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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2016-01-20 | | On les a pourtant sur le bout de la langue, oui, on les a presque… à portée de dire, ils sont encore là , vagues, mais bien présents, et puis, une seconde après, parfois une minute, et ils se sont envolés ! Alors, plus moyen de s’en souvenir, les mots oubliés, les mots qui ne viennent pas, se font plus oublieux que le déni, comme effacé d’un seul coup d’aile. Cette forme d’oubli est notoire chez chacun de nous, selon l’âge ou la distraction, car notre mémoire est bien peu fiable, bien trop courte pour ces grandes ailes déployées et infidèle comme ces clés volages qui vont d’une serrure à l’autre à en perdre les verrous ; mais savez-vous pourquoi ? Car c’est là que les mots papillons se cherchent avant de se perdre, au sommet des langues oublieuses. Incontestablement, ce défaut de mémoire est aussi naturel que la migration des grands Monarques. Les mots migrants choisissent eux même l’oubli comme moyen de passage et but de leur voyage. D’un seul oubli, ils s’envolent ailleurs par les trous de mémoire, et volent ainsi au loin, cherchant leur chemin entre les lignes du vent, recherchant la lumière dans des chapitres jamais écrits et des phrases à jamais incomplètes. Si soudaine qu’elle soit, cette soi-disant amnésie cache un phénomène des plus naturel, les mémoires oublieuses sont comme des nids de coucou, ou plutôt comme les confortables cocons du verbe, d’où partent les mots chenilles, mûrissant entre les pensées, migrant jusqu’à l’état d’adulte, l’état le plus parfait, jusqu’au bout de la langue qui les porte comme un tremplin jusqu’au jour de l’oubli qui est aussi celui de leur départ. Ainsi, les mots papillons mûrissent, se transforment, progressent puis prennent leur envol. C’est la métamorphose des mots oubliés qui s’opère en nous pour atteindre la maturité, cet état d’imago qui leur permet d’être oubliés. Quand la langue laisse échapper ses grands lépidoptères, où vont-ils ? Voila une question qui excite la curiosité des petits enfants comme des grands. Les mots que l’on a oubliés, où posent-ils leurs pattes légères, oubliant quelques écailles couleur d’arc-en-ciel sur le bout de nos langues, ce qui donne un goût si particulier aux mots oubliés, un goût qui comme eux s’efface puis disparaît à l’horizon ? À la différence des bons mots et des mots d’esprit qui peuvent s’oublier pour que d’autres en profitent, seuls les mots durs et les gros mots ne s’oublient pas, trop lourds pour que les papillons les prennent en charge. Ne vous méprenez pas, dans la chrysalide des langues, dans cette métamorphose ou cette alchimie du verbe comme dirait Rimbaud, c’est toute une magie qui opère en profondeur comme en fin de parcours; là où ils se reproduisent, les mots oubliés donnent la parole à d’autres, et sont reçus ailleurs comme des perles rares, des cadeaux précieux, des intuitions subtiles. Ces mots oubliés par les uns permettent à d’autres d’écrire livres et poèmes, parce que ces mots papillons aux grandes ailes dorées ont une saveur inestimable, comme un goût de tendre mot, un goût d’espérance qui peut même redonner vie à ceux qui les accueillent.
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