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Le mal moral et le mal physique au Moyen Âge
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par [Clara-Emilia ]

2019-05-13  |     | 



Dernière partie

III.1. Un défi à la philosophie et à la théologie

Pourquoi avoir choisi Paul Ricœur parmi tant d’autres philosophes des temps modernes ayant abordé la problématique du mal ? Parce que son approche du mal, succinte et pertinente, laisse voir la place occupée par la pensée médievale dans l’ensemble de l’histoire morale et permet du coup de comprendre tout ce qui, en termes de représentation du mal, sépare ou rapproche un homme de notre temps d’un homme du Moyen Âge. Cette mise en relation est d’autant plus fondée que, dans sa démarche, le philosophe a toujours été soucieux de ne pas empiéter sur le théologique et de laisser la Transcendance à l’horizon, tel un « chiffre ».
D’entrée de jeu, il faut dire que la question centrale pour Paul Ricœur est la souffrance et la modalité dont l’individu humain peut renaître dans l’estime de soi face à cette épreuve, alors qu’au Moyen Âge c’était le péché qui occupait le devant de la scène. Pour ce qui est de la souffrance, elle était méritée.
Tout comme pour les philosophes-théologiens, le terme de mal désigne pour Ricœur deux phénomènes disparates : le mal subi et le mal commis. A cette exception près, qu’au mal commis, par la propension mauvaise de la volonté, correspond le mal subi, de la souffrance et de l’injustice et non pas la peine réparatrice. Plus important encore, la réflexion de Paul Ricœur porte principalement sur l’intrication de ces deux phénomènes.
Le mal commis ou le mal moral entraîne l’accusation et le blâme. L’accusation porte sur l’action elle-même comme violation du code éthique dominant dans une communauté donnée. Le blâme désigne le jugement en vertu duquel l’auteur de l’action est déclaré coupable et mérite d’être puni. Or, dans la mesure où la punition est une souffrance infligée, le mal moral interfère avec la souffrance. De même, le mal commis par l’un trouve sa réplique dans le mal subi par l’autre ; « car mal faire c’est toujours, à titre direct ou indirect, faire tort à autrui le faire souffrir ». (Ricœur 2017: 24)
Le mal subi, de son côté, se distingue par des traits contraires : A l’opposé de l’accusation qui dénonce une déviance morale, la souffrance correspond à une diminution de notre intégrité physique, psychique, spirituelle. Au blâme, la souffrance oppose la lamentation, « car si la faute fait l’homme coupable, la souffrance le fait victime. » (Ricœur 2017: 23)
Le brouillage de la frontière entre coupable et victime s’observe en partant des deux pôles. Du côté du mal moral d’abord : le sentiment de culpabilité recèle dans sa profondeur le sentiment d’avoir été séduit par des forces obscures. L’effet le plus visible de cette expérience est que l’homme se sent victime en même temps qu’il est coupable. Du côté du mal subi ensuite : puisque la punition est une souffrance réputée méritée, on peut se dire que toute souffrance est, d’une manière ou d’une autre, la punition d’une faute personnelle ou collective, connue ou inconnue.
Thomas d’Aquin non plus n’a pas manqué d’observer l’intrication entre les deux types de maux, mais cela n’a pas rendu sa position moins inflexible :
« On dit que quelque chose est mauvais de deux manières: d'abord parce que c'est mauvais en soi, comme le vol et l'homicide; et c'est mauvais de façon absolue; d'une autre manière, on dit que quelque chose est mauvais pour quelqu'un, et rien n'empêche que cela soit bon de façon absolue, et mauvais sous un certain rapport; ainsi la justice, qui est bonne en soi et de façon absolue, se change en mal pour le voleur qu'elle punit. » (D’Aquin 1992: quest. XVI, art. 2, rép.)
Il n’y a pas de point de vue vrai. On peut toujours raconter autrement les mêmes faits. Nous sommes obligés d’entendre les récits des uns et des autres. Ces mots de Ricœur, tirés d’une de ses interviews, montrent qu’il se positionne différemment par rapport à ce problème.
En ce qui me concerne, je constate que nous avons là la réponse à notre question : comment peut-on mettre ensemble, l’hérésie et l’inquisition, l’infidélité, au sens d’opposition à la foi, et la« guerre juste » ? La réponse : Le mal n’est pas dans les faits. Étant donné que le même fait peut être bon pour quelqu’un et mauvais pour quelqu’un d’autre ou bon pour certains et mauvais pour d’autres, la structure du mal, comme celle du bien d’ailleurs, est relationnelle.
Dans un deuxième temps, Paul Ricœur tâche de dégager une explication du mal à partir de plusieurs niveaux de discours. Le mythe, d’abord, qui raconte les origines pour expliquer comment la condition humaine est devenue ce qu’elle est ou pourquoi elle est telle pour chacun. C’est l’explication dite de la rétribution selon laquelle toute souffrance est méritée parce qu’elle est la punition d’un péché individuel ou collectif, connu ou inconnu. Cette explication, enchaîne-t-il, « a au moins l’avantage de prendre au sérieux la souffrance en tant que telle, comme pôle distinct du mal moral. Mais elle s’efforce aussitôt d’annuler cette différence, en faisant de l’ordre entier des choses un ordre moral. » (Ricœur 2017: 30) La répartition des maux peut être en plus indiscriminée, disproportionnée. L’histoire de Job, un homme d’une grande probité soumis à des épreuves atroces, en est l’illustration.
Au stade de la sagesse suit le stade de la gnose. Celle-ci élève la spéculation sur le mal au rang d’un combat titanesque entre les forces du bien et celles du mal.
La riposte augustinienne à la vision dualiste de la gnose va constituer une des assises de la pensée occidentale. Ainsi Augustin introduit-il l’idée d’une distance ontique entre le créateur et la créature, qui permet de parler de la déficience du créé. En vertu de cette déficience, des créatures dotées de liberté de choix peuvent incliner vers le mal. De cette façon, à la question d’où vient le mal, dont la portée est ontologique, se substitue une autre : d’où vient que nous fassions le mal ? Et cela fait basculer le problème du mal dans la sphère de l’acte, de la volonté mauvaise, tout en laissant intacte la responsabilité divine. Cette vision morale du mal « entraîne à son tour une vision pénale de l’histoire : il n’est pas d’âme injustement précipité dans le malheur. » (Ricœur 2017: 36 )
Le dernier stade est celui de la théodicée, explication de l’apparente contradiction entre l’existence du mal et deux caractéristiques propres à Dieu : sa toute-puissance et sa bonté. Le modèle du genre reste la théodicée de Leibniz. Dans celle-ci, les formes du mal sont placées sous le titre de mal métaphysique , qui est le défaut de tout être créé. La conséquence : le monde ne peut être parfait, mais Dieu a créé le monde qui contient le moins d’imperfection possible. Les maux, dit Leibniz, deviennent quelquefois des biens subsidiaires, comme moyens pour de plus grands biens. Et le commentaire de Ricœur : « C’est encore une fois la lamentation, la plainte du juste souffrant qui ruine la notion d’une compréhension du mal par le bien…"(Ricœur 2017: 41)
Ricœur enchaîne avec Kant qui s’est attaqué à la base même du discours onto-théologique. Avec lui, le problème du mal relève uniquement de la sphère pratique, de la volonté et de l’acte. De surcroît, Kant romp avec le péché originel. Selon lui, le principe du mal n’est pas une origine au sens temporel du terme. Il est une propension au mal qui coexiste avec la disposition au bien, l’une et l’autre pouvant s’emparer de l’agir humain. Il y a dans ce constat une lueur d’espoir : Le penchant au mal n’occuperait pas dans la volonté la place de la prédisposition au bien, l’un et l’autre étant tout aussi originaires et « inscrutables ». Il y a dans ce constat une lueur d’espoir. Reste à savoir comment faire pencher la balance du côté du bien et tenir ouverte la voie de la régénération.

III.2. La réponse apportée par Ricœur

La réponse apportée par Ricœur au problème du mal conjugue la pensée spéculative, l’action morale et politique et la transformation de l’homme de l’intérieur.
Au plan de la pensée, le problème du mal laisse voir son caractère aporétique. Du point de vue de l’action, et donc pratique, le mal est ce qui doit être combattu. Car toute action qui diminue la quantité de violence exercée par les hommes les uns contre les autres, diminue par la même occasion le taux de souffrance dans le monde. Mais la lutte contre le mal n’est pas sans reste, car la souffrance infligée par les hommes est répartie de façon arbitraire et indiscriminée, de sorte qu’elle est ressentie par la plupart comme imméritée. En outre, il y a une source de souffrance en dehors de l’action injuste des hommes les uns envers les autres. Ce sont les catastrophes naturelles, les maladies, les épidémies, le vieillissement et la mort. La réponse pratique au mal ne suffit donc pas. Reste la réponse émotionnelle. Et là le syntagme « travail de deuil » décrit par Freud comme un déliement, une à une, de toutes les attaches qui nous font ressentir la perte d’un objet d’amour comme une perte de nous—même, est éclairant. Dans ce processus de détachement qui vise à nous rendre libres pour de nouveaux investissements affectifs, Ricœur distingue trois stades. Le premier consiste à intégrer au travail de deuil l’ignorance engendrée par l’aporie intellectuelle. Et il pointe là le sentiment de culpabilité C’est une chose d’être coupable et une autre de se sentir coupable Lorsque le malheur survient, la sagesse est de ne pas se laisser engloutir par le sentiment de culpabilité, de perte et de mésestime de soi. L’échec de la théorie de la rétribution sur le plan spéculatif, doit être intégré au travail de deuil, comme une délivrance de l’accusation : les choses arrivent ainsi, il y a du hazard dans le monde. Un second stade c’est de laisser la lamentation se répandre en plainte contre Dieu : Jusqu’ à quand, Seigneur ? L’accusation contre Dieu est ici l’impatience de l’espérance. Un troisième stade c’est de découvrir que les raisons de croire en Dieu n’ont rien de commun avec le besoin d’expliquer l’origine de la souffrance. « La souffrance n’est un scandale que pour qui comprend Dieu comme la source de tout ce qui est bon, y compris l’indignation contre le mal, le courage de le supporter et l’élan de sympathie vers ses victimes. Alors nous pouvons croire en dieu en dépit du mal » (Ricœur 2017 : 63)
L’homme ricœurien est vulnérable et souffre. Et il souffre parfois injustement et s’indigne, alors que l’homme thomasien est coupable et mérite d’être puni. Par delà les différences, l’homme thomasien et l’homme ricœrien reposent leur espérance sur l’idée d’une « grâce », d’un « surplus » leur venant d’au-delà leur impuissance ou vulnérabilité.


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