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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2013-04-24 | | AVANT - PROPOS Nos fantômes et nos propres démons comme des zombis marchent dans l’ombre des guerres et des révolutions; les voyez-vous passer ? D'ombre et de lumière, ainsi va semble-t-il la vie. « L’ombre de leurs dieux s’est éloignée d’eux » souligne le livre des (N) Ombres ; les hommes ne vivraient-ils plus d’amour et de lumière ? (…) À partir du moment où nous savons qu’elle n’est que l’ombre de quelque chose d’autre, l’ombre devient un(e) véritable ami(e) et un trésor à dévoiler sans cesse. Les ombres représentent plus de 99% de nous-mêmes, de notre identité, mais il nous faudrait creuser ses apparences, percer les profondeurs du corps et de l’âme, passer cette zone sombre et de contour, marcher dans l'ombre de la vallée de la mort à nous-mêmes, quitter nos illusions, nos fausses lumières, abandonner notre mémoire familiale, nos croyances erronées et nos horizons religieux, et surtout lutter contre nous-mêmes et guerroyer comme Jacob contre tous les faux semblants sociaux, les clichés, reflets culturels et autres mirages lumineux. « Je est un autre », dit le poète (Rimbaud), et en autre voyant, Jung décrit l’ombre comme « l’autre nous », comme il y a des ailleurs à tout, l’ombre n’est que l’ombre, mais nous vivons en plein dedans. Observateurs troglodytes médusés, notre tête est une caverne ténébreuse, une boîte noire comme la chambre obscure d’un photographe d’antan. (…) La vie serait-elle comme un long fleuve d’ombres emporté par la lumière la plus crue ? Et nous, ne sommes pas comme ces enfants qui tentent de piétiner le bord de leur silhouette fragile aux contours lumineux ? Ne sommes-nous pas comme l’enfant qui expérimente son reflet dans l’eau ou dans un miroir ? Comme cet enfant joueur qui saute à cloche-pied et marche avec force sur son ombre fluette, croyant qu’elle va crier son nom ? Mais, comme le pigeon agile, les ombres ne se laissent pas capturer comme ça, elles décampent, elles esquivent le pied et échappent à la main qui veut les enfermer dans une boîte ou un tiroir. L’ombre portée ne porte que l’apparence d’elle-même, l’essentiel n’est pas là ! « Porte » et « porter » n’ont-ils pas la même racine ? Il faut franchir le pas, prendre la porte…, lever les yeux au ciel. Entre les nuages gris et le ciel bleu, les yeux bleus et les regards ténébreux, il nous faut sans cesse discerner le pire et le meilleur ; les météorologistes les plus futés, eux-mêmes se laissent bercer par l’illusion et berner par l’aspect des nuages ou par leur absence, c’est bien connu des parasols comme des parapluies, ces hommes-là sont nuls en divination ! Connaissez-vous la Skiamancie, cette science divinatoire qui consiste à étudier les ombres ? Pour ma part, je la pratique du matin au soir, dès que mon ombre porte le pied sur le sol de mes pères, dès que l’ombre tremble sur les murs, dès qu’elles se projettent quelque part, j’observe, je médite sur elle comme on se plie pour pénétrer la tente de la rencontre, comme on observe l’enveloppe des choses ou comme on lève le voile d’un tabernacle saint. Mais si l’ombre c’est l’image projetée des objets, que savons-nous vraiment des objets et des sujets, de leurs images et de leurs ressemblances ? Que savons-nous ne nos propres ombres et de toute la lumière qui nous habite, nous traverse et nous transperce pour nous révéler comme une plaque photographique ? Comme l’enfant qui tente de piétiner son ombre, nous ignorons tout de la lumière. Nous rapprocher du soleil comme Icare, nous élever jusqu’aux nues, ne nous en dirait pas plus sur nous, nous ne savons rien de cette théophanie numineuse, rien de cette lumière qui tente de nous transfigurer. Sauf que les nuées comme image de la multitude, soulignent toute la complexité des ombres et des pénombres, mais ne nous dit rien de leur essence profonde ou de leur profondeur abyssale. Je ne voudrais pas faire ombrage à ceux qui pensent que les théologiens en savent plus sur Dieu que le commun des mortels ; mais je pense sincèrement que la plupart des théologiens sont de grands poètes qui s’ignorent, mais de bien -tristes savants qui s’y croient ! Je n’ai pas la prétention d’être théologien ou philosophe, mais si le terme poète veut dire « causeur d’ombres », alors je le suis ! (…) Le cinéma et les photos en noir et blanc nous enchantent ! Pourquoi les vieux films et les vieilles photos nous fascinent toujours autant ? À travers les ombres, seule la lumière est capable de rendre « extraordinaire » l’ordinaire, de percer les apparences, de rendre transparentes les illusions, de dévoiler la part d’ombre…, c’est que la lumière et l’ombre seules révèlent l’œuvre au noir des grandes transformations. Et vous-mêmes, parlez-vous la langue des ombres ? S’agit-il d’apprivoiser son ombre, de domestiquer ses ombres comme ses pulsions ou de se laisser transparaître ? De mémoire de cadran solaire, l’heure de vérité n’est jamais que celle où se croisent l’ombre et la lumière ! (…) La vie est un jeu d’ombres, un théâtre d’ombres, qui sait se faire comique et tragique tout à la fois. Mes souvenirs les plus lointains me parlent de ces grand-mères aux cheveux poivre et sel, qui savaient lire dans les ombres comme d’autres se confinent dans leur marc de café. On nomme cela la skiamancie, mais l’infusion du café le meilleur, ne ressemble nullement à ces effusions d’ombres dans les lumières ambiantes, entre le jour et la nuit, la pénombre s’étire comme un corps au repos, comme une âme en peine, en quête de repos, entre l’aube et le crépuscule. Dans tous ces jeux d’ombres, on peut lire le mouvement, la vie et l’être, comme dans les nuages les plus gris. Parce que le ciel bleu est un mirage de lapis-lazuli, seul compte les moutonnements entre le noir et le blanc, les entre-deux des vides et des pleins. Entre le soleil, le feu ou la lampe incandescente, l’ombre se joue de nous, la véritable source de lumière est à l’intérieur de nous, au cœur même de la matière. Cumulonimbus, altocumulus et autres stratocumulus, en disent plus sur la lumière que n’importe quel ciel parfaitement azuré. Ce qui importe avant tout, c’est de se laisser saisir par la lumière, jusqu’à en devenir transparent. (…) Au-dessus de nous tous, les cœurs comme les cieux semblent délavés ; les gros nuages gris de l’inconnaissance couvrent le Monde, tout ce que nous pouvons dire ou signifier du réel, de Dieu, de la vérité n’est que de l’ombre, de la vapeur, de la poussière ou de la paille. (...) DU LUMINEUX AU NUMINEUX Tout ce que nous savons de l’homme comme de Dieu, n’est que le fruit ombré et blet de nos pires projections, de nos transferts malades comme de fragiles décalcomanies, de pauvres images de l’humain, c’est-à -dire des vessies vides de lumière, que nous prenons pour de grands messies lumineux. (…) L’ombre n’est pas le sujet comme la carte n’est pas le territoire, ou comme la projection n’est qu’un film parmi d’autres, mais pas le vrai fil de la vie ; ainsi, l’ombre s’étire ou rétrécit pour démontrer toute la relativité des choses. Ombre et pénombre jouent entre l’aube et l’aurore pour que le juste milieu nous éclaire, tout comme l’épreuve du vide et du plein prouve l’existence d’un vide médian, d’un entre-deux. Nos pensées sont des cônes d'ombres fracturées, nos vides de pensée des zones de pénombre, et dans l’anté - ombre il nous faut encore discerner, au théâtre des ombres l’absence totale de vraies lumières. (…) À l’instar de ces deux artistes anglais, Sue Webster et Tim Noble, (1) qui produisent des sculptures d’ombre pour nous interpeller quant à notre réalité de consommateurs ; la lumière se joue des formes, et sans que personne ne s’aperçoive de quoi que ce soit, l’ombre tisse sa réalité et les apparences nous trompent de même. « L’art, c’est du cochon », disait l’un d’eux, l’ombre c’est du vent, souffle l’autre, comme des graffitis sur le sol s’effacent et sur les murs se répandent…, si tout homme a dans son cœur un cochon d’ombres qui sommeille, il a en lui et hors de lui bien des ombres qui l’habitent ou l’habillent. Nous-mêmes, nous recyclons nos manques et nos surplus, nous produisons du déchet, pensant innover ou créer « des œuvres d’art » Par la magie des illusions d’optique, comme des images apparaissent au fond du verre quand l’on verse le saké, nous nous remplissons de même pour faire apparaître quelque propre réalité. Pour cela, nous utilisons tout ce que nous sommes, ce que nous savons ou ce que nous avons, pour reproduire nos images, déchet après déchet, nous ne voyons que ce que nous projetons ou introjectons de nos résidus. L’homme par réflexion ne peut donner que ce qu’il est, comme par fermentation, l’alcool de riz ne peut donner que ses propres lumières ! Nous sommes malades de nos ombres, de ce que nous incorporons, identifions à notre monde ou à celui des autres. Ainsi, chez les créateurs Tim Noble et Sue Webster (1) les ombres projetées sur le mur, selon « un certain angle » (une certaine représentation du monde, un certain schéma mental), révèlent la distorsion entre ce que nous croyons percevoir et une certaine réalité. Selon l’allégorie inversée de la caverne de Platon (Livre VII de La République), nous restons prisonniers de notre éducation, enchaînés à nos modèles sociaux et culturels, immobilisés par nos besoins et nos perceptions biologiques ; nous sommes bel et bien comme enfermés dehors, dans nos demeures obscures, tournant constamment le dos à la porte de l’intériorité. À travers les ombres projetées (ou introjectées) à l’extérieur, nous ne voyons de la réalité que notre propre réalité ; ainsi, les réalités et objets perçus ne le sont qu’à travers leurs seules apparences. J’ai beau poursuivre mes idées, cela revient à pour - suivre quelqu’un comme son ombre éphémère ; j’ai beau croire et espérer, l’ombre règne en maître de l’ombre, comme l’ombre des arbres cache l’ombre des doutes, inséparables comme les doigts de la main, l’ombre et son contraire sont mes réalités et la lumière n’est jamais totale. L’ombre en psychologie analytique dit une grande part de soi, mais elle n’est pas moi ! Et comme « Je est un autre », au jeu des ombres nous nous perdons. Dans ce théâtre d’ombres, dans ce grand jeu d’ombres chinoises, qui suis-je vraiment si je ne suis pas en corps ? Si je ne suis que l’ombre de moi-même ? Qui suis-je nécessairement au-delà de la densité même et de la profondeur des ombres, qui et quel est mon vrai moi ? Cette question qui me semble aujourd’hui ridicule, n’est-elle pas seulement le cri d’un moi-je qui veut se survivre et sortir de l’ombre parce qu’il se veut certain ? Et si je n’étais que lumière ? (…) L’oracle le souligne, latâche est énorme, mais entre vous et moi, entre nos peurs et nos émois, entrenos rêves et la nuit la plus noire, il y a assez de lumière et d’ombre pouréclairer nos vies, assez d’or et d’argent pour opérer cette alchimie de l’amour. Il y a assez de lumière dansvotre objectif et plus encore de clarté au bout de mon pinceau et dans mon stylobille, pour laisser passer la lumière la plus crue et les mots les plus nus,assez d’ocre pour l’offertoire de l’aube, assez de cumulus pour couver nosdésirs. L’œuvre de l’ombre s’étendpour éclore comme l’ovule, les ténèbres ne sont pas absolues, le voile le plusépais toujours se déchire, l’opacité ouvre l’œil pour se faire clair-obscur, l’impénétrablese laisse pénétrer, l’inconnaissable se laisse connaitre, même à tâtons l’enfantfini par retrouver son doudou lumineux. Partout, malgré les éclipses,l’arc en ciel se tisse autour du vert pour fendre l’opacité ; avec l’éclatvif des raies calligraphiées, l’horizon le plus sombre montre déjà le sourire d’unlever de soleil. Il nous faut espérer au-delà des os, même les porteplumes lesplus lourds voient le jour se lever et volent comme oiseaux hors de cage pourse libérer de la pesanteur. Les romans les plus noirs etles nuits les plus blanches se gavent l’un comme l’autre de toutes les nuancesdu gris aux couleurs de l’aurore. L’encre la plus noire gardeen elle l’antidote des nuits, et les ébènes les plus dures ont même des refletsnumineux. Il y aura toujours quelquepart dans le monde le plus noir, des ombres légères pour porter quelquelumière. Comme l’adolescent qui taguele temps, laissant son empreinte éphémère dans l’espace vague, nous mettonstous un peu de couleur primaire dans nos vies pour colorer nos illusions et desteintes bien secondaires pour enluminer nos horizons ; cela fait vivre ! Un peu de couleur bleue dansle ciel et de rouge dans le blanc pour sortir des ombres blafardes ; on sefarde comme au théâtre des ombres, on se maquille le soir pour masquer les jeux trop voyants des lumières, onse cache, on se grime à choquer les ocres de l’obscurité… Des rupestres peintures auxcimaises des musées, les galeries exposent nos palettes bariolées, mais dansmille ans à peine, que restera-t-il de nos clowneries colorées ? Querestera-t-il de nos maquillages, de nos faux-fuyants ? Après vous, après moi, après nous…, seules lalumière et les informations sur l’amour qu’elle contient subsisteront Nos coloriages d’âge en âgesont des cache-misère ; la nuit s’installe à même le sol, l’ombre déploieces nuages sirupeux, les ombres adipeuses sont comme des vagues à l’âme, deslames de fond d’écran ou des esprits bien vagabonds… Malgré toute l’ombre quecontiennent les Univers mis bout à bout, il y a assez de lumière dans les yeuxde mes petits-enfants pour espérer, un jour, rebâtir le monde et survivre à la grisaille. (…) MATIÈRE MATIÈRE GRISE Comme ces interactions entre les idées noires et les pensées lumineuses que l’on nomme en général « inspirations », le langage serait-il le résultat d’une dialectique entre la matière grise et la matière blanche ? À partir de ce postulat, peut-on penser que le verbe « causer » se situe nécessairement entre le blanc et le noir, dans un mouvement circulaire, un jeu d’échange lumineux, par l’opération des ombres ? Le langage en général, ne découle-t-il pas d’une forme d’organisation universelle, du genre trinitaire (père/fils/esprit - ordre/désordre/changement - imaginaire/symbolique/réel), ou tout change, s’arrange, s’ordonne, de manière dynamique, comme le démontre le Taoïsme à travers le modèle ternaire du yin, du yang et du vide médian, schématisé dans le fameux Qing jing ? (…) Oui, me dit l’écume des jours heureux, sal ive de mer, laiteuse et mousseuse comme un sperme fertile dans le shaker agité des grandes marées, cocktail d’alcool de pleine nuit et d’eau salée en plein jour, les vagues grises se répandent sur le sable blond. C’est l’heure des brasses et des brassages noirs et blancs, le temps des méduses et des nageurs de l’ombre tout médusés par les métamorphoses. Comme le silence laisse la place aux bruits, qui s’abandonnent à leur tour à la musique des carnations, rhapsodie des ombrent qui taguent les murs, peignent d’éphémères épreuves sur le pavé des rétines. Ainsi, mes propres cheveux poivre et sel en témoignent, tout en gardant la mémoire du temps où ils tiraient plutôt leur origine de la corneille noire. Depuis la nuit des tempes grises. Les vieillards barbus s’habillent d’ombres bariolées pour laisser la place à de jeunes lumières. Sans l’ombre d’un doute, l’ombre s’impose à nous comme un subtil mélange de lumière et d’obscurité, sous des angles divers elle semble renifler pour s’y coller les surfaces qui l’accueillent comme des papillons ombrés. Les pleines lunes qui dehors couvrent les plaines terres de lueurs étranges et vagabondes ressemblent aux idées noires qui gagnent du terrain. Ainsi, si la nuit, tous les chats sont gris, c’est en raison des miaulements intempestifs de la Lune, que derrière la terne chatière des nuages les choses passent pour étranges. De janvier à décembre, si toutes les chattes sont grises, c’est pour mieux mettre bas des formes élastiques et sombres que l’œil doit s’habituer à caresser dans le sens de l’ombre. Substance blanche et matière grise se mélange aux images, aux mots, aux idées comme pour faire d’insolite bouillons de culture que le sage nomme les Lumières. Lumière sur la ville ou lumière dans les cœurs, c’est toujours là que naissent les ombres intempestives, opportunes, sauvages… Autour de la substance blanche, la substance grise s’étend comme un sombre manteau d’ombres, il en est de même des hémisphères qui se répartissent le noir et le blanc, en moi et dans l'encéphale du monde. Les jardiniers des neurones disent que la substance grise définit l’écorce, le cortex des choses de la tête, je dirais, pour ma grande part d’ignorance, que l’écorce recouvre nos regards d’un voile à soulever. Au sein de la moelle épinière, pépinière des ombres folles, ces dernières tètent de lumineuses pensées ; depuis la dernière pleine lune, j’ai la tête bien pleine d’autant de rêves fous que de substance grise ; alors qu’en périphérie, des silhouettes rodent dans leur robe de substance blanche, pour épouser les formes. Face aux ombres plurielles, en nous tous, tout est fait pour éprouver la peur et même l’angoisse, en nous tous, tout est construit pour réaliser avec nos parts d’ombres, autant de rêves que d’espérance. Entre la nuit et le jour, les neurosciences le confirment, la preuve est dans l’épreuve des sens ! Et la lumière fut, entre l’humain, l’animal et les dieux, les ombres étaient les avatars l’un de l’autre ; comme entre l’obscurité et la lumière, la page blanche et l’encre de Chine, tous parlaient le même langage des ombres, nuages et nuits cohabitaient comme la pluie et le soleil ; les vents couvaient les œufs à la lumière pour que les ombres naissent dans la clarté du matin ; tout comme dans le ciel le son de la harpe à sept couleurs couvent l’harmonie, de ce temps-là , entre fêlures et fissures la nuit même se faisait du jour ! (…) SKIAMANCIE ou Le grand théâtre des ombres (extrait) (1)http://www.timnobleandsuewebster.com/artwerks.html |
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