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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2018-04-09 | |
Considérations générales
La morale s’intéresse aux actes humains et en particulier aux actes humains qui déteignent sur la communauté des hommes. Elle fait pratiquement porter à l’individu en tant que membre d’une collectivité la responsabilité pour la qualité de la vie en commun. Relativement à la fiction policière, elle est structurellement un récit d’action, et l’action, qu’il s’agisse du crime ou de sa détection, incombe à l’agent humain. Plus encore, le mystère, qui généralement entoure l’acte criminel, se mue en problème à résoudre à la portée de l’enquêteur. Bref, aucune force extérieure plus ou moins occulte n’a droit de cité dans la littérature policière. Le sort des humains y est remis entre les mains de l’homme. Cette particularité, qui est loin d’être insigne, ne peut certes pas sortir le récit policier du «ghetto littéraire » où on le maintient dès son origine. Et où on le maintient en tant que genre, ce qui après tout est une façon erronée de juger de la valeur d’une œuvre qui est individuelle. Cette particularité peut en revanche expliquer la grande consommation de récits policiers. Dans ce type d’écrits, le mal ou le meurtre n’est pas le fruit d’un destin aveugle et anonyme. « Le destin est toujours « quelqu’un », possédant des mobiles et une culpabilité vérifiables. » (Devillairs 2002 :4) Et vérifiables par « quelqu’un » d’autre qui est en mesure de ramener l’ordre. Le bien et le mal sont à l’échelle humaine dans ce type d’écrits. Et cela est d’autant plus rassurant que la détection du mal est centrale et que l’enquête n’est pas simplement la figuration d’une pratique sociale. Elle est aussi une quête. La quête de la vérité qui libère. Né dans l’horizon de l’urbanisation, le récit policier a une puissante valeur cathartique; il n’exacerbe les peurs que pour mieux les apaiser. Il répond à un besoin de sécurité qui est d’autant plus grand que le milieu urbain, tentaculaire, se globalise. Or cela est à même d’expliquer la forte attraction que le texte policier exerce sur un public divers et varié socialement et intellectuellement . « La littérature de masse retient l’attention […..] en tant que réceptacle et traduction des impulsions, des angoissses, des préjugés, des rêves, de l’âme collective » écrit Jacques Dubois. (Jacques Dubois cité par Lits 1999 : 118) Au-delà des valeurs qu’elle colporte et qui sont incarnées par des héros devenus mythiques, tels Hercule Poirot, Sherlock Holmes, Maigret ou Arsène Lupin, cette littérature suscite une lecture « plus rapide et plus attentive que celle d’autres textes », (Lits 1999 : 117) une lecture qui correspond mieux au mode de vie de l’homme éternellement et diversement occupé qui est l’habitant des villes. Certes, ce sont les caractéristiques formelles de la fiction policière qui favorisent une telle lecture, alors que notre problématique sollicite davantage les éléments de contenu. En réalité, seule la négociation entre les deux peut accoucher d’une réponse. L’idée principale, qui justifie ma démarche, reste celle selon laquelle dans le récit policier plus que dans tout autre l’homme est l’agent ultime du bien et du mal et peut comme tel être tenu responsable pour la sécurité des siens. La dimension sociale, qui implique d’être intégré socialement ou de pouvoir l’être, surdétermine ainsi les dimensions psychologique et biologique. Or seule cette dimension permet de porter un jugement moral sur les actes humains. C’est de toute façon une hypothèse que je tâcherai de démontrer. L’univers fictionnel du récit policier repose, comme je l’ai déjà laissé entendre, sur un conflit manichéen entre les forces du mal et celles du bien, c’est-à -dire entre le criminel, qui est une figure maléfique, et le détective ou le justifier, qui représentent le bien. Cependant la frontière entre les deux n’est pas aussi tranchée. La pratique par le représentant du bien d’actes fondés sur la force et la violence - fussent-ils légitimés par la brutalité et la cruauté de l’adversaire - est courante dans le roman policier. Il n’est pas rare ensuite que le justicier ou le détective glisse d’actions nobles et généreuses vers des conduites viles et malhonnêtes. Quant à l’enquête, qui remonte vers les antécédents du crime, elle remet en cause le concept même d’innocence : « …. la façon dont le détective regarde le monde qui s’offre à son investigation témoigne d’une conception du monde : le soupçon généralisé. (…) Le roman policier nous apprend que tout le monde a quelque chose à cacher, que chacun, même si ce n’est d’un crime, est coupable. » (Ludovic Janvier cité par Lits 1999 : 136 ). Enfin le coupable avéré lui-même, il n’est pas toujours totalement négatif. Il n’en reste pas moins que la représentation du mal dans le récit policier fait polémique. Alors que pour Uri Eisenzweig, par exemple, le crime a un rôle crucial dans le récit policier, il « est un élément non pas thématique, mais bien structurel […] puisque lui seul peut assurer l’absence narrative fondatrice du récit de l’enquête. », (Eisenzweig 1983 : 13) « l’anesthéticité de la littérature policière [d’après Adolf Rutenberg] relèverait du contenu qu’elle thématise. La criminalité ne constituant pas un objet d’intérêt, il y aurait là un défaut constitutif qui vouerait le genre à l’échec. ( Korinman 1983 : 87) En général, parmi les professionnels de la littérature, il y en a qui considèrent que le genre policier fait appel à ce qu’il y a de plus bas en l’homme: le goût pour la violence, la complaisance pour le mal, le spectacle d’une humanité débarrassée de ses idéaux. Qui plus est, cette littérature serait toujours tentée par l’hyperbole. Elle se plairait par exemple à mettre en scène des virtuoses du mal, et cette veine hyperbolique non seulement est conforme aux attentes d’un lectorat avide d’émotions, mais elle invite ses lecteurs à s’identifier avec les êtres maléfiques qu’elle crée, elle incite à la violence. D’autres artistes et critiques, tout en reconnaissant que le genre policier réactive le fond archaïque de nos terreurs, sont d’avis qu’il ne le fait que pour saisir l’humain dans le monstre. Quoiqu’il en soit la peinture de l’immoralité, ainsi que la « morale » de l’histoire, interpellent la conscience du lecteur et interrogent son jugement. Une telle interrogation est à l’origine de ma communication dont le propos est justement de développer une réflexion sur la question du bien et du mal dans le récit policier. Et cela à partir d’une figure légendaire, celle d’Arsène Lupin. Le fait de l’avoir préféré à d’autres figures mythiques du genre est dû à sa double nature : il est le bandit honnête-homme, le gentleman cambrioleur et justicier. Et cela peut alimenter une réflexion morale. En plus, on a affaire à un personnage typique de roman policier, car, malgré ses multiples identités, Arsène Lupin n’évolue pas, il obéit à un cliché L’analyse d’un écrit célèbre "La comtesse de Cagliostro", me permettra de montrer comment les moyens que le héros utilise pour arriver à son but et l’intention qui détermine ses actes le définissent comme étant porteur de valeurs positives ou négatives pour la communauté, et donc attachant ou bien rebutant. Le Bien et le Mal dans le roman policier - analyse Le roman « La comtesse de Cagliostro » est l’histoire de la première aventure d’Arsène Lupin, celle à travers laquelle il livre au lecteur les secrets de sa personnalité en même temps qu’il se révèle à lui-même. D’entrée de jeu, je dirai que cette aventure est amoureuse et que la capture d’un trésor fabuleux n’est au début qu’un simple moyen pour conquérir la mystérieuse Cagliostro. Grâce à une lettre qu’il détecte dans le bureau du baron d’Étigues, son futur beau-père, le jeune Raoul d’Andrésy ou Arsène Lupin est au courant de la réunion pendant laquelle allait être jugée la « créature infernale » qui menaçait la « grandiose » entreprise du baron et de ses invités, entreprise qui consistait à faire main basse sur le trésor caché des moines. Raoul trouve un endroit d’où il peut assister à la réunion sans être vu. Entre temps, une discussion qu’il a surprise entre le baron et son cousin Bennetot lui a appris que la femme jugée serait condamnée à mort indifféremment du résultat des délibérations et que les deux allaient mettre à exécution ce plan monté par Beaumagnan, le chef de la bande. Une première réaction d’Arsène Lupin : « Quels gaillards ! Ça parle de tuer comme d’autres de changer de faux col ! » (Leblanc 1964 : 21) Il a une deuxième réaction, quand un des membres du « tribunal d’inquisition » enlève le voile de la femme : « Bigre ! […] elle paraît bien inoffensive, l’infernale et magnifique créature ! Et ils se mettent à neuf ou dix pour la combattre ? » (Leblanc 1964 : 26) Et le commentaire de l’auteur à la fin du procès: « Et ainsi, il arrivait ceci, qui déconcertait Raoul, c’est que cette séance dramatique, où la vie d’une femme avait été exposée d’une façon si arbitraire, et sa mort obtenue par un subterfuge si odieux, finissait tout à coup, brusquement, comme une pièce dont le dénouement se produit avant l’heure logique, comme un procès dont le jugement serait proclamé au milieu des débats » (Leblanc 1964 : 66) Et le jeune Raoul décide contre tous de sauver la malheureuse et magnifique créature. Et il réussit, car non seulement il en a les moyens, il a les qualités physiques et intellectuelles nécessaires, mais en plus il se procure les moyens, il ne laisse rien au hasard. D’ailleurs toutes les épreuves dont Arsène Lupin triomphe, et de façon spectaculaire, s’expliquent entre autres par cet esprit de prévoyance et d’organisation hors du commun. Par la suite, je vais détailler une seule de ses entreprises, mais qui est représentative de toutes les autres: l’action de sauvetage de la jeune femme. Cela nous fera voir pourquoi les actes d’Arsène Lupin sont hautement efficaces. Et, tout aussi important, en suivant le chemin qui va d’un projet d’action à son accomplissement, on saisira plus aisément le mécanisme par lequel l’action en vient à être la source de toutes les évolutions, des coups d’éclats comme des fiascos, des atrocités et des bontés. Le projet de sauvetage de Raoul inclut le sauvetage et les moyens d’y parvenir. Tout d’abord les moyens dont il dispose déjà : une bonne connaissance des lieux, d’excellentes qualités de nageur, son endurance physique, qu’il doit à la génétique mais aussi à la pratique, son endurance morale. Ensuite les moyens qu’il se procure au cours de l’action : le couteau, l’aviron, l’échelle, une meilleure connaissance des lieux, étant donné qu’il n’aborde jamais un lieu qu’il n’a pas survolé ou même fouillé auparavant. Les moyens dont il dispose déjà l’aident à maîtriser la part d’imprévu. Avec les moyens qu’il se procure il vise à diminuer cette part d’imprévu. L’action de sauvetage proprement dite comporte un certain nombre de sous actions: descendre sur la plage, s’accrocher à la barque qui transporte la victime, une fois que la barque défoncée est abandonnée par les bourreaux, monter à bord et boucher le trou, trancher les cordes qui attachent la jeune femme, saisir le gros galet et le jeter à l’eau, gagner le rivage à la rame, enlever la jeune femme et la déposer contre le pied de la falaise, reconduire la barque en pleine mer et enlever le bouchon, pour que l’ennemi croie que la jeune femme est « bel et bien noyée », charger la femme sur son épaule et escalader les trois cent cinquante marches qui les sépare du sommet de la falaise, porter la femme à travers la plaine jusqu’à une grange isolée, la monter au grenier. Ces sous actions comportent à leur tour des sous-actions. Pour trancher les cordes, le jeune Raoul s’est procuré au préalable un couteau, pour gagner le rivage à la rame, il a caché d’avance un aviron dans le fond de la barque, pour se mettre à l’abri dans la grange isolée, il a repéré l’endroit à l’avance, pour monter au grenier, il s’est assuré de l’existence d’une échelle, pour éviter qu’on le poursuive, il a fait retomber l’échelle dont il venait de se servir. La barque qui était un moyen pour gagner le rivage pouvait se transformait en contre moyen si elle était découvert par l’ennemi, et il en est de même pour l’échelle. La barque et l’échelle comme contre moyens sont des informations que Raoul acquiert en cours d’action. Ces informations l’aident pratiquement à adapter l’action en déroulement. La réussite de l’action de sauvetage s’explique en fin de compte par un système de sous actions. Mais ces sous actions ne s’enchaînent dans l’ordre donné, ne sont liées l’une à l’autre, ne forment système qu’indirectement, par le moyen du projet. C’est lui qui leur confère unité. Mais pour qu’il pilote en plus chaque sous action il doit lui-même se reconstruire au fur et à mesure que l’action avance. Cette reconstruction donne la direction d’ajustement de l’action de sauvetage. Pour être plus précis, la première sous action dépend du projet initial, mais la deuxième dépend non seulement du projet initial mais aussi de la première sous action, ce qui laisse entendre que le projet initial l’a intégré entre temps et que par contrecoup il a subi une transformation. Sans cette transformation, si minime soit-elle, le projet ne vit pas et l’action, conséquemment, n’avance pas. Une transformation majeure, d’autre part, peut mener, comme on le verra plus tard, au changement même de projet, et donc d’action. J’insiste sur ce point, car il est mal ou pas du tout éclairci dans la philosophie de l’action. A partir de ce moment, j’essaierai de dénicher ce qu’il y a d’éthique dans les entreprises d’Arsène Lupin. Sauver de la mort une jeune femme dont l’unique faute est de poursuivre le même but que ses accusateurs est un geste éthique, d’autant que sa mise en accusation et surtout sa mise à mort sont le résultat d’une conjuration plutôt que d’un procès. Pour Raoul la femme qu’il vient de sauver est une créature merveilleuse sortie « du tronc d’un if ». Il l’adore au point de faire de sa cause sa propre cause. « Les autres ne pourront rien contre vous… Si vous voulez atteindre, malgré eux, le but qu’ils poursuivent, je vous promets que vous réussirez. Loin de vous ou près de vous, je serai toujours celui qui défend et qui sauve… Ayez foi dans mon dévouement… » (Leblanc 1964 : 86) Or il se trouve que la comtesse vise non seulement à trouver les richesses enfouies des moines mais aussi à se les approprier, ce qui n’est ni légal, ni moral. Quoiqu’il en soit, Raoul s’élance à la recherche du trésor caché, non avant de s’offrir deux journées de méditation. Car il faut dire que ses entreprises sont toujours précédées de longs moments d’observation et de réflexion. Dans celle qui nous occupe, il finira par trouver un des indices qui mènent au trésor. Et cela au grand dam de ses adversaires qu’il a enfermés par prévention dans une cave. Juste le temps qu’il déterrer l’indice, « qui était […] une branche de ces grands chandeliers liturgiques que l’on voit sur certains autels. » (Leblanc 1964 : 97) Et le commentaire de l’auteur, où il est fait également allusion à la liaison de Raoul avec Clarisse, la fille du baron, est édifiant : « C’était absurde, comme toute sa conduite depuis un moment d’ailleurs, car enfin, s’il avait voulu gagner la confiance du baron et de ses amis, il n’aurait pas dû les emprisonner dans une cave ni leur dérober ce qu’il cherchaient. Mais Raoul, en réalité, combattait pour Josephine Balsamo, et n’avait d’autre but que de lui offrir un jour ou l’autre le trophée qu’il venait de conquérir. » (Leblanc 1964 : 98) Deux attitudes se dégagent dans la poursuite du but : celle de Beaumagnan et de sa bande pour qui la capture du trésor est un but en soi qui justifie tous les moyens, y compris l’assassinat et celle de Raoul dit Arsène Lupin pour qui la capture du trésor est un moyen pour conquérir son idole, Joséphine Balsamo. En général, chez Arsène Lupin la haine de l’adversaire n’est jamais assez forte pour justifier le meurtre. Pour lui la personne humaine est sacrée. Et je pense que c’est là un des enseignements majeurs du roman policier. Raoul sauve une deuxième fois Josephine poursuivie cette fois-ci par la police pour vols qualifiés, escroqueries, recel… « sans compter des tas de complices ». (Leblanc 1964 : 112) Tout en la sauvant, il ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine déception à son égard. « Les paroles de ces hommes… leurs accusations dans l‘auberge, est-ce donc la vérité ? Il souhaitait une explication, même mensongère, qui lui eût permis de conserver un doute… » (Leblanc 1964 : 121) Et la riposte de Joséphine : « Policiers ? Gendarmes ? Perquisitions ? Poursuites ?...tu as passé par tout cela, toi aussi, et n’a pas vingt ans ! Alors est-ce la peine de se le reprocher ? Non, Raoul. Puisque je connais ta vie, et puisque le hasard te montre un coin de la mienne, jetons tous deux un voile là -dessus. L’acte de voler n’est pas beau : détournons les yeux et taisons-nous. » (Leblanc 1964 : 124) Et Raoul se tait, mais il vit mal la vérité sur sa bien-aimée. Celle-ci, de son côté, reconnaît que le vol est blâmable. D’où l’on voit que l’acte de voler inspire les mêmes sentiments et le même jugement à ceux qui ne volent pas et à ceux qui volent. Et cela est dû au fait qu’il affaiblit la confiance entre les gens et menace la cohésion sociale. Et de ce point de vue, l’acte de voler est criminel. Qui plus est, la suspicion entre les voleurs est plus grande que celle entre les voleurs et le commun des hommes. La preuve, la relation entre Raoul et Joséphine s’en ressent. Mais l’existence double de Joséphine indisposait Raoul pour d’autres raisons encore : « Oubliant ses propres actes, il lui en voulait d’en accomplir qui n’étaient pas conformes aux idées qu’il gardait, malgré tout, sur l’honnêteté. Une maîtresse voleuse et chef de bande, cela l’offusquait. » (Leblanc 1964 : 196) Mais chaque fois l’amour, la passion, la volupté prenaient le dessus. Les dernières indications qui devaient conduire au trésor légendaire étaient détenues par la veuve Rousselin. Mais Raoul apprend que celle-ci a fermé la maison pour partir rejoindre sa fille à Paris. Or son départ correspondait au voyage de Joséphine. Une surveillance attentive et « quelques détails suspects » (Leblanc 1964 : 213) lui permettent de trouver la grotte où la femme était enfermée et interrogée par Léonard, l’homme de confiance de Joséphine. Des gémissements et des cris étouffés parvenaient jusqu’à l’endroit où Raoul était caché. Entre temps Joséphine Balsamo restait dehors, « assise sur une vieille chaise branlante et à l’abri d’un rideau d’arbustes. » (Leblanc 1964 : 214) Raoul réussit finalement à sauver la malheureuse femme et à la confier à deux religieuses pour la secourir. « On installa la veuve Rousselin dans le break et on l’enveloppa de châles. Elle n’avait pas repris connaissance et délirait, agitant sa main mutilée dont le pouce et l’index étaient tuméfiés et sanguinolents. » (Leblanc 1964 : 223) La vision de cette main torturée a fini par consommer la rupture avec Joséphine. Lorsque celle-ci lui demande pourquoi, il répond : « - Parce que j’ai vu une chose, dit-il, que je ne peux pas… que je ne pourrai jamais te pardonner. - Quelle chose ? - La main de cette femme. » (Leblanc 1964 : 225) Dans la recherche du trésor, Raoul d’Ardrésy dit Arsène Lupin sera dorénavant à son compte. Il ne mettra plus ses victoires au service de Joséphine Balsamo dite comtesse de Caliostro. Et c’est la vision d’une main multilée ou plus exactement le trouble violent qu’elle a provoqué en lui qui a détermniné le changement. Arsène Lupin est un voleur invétéré, mais il y a une limite qu’il ne franchit pas. Et le motif de la les personnes ont une valeur en soi. Il est d’instinct l’adepte de la politique du moindre mal. Le baron d’Étigues et son cousin Benneton doivent leur fortune à un meurtre à la suite duquel ils entrent en possession d’un coffret renfermant « quelque cent pierres précieuses ». Ce coffret, qui aurait dû être confié par la victime à un homme de l’église, était la preuve que la cachette, la borne de granit de Caux, contenait dix mille pierres « aussi belles que celles-ci » (Leblanc 1964 : 162) Beaumagnan est au courant de ce meurtre et fait chanter les deux cousins en leur demandant d’accomplir les tâches les plus répréhensibles. Ces derniers finissent par noyer leur conscience dans l’alcool avant que leurs corps soient découverts dans la Seine Pour Beaumagnan, le pire ennemi de Joséphine Balsamo, un des portraits faits par l’auteur est éloquent: « Il avait l’instinct de la domination et l’attitude de l’homme pour qui l’obstacle n’existe pas. Entre le but et lui une femme se dressait ? Qu’elle meure! S’il aimait cette femme, une confession publique l’absolvait. Et ceux qui l’entendaient subissaient d’autant plus l’ascendant de ce maître dur que sa dureté semblait s’exercer aussi bien contre lui-même. » (Leblanc 1964 : 53) Et en effet, face à l’échec de la « grandiose » affaire il se donne la mort. A l’heure de l’agonie, il trouve encore la force de dire à Raoul : « Clarisse… Clarisse d’Étigues…il faut l’épouser…Écoute…Clarisse n’est pas la fille du baron…Il me l’a avoué…c’est la fille d’un autre qu’elle aimait… » (Leblanc 1964 : 305) Beaumagnan peut encore penser à l’autre. Quant à Joséphine Balsamo, elle est animée par la volonté du mal. Ou comme dit Raoul, l’intention du meurtre est en elle et Léonard ne fait que l’exécuter. Finalement les odieuses accusations proférées contre elle se sont avérées fondées. C’est elle qui a mêlé du poison aux poudres que devait avaler Beaumagnan. C’est elle qui a supprimé les deux amis de Beaumagnan, Denis Saint-Hébert et Georges d’Isneuval. Elle a en effet aimé Raoul mais l’obsession de la vengeance a été plus forte. L’idée que Raoul allait se marier avec Clarisse, qu’un enfant naîtrait de leur amour cela a été au-dessus de ses forces. Et elle a préparé leur mort dans les moindres détails. Mais avant tout elle s’est assuré que les mille et mille pierres précieuses des moines étaient dans un coffret à son nom en banque. Chez elle, aucun débat de conscience. Les représentants des gens ordinaires, d’autre part, sont des figures aussi touchantes que pâles. C’est le cas de Clarisse ou de la veuve Rousselin. Or Arsène Lupin fait chaque fois peser la balance en leur faveur. C’est cette chance donnée au commun des hommes par quelqu’un dont les qualités sont exceptionnelles qui fait l’attrait du récit policier. Dans le monde de noirceur qu’il peint il y a une dynamique du bien. Et le lecteur s’y accroche. Par là , le récit policier est proche du conte de fée, mais il s’en distingue aussi, car, comme je viens de le dire, aucune force occulte n’y intervient, le bien comme le mal y incombe à l’homme, qui devient responsable. Le récit policier privilégie de ce point de vue le cosmos social avec son cortège d’interrogations liées à la coexistence humaine. Extrait de l’article « Arséne Lupin, bandit et honnête homme Questionnement sur le bien et le mal dans le roman policier », publié dans « Polar-isations francophones Cinquante nuances de noir », 2018, Iasi, Junimea. |
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