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■ Voir son épouse pleurer
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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2016-01-12 | | Alors que, même le dernier des acrotomophiles (1) y trouve sa place, et que le plus petit fétichiste des trous de serrure y voit sa clé… dans le dernier DSM (2) comme dans la liste exhaustive des paraphilies, je ne m’y retrouve pas docteur, j’ai pourtant fait le tour de la question… pourquoi cet oubli, dites-moi docteur ? Depuis cette date fatidique de juillet 1958 où je me suis noyé dans les eaux troubles et agitées d’une piscine des Alpes de Haute-Provence, je souffre de ce que l’on pourrait nommer, pour faire simple, une periplokosprosopophilie, c’est-à-dire que je ressens une attirance très nette et même compulsive pour la complexité des choses et pour les dites personnes “compliquées”. Pourquoi suis-je accroc à la complexité ? Et à propos de « ça », comme dirait l'ami Freud, pourquoi le mot « Periplokosprosopophile » ne se trouve-t-il pas au hit parade de paraphilies, ou plus encore dans une encyclopédie digne de ce nom ? Depuis bientôt soixante ans, j’ai ma petite idée à ce sujet, mais si je viens consulter chez vous, c’est que je souhaite en quelque sorte un diagnostic plus complet , plus “holistique”, c’est-à-dire à la mesure de la démesure. Pourquoi cette séduction sans frein pour les personnes, les objets et les sujets compliquée ? Peut-être simplement parce que la vie est elle-même complexe, dure comme un cristal plein de multiples facettes, qu’elle est exigeante et que l’existence dans un monde et un Univers complexe est elle-même aussi compliquée qu’une équation divine. Le défi de la complexité s’oppose au déni de la même complexité. Ce déni qui est celui de toutes convictions rigoureuses, des croyances installées, des certitudes de béton armé, bien armé et bien loti en général, des dogmes scientifiques ou religieux tous barbelés confondus ... Un déni qui est lui-même “un délire chronique”. J’aime faire des liens comme on produit des neurones. Au grand risque d’une pensée libre, docteur, j’ai opté pour les grands remèdes d’une pensée complexe, faite d’interactions, d’explorations et d’aventures vivantes. Suis-je quelqu’un de compliqué Docteur? C’est un fait, probablement même que je suis à croc de complexité parce que l’enchantement des réalités multiples agit sur moi comme un charme, une mixture alambiquée entre un bouillon de nature et un brouillon de culture, là où le visible et l’invisible se mêlent aux hormones, aux meilleur cru de nos neurotransmetteur et à toutes ces croyances erronées et représentations sociales et culturelles qui nous encombrent l’esprit ; là où le Réel reste bien inaccessible, là où l’ineffable règne en maître absolu, et qu’il faut bien le souligner, là où l’homo sapiens est un être bien limité dans sa biologie et sa compréhension des choses, et qu’il tend sans cesse par sécurité à la réduction, à la simplification et aux clichés les plus détestables. De complexité en complexité, je me rend bien compte combien tout ici manque de nuance, combien moi-même et les être en général sont dans la confusion la plus totale, dans l’outrance et la contradiction, dans le paradoxe ou l’ambiguïté, là où il faut bien le dire et le redire, nos pauvres réalités sont toujours amputées de quelques autres réalités plus complexes encore. Complicité, compliqué et complexité vont ensemble, comme les faces de Janus; oui docteur, j’aime les objets et les sujets complexes parce qu’il y a entre eux et moi une forme de jeux de miroirs, de complicité mathématique, une sorte de connivence comme entre un ordinateur et un algorithme, et aussi, une confrontation de tous les instants à mes propres doutes et limites. J’aime les dédales, les casse-têtes chinois ou français, les Rubik's cubes et les boîtes de Pandore; j'adore les impossibles métaphores, les concepts-chimères, les analogies tirées par la perruque, les no man's land et les symétries métaphysiques, les systèmes trinitaires, les systèmes épistémologiques, les sixièmes sens et les quatrièmes dimensions, les chemins occultes et ésotériques, les corridors spatio-temporels entre l’Orient et l’Occident, les sentiers pataphysiques et les boîtes noires du Corps mystique et les “ceci n’est pas...” du surréalisme. J’aime plus que tout, les voyages dans le temps et dans les temps des verbes et des adjectifs éclatés; j'aime les parts à dire et les partouzes où l’imaginaire, le symbolique et le réel se mélangent comme dans une soupe de grand-mère, là où il y a du fumet, de la couleur, du sens et du non-sens, selon le point de vue ; dans un encombrement comme un bouchon de mots, là où l’on peut voir ou entrevoir de la difficulté et de l’absurde, de la folie métissée de génie ; là où il existe de la candeur arc-en-ciel, comme celle des anges ; une beauté singulière qui vient se mélanger aux ombres grises et passagères de nos multiples démons idéologiques. Oui, je le confesse, il y a entre moi et les choses compliquées une relation de pur échange, une communion du corps, de l'âme et de l'esprit; une interdépendance toute poétique, quasi amoureuse, tout comme l’otage d’une raison pure ou d’une pure déraison est confronté lui-même un jour au syndrome de Stockholm, comme livré à la complexité de son bourreau de réflexions, d’écriture ou de peinture. Et ce n’est pas les vertiges de l’acrophobie qui me font vraiment peur, mais plutôt l’inépuisable complexité du vide, celui qui m’attire dans son giron labyrinthique comme un aimant puissant de potentialités, comme un néant virtuel, un trop-plein d’inconnaissance complexe dans l’œil ou le trou noir d’un Univers en pleine expansion. Je ne suis pas de ceux qui veulent circonscrire le Réel, c’est plutôt Lui, Le Réel, qui me marque par et dans mes propres limites ! Alors que d’autres se scoutaient en culottes courtes, depuis la préadolescence je me shoote à la vulgarisation, je suis donc un être vulgaire vulgarisé; j’ai même un profil et un physique quantique dit-on dans bas-fonds des hautes sphères, car j’aime plus que tout toutes les impasses, les catacombes, les compromis et les justes milieux, et même les milieux pas justes du tout, les anachronismes et les logiques pas vraies, les vérités pas logiques avec lesquelles je marche pas à pas sur la théorie des cordes raides, évitant les antichambres et chapelles des toutes les religions laïques ou autres, essayant de déjouer les fléaux de la science et les plaies de la conscience, pour creuser davantage les apparences, pour illustrer les vérités erronées, pour évider les évidences, excaver les certitudes … afin de lever les lièvres dans les trous nauséabonds des mensonges politiques et des différentes formes de démagogie ou de populisme outrancier. D’équations de physique en corrélations métaphysiques, de lien en lien je vais, passant par le trou des aiguilles de la géométrie analytique aux calculs différentiels et intégraux ; lisant de gros ouvrages holistiques sur les séries numériques, expérimentant entre l’oratoire et le laboratoire des exercices irrésolus d’équations différentielles ordinaires et même extraordinaires, comme d’autres pratiques le hâta-yoga ou la méditation ; me nourrissant exclusivement de purées de variables complexes et de consommés prédigérés d’analyse vectorielle … bios, bien sûr ! Entre deux tasses de thé sinusoïdales et quelques extases trigonométriques, me sustentant aussi de question sans réponses, de prose cybernétique sans rire et de vers cinétiques sans rime, élaborés pour la gent des docteurs en linguistique et pour l’ingénierie sémantique ; me laissant transformer des pieds à la tête par des fonctions de conversion et de transformations, usant ainsi de l’algèbre linéaire et de figures géométriques circulaires pour contrer les simplismes faciles, les banalités et clichés de masse, les sentiments excessifs et les jugements réducteurs, les conclusions abusives et les réponses uniques vis-à-vis des problématiques du Monde et du Réel en particulier. Je suis donc, docteur, vous pouvez le constater un grand malade à la langueur de l’hypoténuse, comme un théorème qui aurait pris l’eau lord d’une noyade accidentelle, en la ville d’Oraison, en un mois de juillet caniculaire, ou Pythagore et Euclide eux-mêmes n’auraient pas mis un pied dehors pour réaliser un l'angle droit avec le soleil au zénith. Mettez-moi docteur sous antilogique, délivrez-moi du mal et une prescription pour mystique dé-croyant, pour dé-constructeur de morales et de calculs bourgeois … et vous en prie Docteur et je vous en supplie, trouvez-moi l’antidote, le médicament miracle qui me fasse aimer d’amour tendre les choses simples. (…) La fascination de la complexité (extrait), pour une topologie de la complexité. Notes : (1) L’acrotomophile est celui qui pratique l'acrotomophilie, c’est-à-dire qui connait une attirance, un amour pour un individu ou un partenaire sexuel amputé, que l'amputation soit partielle ou pas et qu’elle concerne n’importe quelle partie du corps. (2) Le DSM, de l'anglais Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, est le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'Association Américaine de Psychiatrie, publié depuis les années 1950. |
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