme on préserve un trésor de flagrances ? A-t-elle sauvegardé l’odeur sucrée et lactée des seins généreux de mes nourrices, et le son mélodieux, à peine murmuré, des berceuses normandes que me chantonnaient mes parents pour m’endormir ? Liquette en tête, je ne m’en souviens guère, mais faute d’informations plus précises, je me pose mille questions ! A-t-elle enregistré dans sa mémoire de lin, de laine ou de coton léger comme un vent d’été sur la digue, la saveur du sel de cette côte que l’on dit de Nacre, ainsi que certains souvenirs de grandes marées comme des souvenirs de grands mariages entre le Ciel et la Terre ? A-t-elle gardé en elle, au plus profond de sa substance, là où le vide est plein d’informations, et où le souffle maternel et le froissement des vêtements de ces années d’après-guerre continuent à froufrouter ? Oui, tout cela me semble important, surtout aujourd’hui ! L’oubli ou le déni, quand ce n’est pas le négationnisme, font tellement de dommages autour d’eux, et impactent gravement notre futur. Comme aurait pu dire Confucius entre deux entretiens : « Qui ne se préoccupe pas du passé lointain, se condamne à un triste avenir ». Les trous et autres défaillances de la mémoire dans les nids-de-poule et autres trous du temps sont fortement nuisibles à notre avenir; parfois par simple distraction, et bien souvent en raison de notre inattention, les choses qui nous paraissent les plus simples, ont un réel impact dans le temps qui ne cesse de venir. Être ou ne pas être ? « Être vraiment là » ou « ne pas être réellement là », cela fait toute la question et toute la différence ; être incontestablement présent aux gens, aux choses, comme aux événements qui passent est essentiel, et me paraît même primordial quand on veut préparer l’avenir; mais il n’est pas toujours facile de faire les choses en conscience comme aurait dit ce cher docteur Vittoz. Il nous faut donc sans cesse réapprendre à être, à écouter et à nous écouter, à ressentir, à penser avec tous les sens, avec une certaine volonté et un zeste d’attention et de concentration, afin de nous libérer de ces obstacles qui fond qu’il y a de l’absence, là où il devrait y avoir de la mémoire, du néant là où il devrait y avoir du contact. Tous ces manques portent réellement atteinte à notre réelle présence au monde, et je mets des guillemets et une majuscule à « Présence ». N’est-il pas bon comme une madeleine de Proust de se souvenir pour mieux prévoir, de prévoir avec un œil tourné dans le passé et l’autre bien orienté vers l’avenir ? Sachant bien sûr, comme la sagesse nous l’enseigne au quotidien, que dans les choses du passé, on peut déjà voir, entrevoir et prévoir l’avenir mieux que dans la boule de cristal la plus authentique. Ce n’est qu’avec la mémoire lucide du passé qu’on peut discerner ce qui vient à nous, même tapi dans l’ombre ou dans l’obscurité des cœurs, le passé, du plus simple au plus composé, ne doit-il pas, à partir de notre fragile mémoire « conseiller l’avenir » comme l’écrivait déjà le philosophe Sénèque, un demi-siècle avant J.C, lui qui puisait dans le stoïcisme de Zénon l’ancien de quoi tisser le propre drame de sa propre vie. Pour les commémorations de la Shoah et autres génocides, Nagasaki ou Hiroshima mon désamour… Et pareillement, pour tous les conflits du monde, notre mémoire nous fait cruellement défaut; nous vivons trop, semble-t-il, dans les apparences de l’immédiateté ! Combien d’erreurs n’aurions-nous pas pu éviter en nous souvenant tout simplement des erreurs et des malheurs passés ? Dans son Livre de la déraison souriante (1991), Robert Sabatier nous rappelle que « certains hommes mettent le passé à la porte (Gates) dans l’espoir de voir entrer l’avenir pas la fenêtre (Windows). Nous avons là tout l’avenir du Web et toute la problématique homo sapienne . Les chemins de la chemise, ça pourrait ressembler à un poème de Jacques Prévert, mais en réalité c’est de la physique quantique ! Rien ne se perd, aucune information ne se perd, comme dans les lèvres d’un trou noir, tout est là . Même les poussières d’étoiles que nous étions, vous et moi enlacés dans les bras d’une nébuleuse, se souviennent très bien des milliards d’années-lumière passées, et de la Conscience Universelle qui s’éternise en toute chose éternelle. Mais semble-t-il, seuls les êtres spirituels perçoivent en toute matière une vie autre ou une autre vie, une présence qui transcende le cuivre rouge et le fer-blanc, parce que quoi que l’on réalise ou produise, l’esprit persiste au sein de la matière, comme la matière reste au cœur de l’esprit. « S’en moquer comme de sa première chemine », cette expression, pourtant banale comme une chemise à fleurs, m’insupporte ; car bien au contraire, je porte beaucoup d’intérêt à ma première brassière, à cette brassée d’odeurs maternelles et familiales qu’elle porte encore probablement en elle. Je témoigne ainsi beaucoup d’attention aux choses les plus banales comme les fourmis, les pâquerettes ou la toile d'araignée; comme je porte attention aux faits les plus divers ; une attention des plus vives, nettes comme des images ou des photographies, ainsi qu’à chaque instant pour toute chose utile ou inutile, et en particulier à toutes ces impressions primales de la petite enfance, des premiers balbutiements aux premiers émois, à toutes ces perceptions de petit-enfant que nous avons accompagnées instinctivement d’un regard bleu comme l’océan, celui de tous les commencements. Après tout ça, on me dit mélancolique, n’importe quoi ! Nostalgique ? Probablement ! Sentimental ? Oui, à l’excès peut-être ! Toutefois, mes souvenirs et moi sommes justement « comme cul et chemise » ; même si le premier a bien vieilli et que la seconde est aujourd’hui défraîchie, parce que l’on ne peut séparer ce que Dieu à fait UN, la matière et l’esprit, comme la culture et la nature, le visible et l’invisible, et tout ce que la vie à lier à l’infini, et cela, pour l’éternité. Chemisette ou nuisette, qu’importe ; ma première liquette comme certaines jaquettes de livres anciens ont du prix à mes yeux ; et je m’en soucie encore aujourd’hui comme on préserve précieusement dans un herbier parfumé ou dans un album photographique, les bourgeons rabougris ou les clichés d’un merveilleux printemps gâché par quelques Saints de Glaces bien trop frisquets... Extrait de Ma première Liquette (2020) À SUIVRE |
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